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Vous reprendrez bien une part d'éternité

Prédication du dimanche 27 octobre 2024, par Jean-Michel Ulmann

 

Vous reprendrez bien une part d’éternité

 

Prédication du dimanche 27 octobre 2024, par Jean-Michel Ulmann

 

Lectures bibliques : 

  • Genèse 1, 3 à 5
  • Ecclésiaste 3, 1 à 8
  • Matthieu 20, 1 à 15

 

Cette nuit, à trois heures du matin, peut-être avez-vous ressenti un brutal changement de temps. Je ne parle pas du temps qu’il fait, de la météo. Je pense au temps qui passe, au sablier, au chrono, au tic-tac, à l’heure qu’il est. Responsable: une tactique administrative, qui, depuis 1976, retarde nos montres d’une heure pour économiser l’énergie. A trois heures du matin nous sommes passés à deux heures. Nous avons rajeuni de soixante minutes. Pour autant nos durées de vies ne seront ni plus courtes ni plus longues que prévue.

 

Ce léger décalage qui dérègle nos horloges internes m’a incité à lire ce qu’il est écrit des heures et du temps dans la Bible. C’est inépuisable. Il -le temps- court du début à la fin. J’en ai extrait les deux textes que vous venez d’entendre.

Première constatation : Dès les premiers versets du premier chapitre de la Genèse, avec la lumière qui se lève, le temps surgit, le jour ce pointe, séparé d’avec la nuit. Le temps, la notion de temps, de division du temps commence dès la Création. (Voltaire: « Je ne puis songer que cette horloge existe est n’aie point d’horloger ».) A croire qu’il en est la matrice. Point de temps, point de création. (Que serait la musique sans lui?) La Genèse égrène les jours. C’est, en quelque sorte, le premier hebdomadaire du monde. Quand, au matin du sixième jour, Dieu pétrit de la glaise pour créer l’homme à son image nous pourrions imaginer qu’il le fait éternel. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que ce n’est pas le cas. Il ne lui a pas assuré une existence à perpétuité ; nous ne sommes pas équipés d’un mouvement perpétuel. Il lui a donné une durée de vie limitée, limitée et imprévisible. L’homme et sa compagne apparaissent dans un environnement dont le temps, plus que l’espace, est la mesure. Le temps est leur milieu naturel. A leur tour, pour ne pas s’y perdre, à l’instar de leur créateur qui a divisé jour et nuit, ils vont le découper, le segmenter, le partager, le prendre parfois, et parfois le perdre. J’en ai connu qui essayait de le tuer.

Depuis ce jour nous ne cessons de chercher des moyens de prolonger nos existences, d’atteindre cet Eden hors d’âge présenté, par certains, comme une planche de salut. Nos vies ressemblent souvent à une course contre la montre. Bref le temps nous est compté ; que nous le voulions ou non, il passe et puisque cela nous dépasse, chacun à sa façon tente de le maîtriser, de l’organiser, le faire durer.

 

Pourquoi le Père éternel a -t-il écourté la vie sa progéniture, pourquoi ce duplicata abrégé?

 

A mon avis, ce n’est que mon avis, l’Eternel se méfiait de notre tendance à procrastiner. Ce péché mignon, n’est pas un vice de fabrication. Vous pensez bien que c’était prémédité. Si Dieu a confectionné un homme éphémère c’est parce qu’il savait que son penchant à sursoir, différer, ajourner sa besogne, retarderait, sine die, le chantier de la création qu’il lui confierait, en remettant sans cesse le travail au lendemain, d’une éternité à l’autre éternité. Et après moi le déluge… Pour que nous nous mettions au travail il fallait des délais de fabrication, des dates limites au-delà desquelles notre ticket, etc. Pour éviter qu’il ne s’attarde dans le désoeuvrement et ne s’ennuie, il a réduit sa durée de vie. Il l’a créé mortel. Rappelons-nous Jean 12 ; 26 « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Pour nous perpétuer, nous reproduire, poursuivre l’œuvre de Dieu il nous faut mourir. Ce n’est pas sans grandeur. Vous vous souvenez de la formule de Luther : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier »…

 

Il ne fallait donc pas que l’homme se décourage,  s’abandonne pas à l’aquoibonisme ou au nihilisme. Il fallait qu’il possède l’ardente et joyeuse obligation de produire, de poursuivre l’œuvre de son Père.

