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L'écoute, outil indispensable pour naviguer "au près" des autres

Prédication du dimanche 2 février 2025, par Loup Cornut, dans la suite de la Matinale de l'Entraide du 1er février sur "écoute et accompagnement"

 

L'écoute, outil indispensable pour naviguer "au près" des autres

 

Prédication du dimanche 2 février 2025, par Loup Cornut,

dans la suite de la Matinale de l'Entraide du 1er février sur "écoute et accompagnement"

 

Lectures bibliques :

  • Jérémie 7, versets 21 à 28
  • Exode 24, versets 1 à 8
  • Luc 10, versets 38 à 42

 

Il y a des mots familiers, des mots du quotidien pour lesquels, lorsqu’on nous demande de les définir, nous sommes bien en peine. Décidant de faire écho, dans les cultes d’aujourd’hui, au thème de la Matinale de l’Entraide d’hier matin, j’ai réfléchi à ce que voulait dire « écoute » et « accompagnement ». J’ai cherché la définition d’écoute. Je vous en partage le résultat :

« une écoute est un cordage servant à régler une voile. Il y a généralement trois écoutes à bord : l’écoute de grand voile, l’écoute de foc et l’écoute de spi ».

J’avais l’impression de faire fausse route.

Reprenant ma réflexion, j’ai pensé que l’écoute vient de l’un de nos cinq sens, l’ouïe, et que ce sens est rendu possible par l’oreille. Une rapide recherche m’apprend que la partie externe de l’oreille s’appelle le pavillon. Cherchant à en savoir plus, j’apprends que le pavillon est « la nationalité de rattachement d’un navire ».

Ces homonymies nautiques me semblent parfaitement illustrer ce que les textes que nous venons d’entendre nous révèlent.

L’écoute de Dieu me permettra de tenir le cap, de régler correctement les voiles pour garder la bonne direction, malgré des courants forts et de possibles vents contraires. Le pavillon de mon oreille, grâce auquel les Paroles de Dieu me parviendront, me permettra de trouver ma nationalité : celles de ses enfants, frères et sœurs de Jésus.

 

1. L'écoute comme obéissance

Mais commençons par ce mot « écoute ». En hébreu, il se dit, le plus souvent « shema ». Nous le connaissons par le « shema Israël » dont nous avons fait l’un de nos cantiques. Et cette prière fondamentale du judaïsme : « shema Israël Adonaï elohenou. Adonaï ehad ». Ce « shema Israël » qui se traduirait par « Ecoute, Israël ; Le Seigneur est notre Dieu. Le Seigneur est un ». C’est un appel à l’obéissance. Un appel à écouter les Paroles de Dieu et, par l’écoute obéissante qu’on leur offre, reconnaitre que Dieu est notre Dieu et qu’il n’y en a pas d’autres.

C’est cette notion que nous retrouvons dans le passage du livre de Jérémie que nous venons d’entendre.

Le verset 23 fait référence à un passage du livre de l’Exode. Je relis le verset 23.

« Voici plutôt l'ordre que je leur ai donné : Ecoutez-moi ! Alors je serai votre Dieu, et vous, vous serez mon peuple. Suivez bien la voie que je vous prescris, afin que vous soyez heureux. »

Et, dans le livre de l’Exode (Exode 19, verset 5), nous lisons :

 « Maintenant, si vous m’écoutez et si vous gardez mon alliance, vous serez mon bien propre parmi tous les peuples – car toute la terre m’appartient. »

Mais « vous ne m’avez pas écouté » dit le verset suivant, dans le livre de Jérémie. On trouve ici la polysémie du mot hébreu « shema » qui se traduit aussi bien par « écouter », « prêter l’oreille à » que par « obéir ». Ici, en l’occurrence, le prophète reproche au peuple de ne pas avoir obéi aux commandements qui lui avaient été donnés.

