L'Eglise a-t-elle quelque chose à dire sur le mariage ?
L’Église a-t-elle quelque chose à dire sur le mariage ?
Prédication du dimanche 6 octobre 2024, par Nicolas Chaine
Lectures bibliques :
- Genèse 2, versets 18 à 24
- Marc 10, versets 2 à 12
1). Deux remarques préliminaires
A) La bible ne nous donne ni modèle, ni mode d’emploi du mariage, ni institution du rite par Jésus Christ
Dans l’Ancien Testament le mariage est souvent polygame (voire, pour les plus riches comme David et Salomon, un harem).
Et il ne correspond absolument pas à ce qu’on met sous ce mot.
Exemples :
La femme d’Abraham est stérile, elle lui propose de faire un enfant à sa servante.
Le même Abraham envoie un serviteur sûr pour choisir une femme pour son fils.
Isaac épouse la fille aînée parce qu’il aime la cadette….
Dans le Nouveau Testament, un progrès décisif : la monogamie.
Mais si l’homme n’a plus qu’une femme…. elle lui est soumise.
Petite digression sur Paul, un des trois grands célibataires de la bible : on l’a souvent
accusé de mysoginie, mais il faut bien préciser que l’épitre à Timothée, dans laquelle il demande aux femmes de se taire est certes canonique mais n’est pas de Paul ; et il lui sera beaucoup pardonné sur ce qu’il dit des femmes parce qu’il a écrit : » Il n’y a plus juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme car vous êtes tous un en Jésus Christ ». Et Galates c’est de Paul. Il est difficile, même aujourd’hui, de mesurer la force, presque provocatrice de cette assertion
Ensuite avec les pères de l’Église, c’est pareil, la femme est soumise. Et si Luther a tant parlé du mariage c’était surtout polémique : il s’élevait contre une dérive que l’Église avait connue depuis le haut moyen-âge et qui avait fini par établir une Église à deux niveaux : en haut les clercs, prêtres évêques, moines, vierges consacrées, et en bas, certes toujours dans l’Église, mais moins près de Dieu, les gens mariés. Luther n’aura de cesse de montrer que le mariage n’est pour Dieu en rien inférieur au célibat.
En conclusion de cette première remarque notons ceci : la bible, contrairement au Coran qui a été dicté par Dieu (Mahomet n’a fait que prendre en sténo), la bible est écrite par des hommes et des femmes (surtout des hommes probablement) de leur temps, influencés par les mœurs de leur époque.
Nous ne pouvons donc pas y trouver le mode d’emploi pour un mariage chrétien d’aujourd’hui.
2. Deuxième remarque : nous pouvons tous observer autour de nous, famille, amis (romans, cinéma) qu’il y a des mariages merveilleux de tendresse mutuelle, de sollicitude d’entraide parfaite, d’amour vibrant jusqu’à la mort, et ces mariages sont aussi bien ceux des non chrétiens, voire des agnostiques, que des chrétiens. Comme nous ne vivons plus dans un monde de christianisme plein, l’observation est facile à faire.
Donc si la bible ne nous donne pas le mode d’emploi du mariage, et si les chrétiens n’ont absolument pas le monopole du « bon » mariage,
On peut se poser la question : l’Église a-t-elle quelque chose à dire sur le mariage ?
La réponse est oui.
Elle nous dit d’abord le mariage comme métaphore.
Ce n’est pas explicite dans le Cantique des Cantiques, mais c’est très clair dans Ésaïe qui nous dit que Dieu éprouvera pour Israël la joie d’un fiancé pour sa fiancée . Jérémie, Ezéchiel,
Osée reprendront cette image qui manifestement était courante.
Le Nouveau Testament la reprendra aussi jusqu’à l’Apocalypse. Ephésiens 5 » Femmes que chacune soit soumise à son mari comme au Seigneur ; car le mari est chef de la femme comme Chris est chef de l’Église qui est son corps ».
