Vraiment, on n'a rien compris !
Vraiment, on n'a rien compris !
Prédication du dimanche des Rameaux – 2 avril 2023, par la Pasteure Sophie Ollier
Lecture biblique : Luc 19, versets 28 à 40
Voici donc ce fameux texte que beaucoup d'entre nous connaissons très bien car nous le lisons tous les ans à la même période : ce fameux dimanche appelé « le dimanche des Rameaux », une semaine avant Pâques. En lisant et relisant ce texte, deux choses m’ont particulièrement marquée. Ce texte comporte deux éléments essentiels : un malentendu et une exhortation.
Mais commençons par prendre ce texte comme il est, mais aussi avec nos souvenirs ! Lorsque nous parlons du moment de l’arrivée de Jésus à Jérusalem, nous pensons Rameaux, nous pensons entrée de Jésus dans Jérusalem, nous pensons acclamation de foule et nous pensons Hosanna !
Alors, les Rameaux ! Dimanche des Rameaux ! Et pourtant, dans ce texte chez Luc, aucun rameau à l’horizon ! Vous pourrez le relire, mais chez Luc, pas de Rameaux ! Ensuite, on parle de ce texte comme l’entrée de Jésus à Jérusalem, et, ici, aucune entrée, enfin, pas dans le passage d'aujourd’hui. Jésus s’approche certes de Jérusalem mais n’y entre pas encore. Ensuite, on a l’habitude des Hosanna ce jour-là lancés par la foule qui suit Jésus, et ici, aucun Hosanna. Et plus encore, je vous parle de foule, mais ici, chez Luc, aucune foule de gens, on nous parle de la multitude des disciples, mais tout cela n’est pas une foule lambda qui ne connaitrait pas Jésus ! Je joue un peu sur les mots je sais ! Mais donc chez Luc, aucune branche, aucune entrée, aucun Hosanna, aucune foule. Mais où se trouve alors l’essentiel de ce texte si ce n’est pas dans tous les détails de nos souvenirs ? Parce qu’il y a quelque chose d'essentiel qui se passe ! Rentrons enfin dans ce que je vous annonçais au départ, déjà, le malentendu !
Le dimanche des Rameaux est fêté par tous les chrétiens comme un jour de fête, mais en fait, ce n’est pas du tout ça. C’est un gros malentendu, ce texte n’a rien d'une fête, c’est le présage de la mort de Jésus. Comment plomber l’ambiance un dimanche matin, je sais !
Mais donc, depuis 3 ans il y a ce fameux Jésus, fils d'un charpentier, qui arpente Israël et ses contrées pour y proclamer un message d'amour, le pardon de Dieu, la proximité de son règne ; il y fait aussi des miracles, des guérisons, il multiplie les pains. Et il arrive enfin à Jérusalem, triomphant !!!! sur un ânon. Non pas sur un cheval tel un général de guerre triomphant, mais sur un ânon. Quoi de plus modeste qu’un ânon ? Déjà c’est un point. Lorsque Jésus apparait, quand bien même acclamé comme un roi, ce n’est pas en grande pompe, mais de manière modeste.
Dans nos vies c’est pareil, et ça, on ne le comprend pas toujours ! Jésus ne se révèle pas à nous en grande pompe, mais bien de manière modeste, par des petites touches dans notre vie, par des gestes, des paroles, qui parfois sont d'une simplicité déconcertante.
Ici, on voit donc l’arrivée du Messie annoncé à Jérusalem, le nouveau roi venu pour instaurer le règne d'un Dieu de paix, d'amour, de justice et de fraternité. Mais pas du tout en fait. Cinq jours plus tard ce Jésus que la « foule » acclame sera mort, rejeté par cette même foule.
Que se passe-t-il alors ce fameux jour à Jérusalem ?
La foule est face à un homme convaincu de sa foi, qui parle si bien des choses de Dieu, qui a en son cœur tellement de sagesse et de bonté, toujours bienveillant envers les plus faibles, qui réalise des miracles et qui donne à chacun un espoir d'un avenir bien meilleur. Comment ne pas y croire ? Comment ne pas donner à cet homme, ce Jésus, tout son espoir, son enthousiasme, sa confiance pour ce qu’il promet ? Et cette foule de disciples nous le montre bien, ils l’acclament comme le roi « Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts ! ». Les louanges du peuple au roi, au Messie, avec toute cette espérance et les promesses faites par Jésus.
Mais ce n’est qu’une belle facette dirons-nous. Cinq jours plus tard ils l’auront tous abandonnés, même ses disciples les plus fidèles comme Pierre qui le reniera par trois fois. Cinq jours plus tard ce Messie sera mort, et il n’aura même pas tenu ses promesses. Grosse grosse déception pour tout le monde. On acclame un homme qui vient apporter la paix, et il se fait tuer, aucune paix en vue ! Quelle déception effectivement, mais surtout, un gros malentendu. Parce que oui, peut-être qu’ils n'avaient pas bien compris !