Précédemment dans le texte, Jérémie utilise une formule imagée pour parler de l’incapacité à obéir dans laquelle se trouve le peuple. Le prophète s’interroge : « A qui m’adresser ? qui prendre à témoin pour qu’ils écoutent ? leur oreille n’est pas circoncise, et ils sont incapables de prêter attention […] » (Jérémie 6,10). L’expression signifie sans doute que leurs oreilles sont inaptes à entendre, c’est-à-dire qu’ils sont en fait incapables d’obéir. Il faut se souvenir que l’absence de circoncision évoque l’impureté rituelle mais surtout la non-appartenance au peuple de l’alliance. S’ils n’écoutent pas Dieu, donc qu’ils ne lui obéissent pas, ils ne peuvent pas faire partie de son peuple.

On peut aussi y voir une allusion à tous les prophètes qui ont été envoyés par Dieu. Moïse, par exemple. Moïse énonce les choses ainsi : « Le Seigneur, ton Dieu, suscitera pour toi, de ton propre sein, d’entre tes frères, un prophète comme moi : vous l’écouterez ! » (Deutéronome 18, 15). Le prophète biblique est d’abord l’homme d’une parole efficace qui va produire ce qu’elle annonce. En effet, Dieu envoie le prophète pour qu’il veille sur la parole pour l’accomplir (Jérémie 1,12) Le plus souvent, la « prédication » des prophètes se partage oralement. C’est toute la notion d’écoute qui est alors en jeu. Lorsque le prophète s’adresse à lui, le peuple, soit se mettre en état d’écouter le message et surtout de le recevoir. Ce qui signifie, le plus souvent : accomplir le message délivré.

Jérémie s’emporte contre ce peuple qui se refuse à agir et obéir malgré tous les prophètes que Dieu lui a envoyés. Mais le problème s’est posé dès Moïse, qui a agi comme premier prophète. Moïse recevait directement de Dieu ses paroles et ses commandements. Il était dans la bonne disposition pour écouter Dieu mais pas pour rendre ses paroles efficaces auprès du peuple. Moïse a eu besoin d’un intermédiaire qui s’est, à son tour, fait prophète pour le peuple. Moïse reçoit de Dieu les mots, mais il les transmet à Aaron. Aaron transmettant ensuite les paroles prononcées par Moïse. Ils constateront tous les deux les difficultés de la méthode. Puisqu’une première tentative de transmission des tables de la loi se soldera par un échec. Cette parole, écoutée et transmise, restera lettre morte pour le peuple. Même gravés, une première fois, dans la pierre, les mots n’ont pas atteint leur but. L’efficacité de la parole n’est pas uniquement entre les mains de celui qui parle, mais aussi entre les mains de celui qui les reçoit. Pour les recevoir, il faut une disposition des oreilles, mais aussi de l’esprit et du cœur. Il y aura, en quelque sorte, une deuxième édition des tables de la Loi.

C’est une des bases de la communication entre deux êtres : celui qui parle n’a aucun pouvoir sur la réception que son auditeur fera de ses paroles. Les entendra-t-il seulement ? Et, s’il les entend, sera-t-il disposé à en tenir compte ? Et, sans forcément aller jusque-là, celui qui écoute les paroles les comprendra-t-il de la même manière que celui qui les a prononcées ? Un mot peut être chargé de sens, d’émotions, de souvenirs dont nous ne sommes absolument pas maître. Nous pouvons considérer, par exemple, qu’une bonne maitrise de la langue permet d’en saisir les nuances ; mais, au-delà de la finesse du langage, il y a surtout ce que ce mot évoque chez la personne à laquelle je m’adresse. Finalement, un mot pourrait être vu comme une saveur. Certains l’apprécieront, le trouveront doux ou plein de sens, là où d’autres le trouveront péjoratif ou vieillot.

Dans ce cas, même la répétition patiente dont Jérémie a fait preuve ne sert pas à grand-chose. Il l’a d’ailleurs reproché quelques versets auparavant : « Et maintenant, puisque vous avez fait tout cela – déclaration du Seigneur- puisque je vous ai parlé et reparlé, inlassablement, et que vous n’avez pas écouté, puisque je vous ai appelés et que vous n’avez pas répondu… ».

