Une inconnue et du parfum — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg
Menu
Navigation

Une inconnue et du parfum

Texte de la prédication de Christine Décamp-Batier, 18 août 2024

« Une inconnue et du parfum »

 

Prédication de Christine Décamp-Batier, 18 août 2024.

Lectures : 

2 Corinthiens 2, versets 14 à 17

Marc 14, versets 3 à 9

 

 

 

J’adore DIOR !!!

Et oui, car je suis un flacon de pur nard… Enfin, j’étais… Pour ce qu’il en reste, quelques débris d’albâtre, quelques gouttes tombées au sol… Mais une formidable odeur d’encens qui se répand dans toute la maison et qui enveloppe d’une odeur de sainteté celui que je viens d’embaumer, le Messie !

« Car ce que cette femme a accompli est vraiment beau ! »

J’étais son bien le plus précieux, fruit de toute une vie de labeur. Un bien dont on ne se sépare que pour une grande occasion ! Et ce jour est arrivé, ici à Béthanie, dans cette charmante bourgade paisible, lorsqu’elle a eu vent que cet homme venait se retirer loin du tumulte de Jérusalem, quelques jours avant de célébrer la Pâque.

Elle m’a alors immédiatement saisi, puis porté fermement contre son cœur avant de faire une entrée sensationnelle dans la maison de Simon le lépreux.

Elle m’a porté haut, au-dessus de la tête de cet homme, en un geste royal et puis « CRAC » !

 

*************

 

Nous rencontrons aujourd’hui, dans notre Évangile, une femme inconnue et du parfum. Rien de bien particulier et de bien étonnant au premier abord. Car toutes les femmes, à quelques exceptions près, aiment les parfums. 

Il n'y a qu'à regarder un match de football ou un film à la télé et on verra une alternance de publicités de voitures pour les messieurs et de parfums pour mesdames ! Et je caricature à peine... Dans notre société, l'homme conduit et la femme doit être belle…  

 

Avec le pasteur Christian Baccuet et Dorothée Gallois-Cochet, nous avons imaginé vous parler de quelques femmes rencontrées dans l'Évangile de Marc durant ce cycle de prédications du mois d'août. 

Après la femme mise à l’écart et la veuve pauvre, aujourd'hui nous rencontrons une femme et du parfum. Plus exactement une femme inconnue et un parfum particulier. 

 

Car, non, nous ne savons rien d'elle... Ni son nom, ni d'où elle vient... 

Contrairement à la tradition populaire qui met en scène Marie Madeleine (ou Marie de Magdala), la femme pécheresse, prostituée repentie, qui sera l'une des premières au tombeau le jour de Pâques. De nombreux peintres et auteurs, depuis des siècles, ont véhiculé cette image de Marie Madeleine comme étant celle qui a parfumé Jésus. 

Ce n'est pas tout à fait à tort car, dans la version de Luc, la femme est présentée comme étant une pécheresse mais qui reste cependant anonyme. Chez Jean, il s'agit de Marie, la sœur de Marthe et de Lazare chez qui Jésus s'est rendu pour le dîner. 

 

Ici, chez Marc, comme chez Matthieu, nous n'avons aucun indice pour la personnaliser. Marc a souvent un style plus bref, sans se perdre dans les détails. Ce sont les paroles du Christ qui priment. L'évangile est un message universel qui peut se transposer aisément dans toute situation dans laquelle le lecteur peut s'identifier. 

 

Nous savons juste de cette femme qu'elle est à Béthanie et que le parfum qu'elle apporte a beaucoup de valeur, l’équivalent d’un grand flacon de Chanel numéro 5 ! 

