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La manne ? Trois invitations !

Prédication du dimanche 28 avril 2024, par Arnaud Latscha

 

La manne ? Trois invitations !

 

Prédication du dimanche 28 avril 2024, par Arnaud Latscha

Lectures bibliques :

Exode chapitre 16

  • versets 1à 3,
  • versets11 à 25
  • versets 31 à 35

 

 

 

Chères sœurs et chers frères,

 

Nous venons d’entendre le récit de la Manne, un récit qui figure dans le premier testament, dans le livre de l’Exode.

 

Le peuple Hébreux a quitté l’Egypte, guidé par Moïse. Dieu a libéré le peuple Hébreux de l’esclavage et ce dernier est en route vers la terre promise. Un chemin difficile, long, plein de dangers et d’incertitude. Les Hébreux doivent traverser le désert de Sin, situé entre Elim et le mont Sinaï.

 

Et les Hébreux sont découragés. Tellement découragés, qu’ils reprochent à Moïse et à Aaron - et donc, de manière indirecte, à Dieu - de les avoir fait sortir d’Egypte.

 

Certes, en Egypte, les Hébreux auraient peut être fini par mourir, mais ils seraient morts le ventre plein. Ils regrettent les marmites de viande. Le pain plutôt que la liberté. La servitude et le pain plutôt que la liberté et le ventre qui crie famine.

 

Mais Dieu entend les Hébreux et il tient compte de leur récrimination. Dieu leur fait une promesse : chaque jour, tant qu’ils seront dans le désert, ils recevront la Manne, quelque chose de granuleux, fin comme du givre …

 

Quelque chose qu’ils pourront ramasser tous les jours, selon leur besoin. Quelque chose qu’ils ne pourront pas amasser ou accumuler, sous peine de le voir pourrir. Ils pourront juste, le vendredi, ramasser deux rations pour pouvoir respecter le shabbat : ils pourront ainsi avoir à manger le samedi sans avoir à travailler et respecter le commandement. Il nous est dit également qu’ils pourront en mettre de coté pour leur descendance.

 

Et ainsi, Dieu leur donna la manne pendant 40 ans, Dieu leur donna la manne tout le temps nécessaire jusqu’à ce qu’ils arrivent enfin au pays de Canaan.

 

Il s’agit bien sur d’un épisode biblique très connu, avec ce mot « Manne » qui est passé dans le langage courant et qui nous fait penser à quelque chose qui tombe du ciel, en abondance, sans que l’on ait à faire d’effort pour l’obtenir.

 

Cette histoire est bien entendu connue des juifs et des chrétiens mais également des musulmans puisqu’il est fait référence à la Manne dans une sourate du Coran.

 

Mais comment ce texte si ancien, qui nous parle d’un évènement miraculeux arrivé à il ya si longtemps, comment ce texte peut il nous parler aujourd’hui ? Et qu’a t il à nous dire ?

 

Ce  matin, je vous propose que nous méditions sur trois points, trois pistes, qui pourraient répondre à nos interrogations de femmes et d’hommes de 2024. Trois points, trois pistes, ou plutôt trois invitations qui nous sont faites par Dieu ce matin. Une invitation qui t’est faite à toi, ma sœur, mon frère.

 

 

 

Tout d’abord, première invitation, une invitation à la confiance.

 

La liberté à un prix, la liberté nous coûte. Elle nous oblige à nous mettre en mouvement, elle nous force à nous déplacer. Elle peut parfois nous coûter au point de nous faire regretter nos asservissements passés, quels qu’ils soient. Des asservissements certes, mais des asservissements qui nous apportent un certain confort.

 

Se mettre en marche, se mettre en mouvement vers une vie de plénitude, cela va nous amener à quitter nos habitudes et nos certitudes. Cela nous amènera à traverser des déserts : des déserts dans notre vie spirituelle, dans notre vie amicale, notre vie familiale, notre vie affective ou notre vie professionnelle.

 

Cela se traduira par des périodes de sécheresse, des moments de solitude, des instants de doute, des phases de remise en question. Des situations qui sont difficilement évitables si nous voulons avancer. Des déserts donc…

 

Et bien c’est là, c’est à cet endroit même que Dieu nous fait une promesse : s’il nous invite, s’il nous incite à  prendre le risque, le risque du déplacement et de la liberté, il nous promet qu’il sera là, dans nos déserts, tous les jours, autant que nous en avons besoin. C’est dans la difficulté, dans l’adversité, que la manne nous est promise.

 

Ici il nous est dit que la traversée du désert a duré 40 ans. Bien sur en terme géographique ou topographique, il ne faut pas 40 ans pour effectuer la traversée du désert de Sin telle qu’elle nous est décrite et qui fait toute au plus quelques dizaines ou de km . 

