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L'âne et le roi

Prédication du dimanche des Rameaux du 13 avril 2025, par Christine Descamp-Batier

L'âne et le roi

Prédication du dimanche des Rameaux du 13 avril 2025, par Christine Descamp-Batier

 

Lectures bibliques: Philippiens 2, versets 6 à 11 ; Luc 19, versets 28 à 40

 

L’âne : « Hosanna ! Hosanna ! Béni soit le Roi !

Pardon pour cet excès d’euphorie mais mon cœur est rempli de joie car je viens de rencontrer un roi tout de même. Oh mais quel âne je suis ! Excusez-moi, j’ai oublié de me présenter… Je suis un ânon, le petit dernier d’une fratrie du village de Béthanie, bourgade paisible de Judée à seulement quelques stades de la grande Jérusalem.

Depuis quelques jours, on ne parle que de ça dans toutes les étables du pays ! J’ai fait un véritable triomphe, dimanche dernier, avec un roi porté sur mon dos.

J’étais tranquillement en train de brouter un peu d’herbe quand deux types un peu bizarres sont venus me chercher. Ils étaient tout excités, ils ont parlé d’un roi qui avait besoin d’une monture. Non mais, rendez-vous compte… J’ai tout de suite vu que ces types s’étaient trompés de porte : rentrer dans une étable et venir chercher un âne pour un roi ! Ils m’ont tout de même détaché. Pourtant je suis le plus petit, le plus jeune, le moins expérimenté de tous pour une telle balade mais bon je n’allais quand même pas les contredire : mon heure de gloire avait enfin sonné !

Ils m’ont emmené jusqu’à lui, ils ont déposé leur manteau sur mon dos pour me faire une belle parure et puis il a grimpé à califourchon et hop-là nous voilà partis vers la grande ville ! Faites place, le roi et son fier destrier arrivent !

Je vous vois dubitatifs mais je peux vous assurer qu’il s’agissait bien d’un roi. La foule était déchaînée – d’ailleurs, je suis sûr que vous l’avez entendue d’ici. Oh que c’était beau : la foule criait, chantait, jetait des rameaux devant mes sabots ! A tue-tête la foule chantait :

« Tressaille d’une grande joie, fille de Sion ! Pousse des cris d’allégresse, fille de Jérusalem ! » (Zacharie 9, v.9)

Moi, je l’ai tout de suite senti qu’il n’était pas comme les autres cet homme-là, qu’il avait quelque chose de particulier qui se dégageait de lui. Oui, c’est vrai qu’il sentait bon la myrrhe, un vrai parfum de roi ! Malgré la poussière sur sa tunique et sous ses pieds, il avait plutôt fière allure sur mon dos. C’est l’accomplissement des paroles du prophète Zacharie :

« Voici que ton Roi vient à toi. Il est juste et victorieux, il est pauvre et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. » (Zacharie 9, v.9)

Vous voyez, on parle de moi !!!

Alors que d’habitude, on se moque plutôt de mes grandes oreilles tombantes... Aujourd’hui, on est jaloux de moi car j’ai été choisi pour rendre un service unique. Les savants diraient que je suis un théophore. Oui « théo-phore » car je porte Dieu sur mon dos. Ce n’est pas rien ! Oui, je suis peut-être têtu, obstiné mais au moins je sais où je vais et avec qui ! J’obéis aux ordres non pas aveuglément mais tout simplement parce que je sens, au fond de moi, que je peux être utile. Moi, le tout petit, être utile à quelqu’un d’important et ainsi modestement servir une grande cause. J’ai bien entendu, avec mes grandes oreilles, les disciples dire à mes maîtres de me détacher car le Seigneur en personne avait besoin de moi.

Hosanna ! Hosanna ! Certains même déposaient leurs manteaux devant moi, pour éviter que la poussière ne salisse mes sabots… Ah, ça a du bon la célébrité ! Ce n’est pas tous les jours qu’on escorte un roi !

Bon allez, j’arrête de vous embêter avec mes âneries et je laisse la place à la prédication… » 

 

La prédicatrice

Frères et sœurs, vous ne vous attendiez sûrement pas à rencontrer un âne ce matin/ce soir dans ce temple ? Et pourtant, tout est possible à Dieu !

Remarquez, j’ai bien rencontré un âne récemment dans les ruelles de Marrakech où nous étions en vacances avec mon mari Benjamin. Quel choc ! Nous étions tranquillement en train de flâner dans le souk quand a surgi un âne galopant parmi les étals des marchands manquant de renverser une cycliste au passage… Nous étions, d’un coup, plongés au temps de Jésus, au jour des Rameaux, ce jour de grande liesse qui voit apparaître le roi tant attendu, le Messie acclamé par toute une foule.

 

Il n’y a pas de doute, nous sommes bien aujourd’hui le dimanche des Rameaux. Par contre, je vais vous décevoir mais il n’y a pas de trace de rameaux dans notre texte… Pas plus que de « Hosanna ! », ni de foule d’inconnus qui acclament Jésus… Luc semble vouloir mettre en lumière d’autres éléments sur l’identité de Jésus et de sa royauté. En réalité, Jésus brille en étant un roi humble et pauvre. Un roi qui prend notre condition humaine et qui va endurer notre souffrance et s’abaisser jusqu’à la mort.