Bref, le peuple a fait preuve d’un entêtement certain, il s’est obstiné dans son refus.

 

2. L'écoute comme réponse mutuelle

J’ai retenu, pour illustrer ce thème de l’écoute, un passage du livre de l’Exode.

Le livre de l’Exode est le récit fondamental du peuple hébreu qui se comprend comme le peuple de Dieu. Il se base sur l’appel que le peuple hébreu a fait monter jusqu’à Dieu ; appel que Dieu a écouté. Il prend racine dans un épisode relaté dans le livre du Deutéronome : Deutéronome 26, versets 5 à 11

Et toi, tu diras devant le Seigneur, ton Dieu : « Mon père était un Araméen nomade ; il est descendu en Egypte avec peu de gens pour y séjourner en immigré ; là, il est devenu une nation grande, forte et nombreuse. 6Les Egyptiens nous ont maltraités, affligés et soumis à un dur esclavage. 7Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères. Le Seigneur nous a entendus et il a vu notre affliction, notre peine et notre oppression. 8D'une main forte, d'un bras étendu, par une grande terreur, avec des signes et des prodiges, le Seigneur nous a fait sortir d'Egypte. 9Il nous a amenés dans ce lieu et il nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel. 10Maintenant j'apporte les prémices du fruit de la terre que tu m'as donnée, Seigneur ! »

« Le Seigneur nous a entendu… » C’est l’exemple d’un « shema » d’une écoute qui fonctionne aussi de l’autre sens. De son peuple vers Dieu. C’est le peuple hébreu qui a crié vers Dieu et Dieu l’a écouté. Dieu peut lui aussi « shema » son peuple. L’un écoute l’autre et lui répond.

Le chapitre 24 est celui dans lequel est scellée la première alliance de Dieu avec son peuple. C’est la consécration d’une écoute réciproque. Dieu a écouté le cri de son peuple et y a répondu. En écho, le peuple a écouté les paroles de Dieu et les a mises en pratique. Le verset 3 scelle cette alliance : « tout ce que Dieu a dit, nous le ferons ». Le texte précise bien que tout le peuple était présent. Il s’agit d’un engagement collectif. Ce n’est pas seulement Moïse qui écoute les paroles du Seigneur mais bien tout le peuple assemblé. Et, juste après, le texte nous dit : « Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur ». On le voit, la Parole ne peut pas rester « en l’air ». Pour garantir la pérennité de l’alliance, il faut conserver une trace des paroles qui ont été dites et écoutées. Pour s’assurer que leur mise en pratique pourra s’inscrire dans le temps, il faut les mettre par écrit pour qu’elles puissent aussi être « entendues » au sens d’obéies par ceux qui, justement, n’auront pas pu les entendre de vive voix. Le peuple renouvelle son engagement juste après : « tout ce que le Seigneur a dit, nous le ferons et l’écouterons ». Dans cette redite de l’engagement pris, une légère variante est introduite : le faire passe avant l’écoute.

C’est peut-être l’un des écueils qui nous guette lorsque nous écoutons : nous nous préoccupons de ce qui arrivera ensuite, de ce qu’il faudra faire et mettre en pratique. Mais si nous sommes déjà dans la perspective du « faire » nous ne laissons ni le temps ni l’espace nécessaire à l’écoute. Pour que l’écoute soit véritable, il faut créer un espace pour laisser la parole surgir. Si nous sommes dans une contrainte de temps, d’efficacité, que nous cherchons des solutions avant même d’avoir véritablement écouter le problème, nous risquons de faire fausse route. Ce n’est pas un hasard si Dieu s’est adressé à son peuple dans un désert. C’est une fois que le peuple a été extrait de la servitude qu’il a pu écouter. Tant que le quotidien était empli de travail, le peuple n’avait aucune disponibilité pour écouter quoi que ce soit. Il faut le vide du désert, le silence des journées libérées de l’esclavage pour qu’une disponibilité surgisse. Dans le désert, les hébreux étaient dans l’attente ; ils pouvaient ainsi se rendre disponible pour que Dieu s’adresse à eux. Jésus fait d’ailleurs de même : il se retire dans le désert pour « prier », c’est-à-dire pour établir un dialogue avec son père. Dans le brouhaha des villages et des barques, cette conversation est impossible.