 

Alors pourquoi 40 ?

 

40, que cela soit des années ou des jours, 40 est le chiffre le plus utilisé dans la Bible, plus de 90 fois semble t-il. C’est en fait le nombre de la foi : c’est le temps de l’épreuve, le temps qu’il faut pour approcher Dieu, se convertir et répondre à son appel.

 

Ici Il fait référence aux 40 ans que le peuple Hébreux a passé dans le désert.

 

Toujours dans le livre de l’Exode, 40 jours, c’est le temps que Moise passe dans la montagne avant  que Dieu lui remette les tables de la loi.

 

Le prophète Élie aussi marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. Après cette longue marche dans le désert, Élie est prêt à rencontrer le Seigneur.

 

Et dans le nouveau testament, Jésus a passé 40 jours dans le désert.

 

Ainsi, pour entendre la volonté de Dieu et s’imprégner de ses paroles, il faut du temps. Quarante devient ainsi le temps nécessaire pour une véritable rencontre avec Dieu. C’est un nombre qui évoque à la fois un temps d’épreuve et un temps de conversion.

 

Mais revenons à la Manne, le pain qui vient du ciel.

 

“Que chacun en ramasse la ration qui lui est nécessaire » « Que personne n'en mette de côté pour demain matin ».

 

La promesse de Dieu, sur laquelle nous pouvons baser notre confiance, c’est que durant cette traversée, nous aurons la ration nécessaire. Juste la ration nécessaire, la juste ration nécessaire. Il ne sert à rien d’avoir peur de ne pas avoir assez. Il ne sert à rien de mettre de côté car Dieu nous promet la manne. Il nous promet le pain de ce jour, gratuitement, sans conditions, même quand nous sommes en colère contre lui.

 

Nous pouvons lui faire confiance, il nous accompagnera sur notre route et nous donnera notre pain quotidien, notre pain de ce jour. Le strict nécessaire, le juste nécessaire.

 

 

La deuxième invitation est une invitation au partage : une certaine forme de responsabilité, envers nos prochains, envers notre descendance et aussi envers nous même, une certaine forme de modération :

 

“Que chacun en ramasse la ration qui lui est nécessaire ; vous en ramasserez environ quatre litres par personne, d'après le nombre de personnes vivant sous la même tente.”

« Que personne n'en mette de côté pour demain matin ».

 

J’évoquais tout à l’heure le fait que l’expression « manne » est passée dans le langage courant. Mais il me semble dans que cette acception commune, si la manne nous fait bien penser à quelque chose qui tombe du ciel sans que l’on ait a faire d’effort pour l’obtenir, il y aussi une idée d’abondance, d’illimité.

 

Or dans le texte de l’Exode, on comprend bien que si la manne est promise, il est demandé de ramasser uniquement ce qui est nécessaire, pour soi et pour les personnes vivant sous la même tente..

 

Il y a là une recommandation claire : le partage : ne pas prendre trop au risque que les autres n’en ai pas assez, ne pas prendre trop au risque de gâcher cette ressource miraculeuse. Il ne sert à rien de prendre trop, puisque nous savons que nous aurons le nécessaire.

 

Que la manne soit une nourriture matérielle ou spirituelle, nous y reviendrons plus tard, nous sommes invités à la partager.

 

Et cette invitation au partage est bien sur d’une grande actualité dans un monde où les ressources naturelles se raréfient où bien sont gachées, dans un monde dans lequel nous sommes de plus en plus nombreux et dans un monde où nous ne savons plus partager. Nous ne savons plus partager les ressources Ne pas gâcher, partager, nous aurons le nécessaire. C’est une responsabilité envers nos prochains.

 

Cette responsabilité s’étend aussi envers les générations futures : garder la manne oui, mais pour la transmettre aux génération futures.

 

Enfin, une responsabilité envers nous mêmes : il nous faut respecter le repos légitime, et reconnaître comme essentiel la distance que nous devons prendre avec l’agitation quotidienne. C’est le sens du Shabbat. Le shabbat est fait pour l’homme. Dieu interdit aux hommes de ramasser la manne le jour du shabbat pour qu’ils puissent se reposer, prendre du recul vis à vis de leur activité quotidienne. Dieu promet deux rations de manne la veille du shabbat pour permettre à l’homme de respecter le shabbat.

 

Encore aujourd’hui, dans les familles juives, le vendredi soir, pour le repas d’entrée en shabbat, deux pains sont posés sur la table, deux pains, en mémoire des deux rations de la manne.

