Corps à corps — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg
Menu
Navigation

Corps à corps

Prédication du dimanche 23 février 2025, par Jean-Michel Ulmann

 

Corps à corps

Prédication du dimanche 23 février 2025, par Jean-Michel Ulmann

 

Lectures bibliques :

  • 1 Samuel 26, versets 1 à 11
  • Luc 6, versets 27 à 32

 

 

Quelles  nouvelles, quelles nouvelles nouvelles ? Guerres, violence, invasions, armement, menaces, exodes…Rien de cela n’est, hélas, nouveau. Alors, alors, peut-être trouverons-nous une réponse d’ici la fin de cette prédication, peut-être ?

 

L’affiche coup de poing réalisée par Loup pour le culte de ce jour invite à assister à un affrontement. C’est bien choisi. Elle illustre l’ambiance combative de ces textes et la conduite à tenir face aux hostilités. Avant d’entrer sur le ring je dois vous dire que je me suis heurté à ces lectures comme à un adversaire. J’ai été tenté de jeter l’éponge tant elles m’ont étourdi. Être chrétien c’est parfois un corps à corps avec les Ecritures.

Mais avais-je le choix ?  Au programme de ce dimanche dans toutes les églises ça n’aurait été ni honnête, ni fraternel de faire l’impasse. Partagés dans toutes les langues, ces textes nous permettent de fraterniser avec tous les chrétiens. C’est un lieu, commun. J’aime les lieux communs.  Donc, pas de dispense.

 Alors, en les lisant et relisant j’ai fini par les apprivoiser. Elles ne m’ont plus fait peur. « N’ayez pas peur », cette expression employée plus de 300 fois dans la Bible est une clef universelle qui déverrouille bien des serrures. J’y reviendrai.

De ce corps-à -corps, de cette confrontation assez heurtée avec ces textes je ne dirais pas qu’on jailli des étincelles mais, de ci de là, des petites lumières qui donnent un peu de clarté à notre chemin, voire une lueur d’espoir.

 

Un peu d’histoire.

Samuel environ 1100 av.JC. Trois cents ans après les tables de la loi.

 (1) Saül,(Saul)  premier roi des Hébreux, lui qui a reçu l’onction de Dieu, a trahi le prophète Samuel en offrant le sacrifice (holocauste)  avant d'aller combattre les Philistins (1 Samuel 13:1-13) ; (2) Sa désobéissance flagrante quand il épargne le roi des Amalécites malgré la volonté de l’Eternel. C’est Samuel en personne qui devra trucider Agag, leur roi.

Il faut savoir que Saül était un peu cyclothymique (bi-polaire). Mélancolique chronique. Pas le mauvais gars mais instable. David, le petit berger musicien, lui fut envoyé pour calmer sa mélancolie en jouant de la harpe à son chevet. David a pris de plus en plus d’importance. Et puis les choses ont mal tourné. Lisez c’est un vrai roman de capes et d’épées.

Pourchassé par Saül, David le surprend mais lui fait grâce. Il lui fait grâce parce qu’il a reçu l’onction de Dieu. C’est un tri sélectif. L’onction est sélective. La grâce tombe sur quelques élus plus ou moins bien choisis. C’est un peu chaotique parce que certains reviennent à leurs mauvaises manières.

La bénédiction de Dieu est universelle, la grâce inconditionnelle. 

Luc l'évangéliste, vers 60 à 80 ap J.-C. , auteur du 3ème Evangile et des "Actes des Apôtres " est le compagnon de voyage de l'apôtre Paul qui le décrit comme un éminent médecin. (serment d’Hippocrate IVè av JC) Luc souligne la libération qu’apporte l’Evangile.

Il a fallu environ dix siècles pour passer de « Tu ne tueras pas » du Décalogue à « aime ton ennemi ».  Ce passage ne s’est pas fait en un jour. Le passage théorique parce qu’en ce qui concerne le passage à l’acte, nous  avons encore quelques progrès à faire.

Face à cette injonction il n’est pas interdit de douter, de s’inquiéter, de renoncer.

L’inquiétude, voire l’incompréhension et la révolte devant ces paroles est conscience que le chemin gardera ses obstacles et que le dialogue avec Dieu pourrait se perdre. Ils disent notre fragilité.

 L’humilité, le doute et l’inquiétude nous protègent de l’intégrisme et du fanatisme.

Entrons dans le vif du sujet. Première question : qui  est mon ennemi ?

Qui dit ennemi dit au moins deux sujets quoi que je puisse être mon ennemi intime si je ne m’aime pas. Or dans la version évangélique du développement personnel il est dit : « Aime ton prochain comme toi-même ». Mon ennemi peut me ressembler. C’est mon rival amoureux, mon concurrent commercial, mon opposant politique, mon adversaire sportif et même mon frère.  Caïn et Abel, Jacob et Esaü, Jacob et l’Ange.