 

A cet effet, -vous l’avez entendu dans la lecture de l’Ecclésiaste- certes, il y a un temps pour tout, « un temps pour vivre, un temps pour mourir (…) mais, Dieu «a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité, bien que l’homme ne puisse pas saisir l’œuvre que Dieu fait, du commencement jusqu’à la fin ». Dieu a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité. Tout est là ou presque, dans ces deux lignes. Nos vies sont limitées et segmentées en jours, heures, minutes…Mais nous sommes porteurs d’une part d’éternité, nous avons le sens de l’éternité, quelque chose comme un patrimoine spirituel ou un héritage génétique. Si nous faisions un test de paternité on y trouverait ce divin gène de l’éternité. Ce besoin de transcendance. Ces éclats d’éternité mettent du pétillant, de l’espérance et de l’énergie dans nos vies. Ils ne nous promettent pas de vivre éternellement ; ils promettent que la vie avec un grand V est éternelle, que Dieu à un plan, un projet et que nous y sommes associés. Ce sens de l’éternité nous aide à prendre de la hauteur pour ne pas nous limiter au matérialisme terre à terre. C’est très personnel. Ces étincelles, certains les trouvent dans la prière, la méditation, le recueillement monacal : chez les trappistes elles commencent à 4h avec les vigiles, puis les laudes à 7h, suivie de sexte, None, vêpres et, enfin complies à 20h15. Quand Alice au pays des merveilles demande à mister Mc Twisp, le lapin blanc toujours pressé, combien de temps dure l’éternité ? Le lapin blanc toujours pressé répond « parfois juste une seconde ».

 

Entre attraction terrestre nécessaire pour passer à l’action et attraction céleste pour lui donner un sens, nous tentons d’accomplir notre part de la création. Issue d’un projet divin, ma vie contient des fragments d’éternité. Imaginer, dessiner, planter un jardin que l’on ne verra pas fleurir, élever des enfants, des petits-enfants que nous ne verrons pas trop vieillir, lancer une fusée que l’on ne verra pas revenir, planter une vigne dont nos ne boirons pas le vin, semer des graines, pardonner, lutter pour la paix, enseigner, aimer, demande davantage que patience et longueur de temps. Cela nécessite cette espérance, cette folie appelée foi nourrie de cette parcelle d’éternité greffée au coeur de l’homme. C’est notre part des anges. Elle n’est pas méritée, elle n’est pas gagnée. Elle est donnée et fortifiante. Car, le temps de Dieu n’est pas le nôtre. Il n’y pas d’horloge pointeuse, ou d’heure supplémentaire, de RTT ou de primes de rendement. La parabole des ouvriers de la onzième heure le dit bien (Matt 20). Une heure ou douze heures, au regard de Dieu c’est du pareil au même. L’important c’est de répondre à son embauche, à son appel. C’est nous qui, en y répondant librement, entrons déjà dans son royaume non pour échapper au monde mais pour le vivre autrement, davantage.

 

Tour à tour stimulés par l’urgence de vivre pleinement notre mission, de faire notre métier d’hommes et de femmes de bonne volonté, et angoissés par sa fin annoncée, nous sommes aussi fortifiés par cette grâce sans frein, cette grâce sans fin.

 

Cette petite recherche sur le temps ne s’arrête pas là.  Pour faire la jonction entre temps céleste et terrestre, notre Père a fait plus que nous équipé d’une part d’éternité. Il a conclu une alliance qui met un trait d’union entre ces deux composantes de la nature humaine et évite de faire de nous des fidèles timides et effarouchés, pris entre épisode dépressif et exhalation.

Pour nous aider à vivre cette concordance des temps, « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle ». (Jean3 ; 16)

Jésus -homme et Dieu- incarne cette dualité entre fini et infini, mortalité et éternité. Marquée par des étapes, des stations, son existence s’égrène de jour en jour et d’heure en heure jusqu’à la croix. Nativité, présentation, baptême, désert (40 jours), vie publique, passion (une semaine), dernière heure, abandon, mort. Pour lui aussi le temps est compté. Mais au troisième jour il est ressuscité. Sa résurrection bouleverse la chronologie. Elle abolit le temps mortifère. Elle inaugure un autre temps, elle ouvre à qui veut le suivre une nouvelle perspective. Elle donne un sens, elle ouvre un chemin d’espérance et de joie. C’est la bonne nouvelle.

 

Il y a un indice qui nous met sur la voie de cette vie, de cette bonne nouvelle : sa naissance à minuit, autrement dit à zéro heure ! Je ne sais pas si c’est exact. (Nous n’avons ni son livret de famille ni son carnet de santé). Mais cette idée me plaît. Jésus vient au monde dans un moment d’éternité.

C’est cette part d’éternité qu’il nous invite à partager dans un instant, pendant la communion, ce temps suspendu où la vie coule en abondance pour que la joie demeure.

Amen