 

 

Une invitation à la confiance, une invitation au partage et puis enfin, nous allons le voir, dernière piste, une invitation au questionnement.

 

 

« Qu’est ce que c’est ?» se demandent les Hébreux.  « Qu’est ce que c’est ? ». La traduction du livre de l’Exode que nous venons d’entendre est un peu réductrice. Si l’on se réfère à d’autres traductions, comme par exemple la TOB, au verset 15, il nous est dit « Les fils d’Israël regardèrent et se dirent l’un à l’autre : « Mân hou ? » (« Qu’est-ce que c’est ? »). Il y a là une sorte de jeux de mot avec le mot hébreux Man, qui a donné le mot Manne que nous connaissons en français et le terme « Mân hou » qui veut dire en hébreux « qu’est ce c’est » ?

 

L’expression devient ainsi une question, elle est en elle même une question. Il y une question au cœur même de l’expression !

 

Peut être que nous pouvons en tirer comme explication que, certes Dieu nous donne la manne, mais qu’il nous incite aussi à nous interroger. Il nous donne quelque chose mais quelque chose que nous devons questionner, que nous devons découvrir.

 

Bien sur, il nous est dit que la manne est le pain que Dieu nous donne à manger chaque jour.

 

Mais quand les Hébreux la découvrent, ils ne savent pas ce que c’est. Quelque chose de granuleux, de fin comme du givre ? Quelque chose qui ressemble à des graines de coriandre ? Quelque chose de blanc avec un goût de miel ? En tous cas une question…

 

En tout cas quelque chose qui nous est donné par Dieu.

 

Mais comme l’ont dit les Hébreux, qu’est ce c’est ? Mân hou ?

 

Il s’agit d’un nourriture, quelque chose qui nous rassasie mais s’agit il d’un aliment ? s’agit il d’une nourriture spirituelle ?

 

Nous avons peut être des éléments de réponse quelques pages plus loin dans la bible, dans le livre du Deutéronome :

 

Il nous est dit, au chapitre 8 du Deutéronome v. 3 :

 

« ….il (le Seigneur) t'a donné la manne, une nourriture inconnue de toi et de tes pères. De cette manière, il t'a montré que l'être humain ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »

 

Cette expression est reprise par le Christ, dans l’évangile de Matthieu au chapitre 4, où Jésus, après avoir passé 40 jours dans le désert, alors qu’il a faim et est interpellé par le tentateur, dit :

 

« L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».

 

Alors peut-être pouvons nous considérer que cette nourriture qui nous est promise par Dieu, tous les jours, dans les déserts que nous traversons, dans tous nos déserts, cette nourriture, c’est tout simplement sa parole, la parole de Dieu.

 

Une parole qui nous est donnée mais que nous sommes invités à questionner, à interroger.

 

Et c’est par ce cheminement avec la Parole, que nous avancerons vers la vie de plénitude qui nous est annoncée, c’est par ce cheminement, avec la Parole, que nous pourrons franchir nos déserts.

 

Et puisque nous parlons du pain qui nous est donné par Dieu, en tant que chrétiens nous pensons également à  la prière du notre père  dans laquelle nous demandons à Dieu de nous donner notre pain de ce jour.

 

Et puis enfin nous pensons aux paroles du Christ telles qu’elles nous sont relatées dans l’Evangile de Jean (Chapitre 6)

               

48Moi je suis le pain de vie. 

49Vos ancêtres ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts. 

50Mais le pain qui descend des cieux est tel que celui qui en mange ne mourra pas. 

51Moi je suis le pain vivant descendu des cieux. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour toujours. Le pain que je donnerai pour que le monde vive, c'est ma chair. »

 

Alors oui cette Manne qui nous est promise, c’est peut être bien cette parole de Dieu, et pour nous chrétiens, cette parole de Dieu qui s’est fait chair en Christ.

 

Pour conclure

 

Chers frères et sœurs,

 

Comme le peuple hébreux, nous sommes invités à la confiance.

 

Nous sommes invités à partager la parole de Dieu avec nos prochains, nous sommes inviter à la conserver comme un trésor pour les générations futures.

 

Nous sommes invités à vivre de la parole qui nous est offerte.

 

Dans nos déserts, Dieu est avec nous, la parole de Dieu est avec nous, elle est notre pain de chaque jour, elle est le pain qui nous nourri, elle est le pain qui nous est promis. Elle est la parole qui s’est faite chair en Christ.

 

A nous de recevoir cette parole, de questionner cette parole, à nous de vivre de cette parole

 

A nous de recevoir le pain promis, comme dans quelques instants, le pain de sainte cène que nous allons partager.

 

 

Amen