Une vision, trois miracles,... et nous ?
« Une vision, trois miracles, .. et nous ? »
Prédication du dimanche 16 mars 2025, par Olivier Welti
Lectures bibliques :
- Genèse 15, versets 5 à 12 et 17 et 18
- Luc 9, versets 28 à 36
Chers frères et sœurs, Quand j’ai vu que la date de ce jour était celle du dimanche de la Transfiguration, j’ai un peu paniqué, car cet événement a été abondamment commenté, et prêché depuis … que l’on pratique prédications et homélies.. 2000 ans. Mais pour aujourd’hui, le texte m’a paru incontournable.
Alors, quelques pensées sont venues vers moi…
Et puis, j’ai retrouvé un livre du Pasteur Olivier Pigeaud, intitulé « Douze prédications sur le récit de la Transfiguration » que je m’étais procuré, car sa famille fut longtemps un pilier de la Paroisse de Pentemont, rue de Grenelle.
Or, le premier texte sur les 12, m’a paru juste et… lumineux pour aujourd’hui, dans sa lecture, son interprétation et dans la direction qu’il nous propose pour suivre Jésus-Christ. Le Pasteur Olivier envisageait déjà les durs temps à venir.
Il a bien fallu quelques retouches, car le pasteur Pigeaud commente l’évangile de Marc, mais tout comme chez Mathieu, le récit de LUC proposé pour la lecture de ce dimanche, n’est pas si différent.
Aussi, Dans la joie du baptême de la petite Thelma, ce matin, Voici le texte d’Olivier Pigeaud, un peu remis à jour : « Au premier tiers de l’Évangile de LUC, nous venons d’entendre le plus merveilleux des miracles. Étonnant, imprévu, tant pour les disciples Pierre, Jacques et Jean, que pour les lecteurs.
Quelques jours auparavant, tout a été dit : Pierre a reconnu Jésus comme le Messie, puis Jésus a annoncé sa mort et sa résurrection. 2 Juste après ce récit de Transfiguration, il y aura encore des enseignements, des paraboles, des conflits avec les autorités, pour arriver à la montée vers Jérusalem, et Luc ne manquera pas de rappeler que les Douze n’ont pas compris le sens de ses paroles sur la croix et la résurrection. Revenons à l’événement merveilleux rapporté par Luc.
En fait, il s’agit de 3 miracles successifs : une transformation visuelle de Jésus, une scène qui fait sortir du temps, et l’audition d’une voix. Voilà donc trois hommes qui suivent Jésus depuis des mois, partageant les incertitudes de chaque jour, ses fatigues et les oppositions qu’il suscite. De plus, Jésus vient de leur dire qu’à le suivre, ils vont rencontrer encore pire. Ils ont besoin d’un surcroît d’énergie, que seule une ouverture vers le ciel peut leur donner.
Ne sommes-nous pas nous aussi, aujourd’hui, dans de telles situations, courbant le dos en craignant de durs moments pour nous, notre entourage, pour notre Société, pour le monde ? Jésus prend de la hauteur pour prier, sans doute intensément.
Tout à coup, les 3 disciples sortant d’une torpeur, constatent que Jésus est transformé. Une lumière surnaturelle l’entoure, ses vêtements sont d’un blanc étincelant, son visage change d’aspect, exprime une lumière intérieure.
C’est bien Jésus, là, mais porteur d’une énergie surhumaine, disons divine. Elle ne sera pas anéantie quand viendront les grandes épreuves. Les disciples et nous avec eux, sentent bien qu’il y a en lui, plus qu’un Maître de Sagesse doublé d’un guérisseur doué. Sa puissance va au-delà des limites humaines, lieux et temps.3.14 » Et précisément, les limites du temps sont dépassées avec le second miracle : Élie et Moïse sont là, « apparus dans la gloire », et Jésus s’entretient avec eux, parlant de son départ, ici le mot grec exode: sa sortie.
On ne saura rien de plus sur cet échange, si ce n’est qu’il a lieu entre La Loi, la Torah, les Prophètes, et Jésus, acteur de la nouvelle Alliance. 3 Nous avons eu une évocation de l’ancienne Alliance avec le texte de la Genèse, un des textes du jour lu par Solange tout-à-l ’heure.
Sommeil, frayeur, torche enflammée qui passe. On se souvient aussi de la nuée, qui recouvre Moïse au Mont-Sinaï, et du Dieu qui passe devant Élie, dans la voix d’un « fin silence » Ces rappels n’étaient pas nécessaires au temps de Jésus, pour un lecteur juif pieux. La Thora, les Prophètes, c’est à la fois l’Écriture sainte d’alors, rédigée, sélectionnée, recopiée durant des siècles. On y trouve les grands témoins et des anonymes dont les textes racontent la vie et la foi. Ce sont ceux-là que représentent Élie et Moïse, voyageant dans l’éternité.