Pour toute réelle écoute, le même calme est nécessaire et c’est d’abord un calme qu’il faut faire en nous. Dans les métiers du soin, comme on les désigne aujourd’hui, il est beaucoup question d’écoute. On parle même « d’écoute active ». Mais que l’on ne se trompe pas, l’écoute active est le fait de se rendre pleinement disponible pour ce que l’autre a besoin d’exprimer. Si on l’accueille avec une liste de questions, avec des réponses et des solutions déjà listées, on ne se livre pas à l’écoute. On entend, tout au plus. Et notre interlocuteur perçoit qu’il n’est pas écouté, pas reçu et accompagné tel qu’il est et en fonction de ses besoins.

 

3. Créer l'espace nécessaire à l'écoute

Je voudrais m’appuyer sur l’exemple de Marthe et Marie. Marthe et Marie sont sœurs, elles sont aussi les sœurs de Lazare (que Jésus ressuscitera) et elles font partie du cercle des proches de Jésus. Quand Jésus vient chez elles, elles adoptent toutes deux des attitudes opposées. Marthe va s’agiter en tous sens. Elle s’active. Elle veut que la maison soit à la hauteur de l’accueil qui est dû à Jésus. Elle veut que tout soit agréable, accueillant, telle qu’elle imagine que Jésus l’attend. Elle projette sur Jésus ce qui lui semble important dans sa venue : le fait que tout soit parfait. Marie, au contraire, se montre presque dolente. Elle ne fait rien. Ou plutôt, elle ne fait rien d’autre que de s’assoir et d’écouter Jésus. Pour elle, ce qui se joue de crucial, c’est ce que Jésus va dire, ce qu’elle va pouvoir échanger avec lui lors de cette conversation. Elle se pose et fait silence. Elle est prête à l’écouter. À l’écouter, d’ailleurs, au sens du « shema » du premier testament : elle écoute ses paroles et sera prête à obéir à ses enseignements. Je ne blâmerai pas Marthe de s’agiter sans se rendre disponible pour l’écoute et je ne suis pas d’accord pour les opposer. Nous sommes à la fois Marthe et Marie. Nous avons envie d’apporter de l’aide, du confort, des solutions, du réconfort à celui qui nous livre sa parole et que nous écoutons. En ce sens, notre esprit se prend pour Marthe. Il court en tous sens cherchant ce qu’il faut faire pour que tout soit bien. Il nous faut nous contraindre à devenir Marie. Il s’agit de s’accorder du temps, d’offrir un espace à la fois de temps et de calme à celui ou celle qui a besoin d’être écouté.

Au fil de ces exemples, nous le voyons, l’écoute n’est pas chose facile. Alors comment se fait-il que nous soyons désormais volontaires pour écouter, comme cela a été dit hier au cours de la Matinale ?

La clé se trouve peut-être dans l’évangile de Luc, quand il fait écho au premier testament : Luc 8, 21 : « Mais il leur répondit : Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui entendent la parole de Dieu et la mettent en pratique. »

Nous avons non seulement écouté la parole de Dieu mais nous avons également entendu Jésus nous parler.

 

Nous avons entendu, un jour les paroles de Jésus dans notre vie. Nous les avons entendues, écoutées, reçues ; et avons décidé d’en vivre. Cela a été notre « shema » à nous. Un « shema » très personnel qui a fait de nous ses frères, ses sœurs. Et, à la suite du Christ, nous nous mettons à l’écoute de ceux qui nous entourent.

 

Amen