Le texte nous dit déjà que Jésus est dans ce mouvement de descente : « tandis qu’il approchait de Jérusalem, par le chemin qui descend du mont des Oliviers. » (Luc 19, v. 37)

Un roi humble qui choisit pour monture un âne, même un ânon, un tout petit, celui qui n’a aucune expérience et qu’on ne remarque pas… Jésus envoie deux disciples chercher cet âne et leur donne comme consigne de le délier. Et si ses maîtres (au pluriel dans le texte) posent la question, les disciples devront répondre que le Seigneur (au singulier) en a besoin. Nous voyons donc notre ânon passer des mains de propriétaires multiples à la main unique du Seigneur. Le premier réflexe serait de s’indigner contre ce seigneur qui réquisitionne et impose sa domination sur les plus faibles mais nous le savons bien que ce n’est pas là l’intention de Jésus. Et nous voyons surtout que l’âne passe par, en quelque sorte, une libération car il est littéralement « délié », détaché, libéré de sa servitude. Ce qui est, nous le savons bien, le cœur de la mission du Christ : nous délier, c’est-à-dire nous libérer de notre attache, du péché qui nous emprisonne. Cela fait de notre âne l’un des premiers à bénéficier de la grâce du Christ sauveur. Après, savoir si l’animal a péché et a besoin d’être sauvé… je ne m’y risque pas ! Mais comme le péché est le fait de se détourner de Dieu : ce qui est sûr, c’est que notre âne nous montre l’exemple en étant détaché et en prenant le chemin de la libération avec Jésus sur le dos venu pour nous relier à son Père.

Ainsi commence à se dessiner le portrait de notre roi. Un roi peu commun il faut avouer. Un roi qui prend un âne pour monture. Un roi qui ne chevauche pas de cheval à la tête d’une armée nombreuse et triomphale. Au contraire, un roi humble tout simplement assis sur un ânon accompagné et acclamé de ses disciples. Car ce sont bien eux les disciples qui composent la foule nombreuse et pleine de joie. Ces disciples qui ont parcouru avec lui des kilomètres à travers tout le pays et qui ont été témoins de nombreux actes de puissance libératrice. Tous ces actes de Jésus qui sont les guérisons, les paroles libératrices qui ont transmis l’amour de Dieu et sa capacité à restaurer la vie là où elle était bafouée, niée et mise à mal.

Le Christ, à travers chacune de ses paroles, a toujours montré qu’il ne se réclamait pas d’une autorité religieuse, n’exigeait pas obéissance et soumission aveugle. Au contraire, sa parole a la force de libérer de tout pouvoir abusif et c’est dans la joie de cette libération que nous pouvons, à notre tour, mettre nos pas (nos sabots) dans les siens.

D’ailleurs, en signe d’obéissance et de reconnaissance à ce roi aimant et bienveillant, les disciples se mettent à jeter leur manteau sur le chemin, au passage de l’âne.

Dans l’Antiquité, comme aujourd’hui encore, le vêtement symbolise tellement notre identité, notre richesse, notre statut social. Alors, la question est : aujourd’hui, sommes-nous prêts, nous aussi, à nous défaire de notre vêtement ? C’est-à-dire de tout ce qui fait notre paraître, de ces identités (plus ou moins vraies), de tout ce qui nous identifie de l’extérieur aux yeux des hommes. Non pas pour perdre notre identité mais pour revêtir l’identité fondamentale de disciple du Christ. L’identité fondamentale, celle qui fonde tout l’être humain, le squelette qui tient tout le corps. L’identité de disciple du Christ et d’enfant de Dieu. Voilà la bonne nouvelle pour nous aujourd’hui.

Jésus nous appelle à le suivre sur ce chemin même s’il faut tout quitter pour cela. Le jeune homme riche en sait quelque chose…

« Comme il est difficile à ceux qui ont des richesses d'entrer dans le règne de Dieu ! » (Luc 18, v. 24)

Ne plus laisser les apparences et la peur guider nos vies mais au contraire, choisir la parole d’amour qui libère et qui emplit de confiance. 

 

Aujourd’hui, en ce début de semaine sainte, nous sommes appelés à choisir de mettre notre confiance en l’autorité du Christ. Nous voici appelés à déposer notre vie entre ses mains, à nous défaire de nos habits qu’ils soient d’apparat ou de misère, pour mettre nos pas dans les siens. Les événements de Pâques nous montrent à quel point ce roi qui entre aujourd’hui dans Jérusalem va aller jusqu’au bout du don de sa personne. Se défaisant de sa propre vie pour nous dire que jamais, à aucun moment il n’acceptera d’user de la force et de la puissance pour s’imposer, ni même pour éviter de passer par la Croix. Au contraire, il va tout donner jusqu’à sa vie-même pour nous montrer le véritable chemin, celui de la vie en lui, de la vie avec lui.

 

L’âne : « Alléluia ! Vive le roi Jésus !

Je suis si fier d’avoir eu la chance de porter sur mon dos un roi et pas n’importe quel roi, le roi qui vient au nom du Seigneur !

Tout cela me met tellement en joie, de savoir que nous avons enfin trouvé celui qui vient nous sauver ! Je ne peux m’empêcher de lâcher un hennissement de joie et de faire vibrer mes longues oreilles.

Ne nous bridons pas car c’est vrai, si nous nous taisons, alors qui parlera ? Si nous ne transmettons pas tout ce que nous avons appris du Seigneur, qui le fera pour nous ? Si nous ne témoignons pas auprès de nos contemporains de la force libératrice de cette parole d’amour de Dieu, qui osera ?

Peut-être bien que "ce seront les pierres qui crieront" ! » (Luc 19, 40)

Amen.