Comme toute métaphore, celle-ci boîte ; sinon ce serait un calque, un double. Dieu c’est l’homme, et le peuple ou l’Église, qui ne sont pas Dieu sont la femme. Cette métaphore, utilisée jusqu’à la période actuelle, reflète son temps dans ses occurrences bibliques. On a très longtemps pensé (et on pense encore dans de nombreux pays) le mariage comme asymétrique.
Mais la force de cette métaphore est évidente, et porte un vrai enseignement : l’amour de Dieu pour son peuple, du Christ pour son Église est infini comme sa tendresse, sa patience, son pardon ; seuls ils font vivre l’alliance.
L’amour infini, la tendresse, la patience, le pardon qui caractérisent Dieu dans l’alliance doivent être au cœur de toute alliance ; le mariage est un reflet de cette alliance première. Oui, la métaphore nous éclaire.
C’est aussi en se tournant vers le Dieu créateur que le mariage chrétien prend sa signification.
Le zèbre et ses rayures, c’est formidable, la girafe et son long cou aussi. Mais le passage de la Genèse que nous avons lu !!!! Avec l’homme et la femme, Dieu a vraiment créé son chef d’œuvre, le point culminant d sa création. Ne soyons pas habitués, émerveillons-nous !
Il nous a créés à sa ressemblance. La ressemblance avec Dieu, c’est comme le remarque Barth, sa capacité à faire alliance. Et le plus haut moment de cette alliance c’est le mariage.
L’homme créé à l’image de Dieu est appelé à être un signe de la présence de Dieu ; et le couple mieux encore, il est signe non seulement de la présence de Dieu, mais aussi de son alliance avec nous.
Il y a un enracinement du mariage dans la création dont Diu nous dit qu’elle est bonne. Le mariage institué en Genèse, il est d’avant le péché, totalement bon. Tout est dit dans le texte de la genèse que nous avons lu. Les auteurs du Nouveau Testament n’auront rien de mieux à faire que de le citer quand ils parleront du mariage.
Mais pour conclure je dirai que ce qui caractérise le mieux le mariage chrétien c’est ceci : nous le vivons comme une grâce reçue de Dieu.
Ce que les non-croyants nomment chance ou hasard, nous le nommons Grâce.
Et qui dit grâce dit rendre grâce ; le mariage chrétien, c’est celui dans lequel on remercie Dieu de la grâce qu’il nous a faite, on essaie de la partager, de la propager. Dieu nous connaît et nous lui sommes reconnaissants.
Pour les protestants le mariage n’est pas un sacrement parce qu’il n’a pas été, contrairement au baptême et à la cène, institué par le Christ avec demande de le répéter. (Cana c’est un peu juste).
Mais on peut tout à fait dire du mariage qu’il est le signe visible d’une grâce invisible.
La grâce de Dieu est inépuisable ; ce n’est pas un fusil à un coup ; cela veut dire que si un mariage connaît des difficultés, la grâce n’est pas tarie pour autant. Et c’est à la samaritaine qui avait eu 5 ou 6 maris (ce qui n’est pas recommandé) que le Seigneur a dit : « Je le suis moi qui te parle ».
Pour finir je voudrais vous faire part d’une petite réflexion de Barth sur le mariage qui peut nous faire réfléchir cette semaine : « L’homme et la femme ne seraient pas deux et ne pourraient pas devenir un s’ils se comprenaient entièrement, s’ils ne s’aimaient pas en reconnaissant qu’ils sont un mystère l’un pour l’autre, s’ils vivaient ensemble sans respecter, non par résignation, mais volontiers – ce qu’ils ont d’incompréhensible l’un pour l’autre précisément parce qu’ils sont différents l’un de l’autre ».
Le mariage pour un chrétien est à la fois une grâce et un mystère. Ne serait-ce que parce que la grâce est infinie et qu’on ne peut la comprendre tout entière.