Un parfum qui coûte, en effet, beaucoup, beaucoup d’argent. Les disciples s’indignent de ce gaspillage car on aurait pu tirer 300 deniers de ce flacon. En sachant qu’un denier est une pièce d’argent - la monnaie romaine courante - qui représente le salaire quotidien d’un ouvrier ou d’un légionnaire. 300 pièces d’argent, pratiquement une année de salaire…

Vous imaginez donc un flacon de parfum qui coûte 300 deniers quand Judas sera rétribué 30 pièces d’argent pour livrer Jésus aux grands prêtres. Cette trahison qu’il organise juste après notre épisode d’ailleurs. Un litre de Chanel Numéro 5 qui vaut aujourd’hui 10 000 euros ! Et une amitié avec Jésus qui vaut pour Judas (seulement) un SMIC !

 

Quand on prend conscience d’une telle somme d’argent, c’est normal de s’indigner. Qui d’entre nous n’aurait pas la même réaction ? Les disciples réagissent face à la folie du geste de cette femme : quel gaspillage ! C’est bien connu : les femmes sont douées pour dépenser de l’argent dans des choses accessoires…

Et puis il y a les pauvres, tout autour de nous, qui en auraient bien besoin de cet argent pour vivre dignement. Nous voyons bien que les disciples ont le souci de leur prochain. Ils sont habitués à suivre la prédication et les actes de Jésus. Alors c’est vrai que sa réaction nous étonne ! On ne s’attend pas à ce que Jésus leur réponde que les pauvres peuvent bien attendre… Serait-il d’un coup devenu fou ou indifférent à la misère ?

Non, il souhaite les préparer à ce qui va bientôt advenir lors de la Pâque. Car les disciples n’ont pas l’air d’être encore au parfum du fait que Jésus s’apprête à les quitter et qu’il ne lui reste que quelques heures avant de vivre sa Passion.

La prédication de Jésus met toujours au centre les plus pauvres et il a toujours préféré fréquenter ces prostitués, ces infirmes, ces veuves par rapport aux plus grands. C’est à leurs côtés qu’il se sent en pleine communion avec son Père. C’est ce qu’il tente d’expliquer à ses disciples lors de l’épisode du Jugement dernier. « Quand j’ai eu faim, vous m’avez donné à manger ; et quand j’ai eu soif, vous m’avez donné à boire. » C’est en réalité, « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25, 40).

Mais aujourd’hui, Jésus veut faire comprendre à ses disciples qu’il ne sera pas toujours avec eux et qu’ils devront se débrouiller seuls dans peu de temps (v.7). Pour cela, ils ont besoin de signes forts et marquants comme l’irruption soudaine de cette femme inconnue.

 

L’inconnue qui a reconnu en Jésus le Messie, c’est-à-dire « celui qui est oint ».

Elle va, en effet, verser le contenu du flacon sur la tête de Jésus en un geste de bénédiction, de couronnement royal et d'embaumement aussi. Par ce geste, Jésus est tout à la fois Christ, Roi et Ressuscité. 

Chez Marc, c’est sur la tête de Jésus que la femme verse le parfum. Ce qui est un geste d’hommage habituellement rendu à un grand personnage, un prêtre ou un roi. Ce qu’on appelle l’onction, le fait de verser l’huile sainte sur la tête, est un geste réservé lors de l’ordination des prêtres ou lors du couronnement du roi. Jésus porte dans son nom même cette onction car Christos en grec et Messiah en hébreu, « celui qui est oint ».

C’est la grande différence avec les versions de Luc et de Jean qui présentent la femme versant le parfum sur les pieds de Jésus et les essuyant avec ses cheveux. L’image que l’on a traditionnellement, dans les tableaux, de Marie-Madeleine aux pieds de Jésus versant des larmes puis le nard.

Nous avons donc une même scène mais la symbolique de l’onction est différente. Chez Luc et Jean, l’onction des pieds préfigure le geste du lavement des pieds accompli par le Christ lors de la Cène, tandis que chez Marc et Matthieu, l’onction royale de la tête préfigure le titre de « Roi des Juifs » qu’on lui attribuera sur la Croix.