Quelle espérance si notre prière nous met dans l’attente d’une éternité, ou du temps sans temps, où nous serons en dialogue avec les témoins de l’histoire du salut ! Il faut pourtant un Troisième miracle pour que les Disciples reçoivent pleinement les forces dont ils ont besoin dans les durs temps à venir. Cette fois-ci, ce n’est pas leur vue qui est sollicitée mais leur ouïe. Alors qu’ils ne peuvent plus rien voir à cause de la nuée, ils entendent une voix qui leur dit : « Celui-ci est mon Fils que j’ai choisi. Écoutez-le. »
Au moment de son baptême, c’est Jésus lui-même qui a entendu « tu es mon Fils bien-aimé ». Mais ici, la voix, qui vient d’un « ailleurs » indistinct dans la nuée, s’adresse aux disciples déconcertés et craintifs. La découverte de Jésus comme Fils de Dieu, n’est pas le fruit d’une méditation ou d’une recherche intérieure, elle est totalement donnée.
C’est notre rôle, en Église de rappeler ce don. Cette Parole, « Écoutez-le », tourne les disciples vers le futur, il a encore bien des choses à leur dire. Les enseignements et la montée des conflits rappelés ci-avant, et surtout les paroles de Jésus durant la Passion, sur la croix et après la résurrection. Pour nous qui savons la fin de l’histoire terrestre de Jésus, cette écoute permanente est indispensable. Elle n’exclut pas pour autant 4 les illuminations qui nous sont offertes : tel visage, telle musique, qui décale nos regards, tel moment lumineux qui fait entrevoir le Ciel.
Le théologien Eric Fuchs appelait les moments qui, devant une œuvre d’art, poussent à la méditation, des « fenêtres sur l’invisible ». Selon les circonstances, ce peut être aussi : une sensation de légèreté dans l’air des hauteurs, puis la lourdeur du nuage qui se forme, l’odorat stimulé dans la campagne, le goût du fruit, du miel, le pain, le vin…, les bruits de la campagne ou de la forêt. Revenons au merveilleux, au côté miraculeux de l’événement, souligné par les 3 évangélistes. Le merveilleux est un sujet épineux de nos jours, il fait craindre les mirages, les désirs d’évasion hors du réel, on a peur des illuminés…
Pourtant, tout en étant conscients des nombreuses dérives possibles, et en plaçant des garde-fous dont nous parlerons avant la fin de notre propos, il nous paraît utile d’essayer de réenchanter le monde. Dans la grisaille du quotidien de nos villes, dans les journées toujours les mêmes des personnes qui ne peuvent pas bouger de chez eux ou de leur chambre, dans l’inquiétude face aux évolutions économiques et politiques sur lesquelles nous n’avons guère de prise, dans la recherche d’un travail sans recevoir de réponse, face à la montée de la polarisation et de la violence, ne refusons pas les éclats de lumière qui par moments illuminent la journée, l’existence.
Quels peuvent-ils être : un rayon de soleil, un reflet changeant, un spectacle, une nouvelle inattendue, qui bien qu’explicables, nous émeuvent profondément. Ce qui peut aussi nous émerveiller, pensons au récit de l’évangile du jour, ce sont des visages sur lesquels affleure, si nous savons les regarder, le visage rayonnant de Jésus lui-même.
Ce sont aussi des paroles qui nous rappellent que c’est Dieu qui s’adresse à nous au travers des textes bibliques. Il nous suffit de l’écouter. Vous l’avez compris, il ne s’agit pas de chercher le miracle pour le miracle, mais d’observer dans les moments de pause et de 5 ressourcements qui nous ont offerts, tout ce qui est imprévu, étonnant, admirable voire merveilleux. Et peut-être aussi, furtivement, dans le flot de l’action.
Ce sont ces signes qui donnent sens à tout le reste de la vie. Ils nous tournent vers le futur, dans la certitude que les paroles de Jésus continueront à nous enseigner et à nous soutenir. Certes, tout ce qui nous arrive d’étonnant n’est pas forcément un signe divin, il faut que cela donne un sens positif, il faut que ce soit en harmonie avec l’ensemble de l’enseignement de Jésus, lui qui était toujours clairvoyant, vis-à-vis du besoin de spectaculaire de ses auditeurs et contradicteurs.
Ces limites rappelées, chers frères et sœurs, gardons l’esprit éveillé, attentif, curieux, ouvert à ces « fenêtres sur l’invisible ». À chaque instant, Jésus peut nous inviter à prendre de la hauteur, à percevoir une lumière imprévue. Dieu peut nous parler et nous mettre en relation forte avec son Fils bien-aimé. Soyons prêts à l’écouter.
Amen