Les cas sont fréquents dans la Bible. Il est souvent celui qui me ressemble ; C’est mon double. Janus. La face noire.

Il est peut être aussi celui que je ne connais pas, l’étranger. « Je ne connais ; j’aime pas ». Je me méfie, soupçonne et repousse cet inconnu.

Enfin, je peux être mon propre ennemi. Le mal en moi, ce qui m’entrave, me culpabilise. Comme les Amalécytes symbolisant le mal absolu.(le malin)

Et, qui sait si Inconsciemment, nous n’aimons pas nos ennemis. Avoir un bon intime, héréditaire,  c’est bien utile. Il nous donne une raison d’être, d’être valeureux, populaire et puissants. Donne-moi un ennemi et tu verras un peu de quel bois je me chauffe. C’est quelque chose comme : « Je t’aime, toi non plus ».

Autre question : Je désigne mon ennemi mais moi, ne suis-je pas un ennemi. Se voir ainsi, sous cet angle, modifie un peu le point de vue. Vous ne trouvez pas ? Pourquoi suis-je son ennemi ? Qu’ai-je fait pour en arriver là ? Prendre le temps de ce retournement, de cette conversion change notre regard, notre attitude. J’ai un ennemi donc je suis un ennemi.

Faire l’effort de se dire : Dieu aime aussi mon ennemi ! Comment est-ce possible ?

Jésus nous demande l’impossible. Plus que le pardon, il nous demande l’amour non du prochain mais de l’ennemi. Mais nous comprenons ainsi que l’ennemi est, lui aussi, mon prochain. S’il nous le demande c’est parce qu’il sait que nous en sommes capables. Il nous fait confiance. Nous en sommes capables parce qu’il nous a offert le sien, parce que Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils…

Aime ton ennemi : cette expression nous gêne. Les termes sont contradictoires, antagonistes, incompatibles.

Jésus nous met face à nos limites. Il nous défie. Mais pas pour nous humilier mais pour nous encourager. Il nous met sur le chemin.

 

Aimez son ennemi ? Vous pouvez le  faire. N’ayez pas peur (Plus de 300 occurrences dans la Bible). De l’annonciation à la sortie du tombeau. N'ayez pas peur. De l’annonce de sa venue à sa sortie du tombeau, Jésus dit à ceux qui le suivent : Abandonnez la peur pour saisir la confiance. (Annonciation, transfiguration, Pierre sur le lac, apparition de Jésus aux femmes au matin). Il met la barre très haut. C’est une marque de confiance. C’est une preuve d’amour. Tu peux le faire parce que je suis auprès de toi.

 

Auprès de toi et non au-dessus de toi. L’Eternel sévère et dominateur ordonne. Jésus -si humain- accompagne, patiente.

De Moïse à Jésus nous passons du commandement à l’enseignement. Le Dieu de Moïse ordonne. Il sera souvent désobéi, trahi. Jésus argumente ; il fait appel à notre intelligence. Pourquoi aimer son ennemi, nourrir celui qui n’a rien, prêter à celui qui ne te rendra pas, et. Quel intérêt, quel bénéfice ? Aucun si ce n’est un pas vers la justice, la charité, l’amour et l’estime de soi préalable indispensable. Et cela librement consenti. Nous n’exécutons pas un ordre. Nous ne sommes pas des sujets soumis ; nous appelle amis et nous donne la liberté. Quel bond !

Jésus enseigne. Sgrande leçon est toute entière contenue dans le Notre Père : pardonner les offenses et délivrer du mal, ce mal qui nous ronge.

Aimer son ennemi c’est accepter la différence, la contradiction, le dialogue ; c’est surmonter la haine stérile. Aimer son ennemi est une victoire. C’est choisir la vie.

Au dernier repas, Jésus insiste : Faites corps avec moi. Ce corps à corps n’est pas une lutte contre, mais une lutte avec. Ce n’est plus un combat de boxe, c’est une cordée.

Ce corps à corps nous allons le vivre pendant la communion, partagées fraternellement. Faire corps, c’est aussi faire église. Nous sommes le corps du Christ. Nous passons du corps à corps mortel de Samuel au corps et au sang de la vie.

La nouvelle nouvelle, dont je vous parlais en préambule, le scoop c’est cette parole : « aimez votre ennemis ». Alors frères et sœurs, soyons d’avant-garde. Le message  de Jésus est toujours d’actualité. Il nous montre un chemin.  Nous avons du pain sur la planche et le pain en question c’est celui du corps de Jésus crucifié et ressuscité, du Christ qui pardonne à ses ennemis. Ainsi animés par son  esprit, portés par son amour, son amour inconditionnel, nous pouvons devenir, modestement, mais obstinément,  des artisans de la paix. Amen

Amen