 

C’est Jésus lui-même qui va déplacer ce geste d’onction royale en un geste d’embaumement de son corps préfigurant sa mort prochaine. « Elle a fait ce qu’elle a pu : elle a d’avance parfumé mon corps afin de le préparer pour le tombeau » (v.8) explique-t-il à ses disciples.

Effectivement, le parfum fait partie des rites funéraires de l’époque. En versant ce nard sur la tête de Jésus, la femme devient un ange, véritable messager divin, annonçant la Croix.

Dans cette atmosphère de mort, il y a pourtant comme une odeur de vie qui flotte dans l’air grâce à ce parfum. Cette femme a mis du baume au cœur de Jésus qui sait pertinemment que sa fin est proche. Dans ce climat hostile où les grands prêtres cherchent une occasion de le faire arrêter, où Judas ne va pas tarder à conclure un marché pour le trahir… Jésus reçoit ce parfum comme un geste d’amour qui vient le réconforter. « Ce qu’elle a accompli pour moi est vraiment beau. » (v.7).

 

L’usage est d’embaumer les cadavres avant la mise au tombeau sauf qu’ici notre Jésus est bel et bien vivant ! Ce geste annonce qu’il va devoir en passer par le tombeau certes mais que la vie triomphera au matin de Pâques ! 

 

Le matin de Pâques est un événement insensé et qui dépasse notre entendement, tout comme ce geste d’onction réalisé par notre inconnue à Béthanie. Une pure folie que de gaspiller un parfum de tel prix ! Mais c’est un beau gâchis que cette « perte féconde » quand elle sert à honorer le Messie !

J’emprunte cette expression de « perte féconde » à Thérèse de Lisieux, dans son poème « Vivre d’amour » :

 

« “Vivre d’amour, quelle étrange folie !

Me dit le monde. Ah ! cessez de chanter

Ne perdez pas vos parfums, votre vie,

Utilement sachez les employer !”

T’aimer, Jésus, quelle perte féconde !

Tous mes parfums sont à toi sans retour. »

 

Et nous, ne nous arrive-t-il pas aussi de « gaspiller » notre temps, nos moyens ?

Nous ne pouvons pas toujours être en action, dans l’agitation permanente, dans cette société impatiente où tout doit être rapide, en mouvement et efficace… Nous nous égarons alors dans ce tourbillon ne sachant plus vraiment pour quelles raisons nous agissons... Jésus vient alors nous expliquer ce besoin essentiel de nous arrêter, de prier, de souffler, de prendre un temps à part. Ce qui semble être du gaspillage est, en réalité, un temps utile de « perte féconde » pour tout simplement accueillir l’Esprit Saint. Prenons le temps de le recevoir, de l’écouter afin de le laisser agir en nous. Afin d’être prêt à aller porter la Bonne nouvelle autour de nous.

 

« Car oui, c’est la vérité : partout où la bonne nouvelle sera annoncée, dans le monde entier, on racontera, en souvenir d’elle, ce que cette femme a fait. » (v.9). 

Jésus honore ici ce geste fou, d’amour gratuit et sans retenue qu’il a reçu de cette femme.

Encore aujourd’hui, nous continuons à nous souvenir de cette célèbre inconnue qui nous fait respirer le parfum de l’Évangile, pur concentré de la Bonne Nouvelle du Christ qui a tout donné jusqu’à sa vie pour nous sauver !

 

******************

 

Alors voilà, maintenant que vous êtes au parfum, vous comprenez pourquoi j'adore DIOR ! 

C’est-à-dire que j'adore le D.I.O.R. : le Dieu Infiniment Oint Ressuscité.

Je suis un flacon, enfin, j’étais un flacon de pur concentré d’Évangile.

Et dans un geste fou d’amour, dans une perte féconde, une inconnue a embaumé le Dieu Infiniment Oint Ressuscité.

 

Frères et sœurs, soyons, à notre tour, parfumeurs de ce monde !

Diffusons la belle senteur de vie en Christ et l’essence permanente de l’amour que Dieu nous porte !                                                                                                                 

 

Amen.