En lisant ce texte j’étais tentée de faire un rapprochement avec la politique en général pour essayer de comprendre ce qui se passe à ce moment-là. Tous ces partisans des candidats à des élections, toutes élections confondues, donc ces partisans qui sont heureux, plein d'espoirs de changements, de renouveaux et qui soutiennent becs et ongles leur candidat. Et quelques temps après les élections, un grand nombre reniera son candidat car il n’aura pas réalisé ce qu’il avait promis. N’est-ce pas le même schéma ici avec Jésus ? Des promesses d'amour et de paix, et pourtant, il se retrouvera jugé, torturé, où est la paix dans tout ça ? A première vue, il n’a pas tenu ses promesses ! Nous sommes comme ça, un jour on soutient et si nous sommes déçus ou si les choses ne vont pas assez vite, on renie, on délaisse, voir même notre colère s’exprimera et on demandera « justice ». Cet exemple est simplement pour essayer de voir ce qui a bien pu se passer les jours suivants cette fameuse acclamation !
Cette foule attend un roi nouveau, un politicien (d'où l’exemple), un guérisseur, un magicien qui saura instaurer la paix et la justice en un claquement de doigts. Mais Jésus, lui, est venu annoncer une promesse d’amour et de pardon de Dieu ; une promesse mais aussi un appel : changez votre cœur, changez vos comportements et votre regard. Oui, la justice et la paix sont bien là, mais dans vos mains à vous ! Mais ça, ils ne l’ont pas entendu ! Ils ne l’ont pas compris ! De toute façon, on préfère toujours entendre « Je vais faire ça pour vous » plutôt que « Faites ceci ou cela car c’est entre vos mains ». Oui, son message était de dire : la suite est entre vos mains ! Très certainement un message qu’on doit entendre aujourd’hui pour nos vies, pour notre monde lorsque nous sortirons de ce temple aujourd’hui ! La suite est entre nos mains ! En plus, il nous a donné toutes les clés au fil de sa Parole ! On ne peut pas dire qu’on ne savait pas, mais, semblerait-il, vraiment, on n’a pas compris !
Alors oui, nous entrons dans la semaine de Pâques, une semaine où nous revivons ce partage de Jésus avec ses disciples, sa Passion, sa mort et sa résurrection ! Peut-être difficile pour nous actuellement de voir la Lumière de la résurrection, nous vivons peut-être plus encore le temps de la Passion qui arrive, avec ce qui se passe dans notre monde aujourd’hui ! Les manifestations, les colères, les misères, les débordements, les cris de détresses, la guerre, l’inflation… mais cette Parole est à entendre, la suite va être entre nos mains ! Alors comment ? Continuons avec notre texte !
Donc, on en était à une belle déception pour cette foule qui attend un homme d'action ; mais aussi, et il faut le dire, une belle déception pour ce Jésus qui attend une foule d'action. Une double déception ici ! C’est ce jour-là, peut-être, que Jésus comprend que finalement, nous n’avons rien compris à ce qu’il voulait nous transmettre. Nous voulions un roi, un Christ qui gouverne et on se retrouve avec un roi, un Christ qui donne ! Là est tout le malentendu… Et ça nous arrive à nous aujourd’hui également, on veut un Christ, un Dieu qui fait pour nous, mais lui nous donne simplement les moyens entre nos mains pour le faire vivre dans ce monde. Mais il est sympa ce Jésus, il ne nous laisse pas dans notre ignorance, il va essayer, encore une fois, de nous faire entendre les choses !
Venons-en alors à cette fameuse exhortation dont je parlais au début ! Jésus ne pouvait pas les laisser comme ça, dans ce malentendu. Une exhortation par 3 paroles de Jésus, comme trois appels d'engagements dans notre monde.
La première exhortation de Jésus : allez chercher un ânon.
Jésus donne l’instruction d'aller chercher un ânon que personne n’a encore monté. Quoi de plus ridicule qu’un ânon pour un roi triomphant ? Cet ânon est trop petit, trop faible, trop inexpérimenté. Et pourtant c’est lui que Jésus choisi.
Jésus décide de s’appuyer sur un petit, sur un être insignifiant. Cette parole, cet acte finalement résume tous les prophètes ou disciples de la Bible, Dieu est venu chercher des petits pour les envoyer en mission, et la plupart du temps ces hommes et ces femmes n’avaient rien de plus extraordinaire que les autres.
C’est là la première exhortation de Jésus : nous qui avons souvent peur de nous engager dans ce monde car nous pensons que d'autres le feront mieux que nous, Jésus nous rappelle que c’est Dieu qui vient nous chercher personnellement pour nous entrainer avec lui dans ce monde, pour le porter. Parce que non, pour Dieu nous ne sommes pas trop petit ou trop insignifiant pour le porter dans ce monde !
La seconde exhortation de Jésus est : « Le Seigneur en a besoin ».
Le Seigneur en a besoin, tout simplement. Cette phrase nous porte jusque devant les puissants de ce monde, devant ceux qui nous empêchent d'agir. Cette phrase, aussi petite soit-elle, nous permet de nous dresser face aux murs de la haine, du rejet, de l’exclusion, du repli sur soi. Le Seigneur en a besoin !! Le Seigneur en a besoin !
Le Seigneur a besoin de moi ; il aurait pu tout faire tout seul, il est Le Seigneur, mais non, le Seigneur a besoin de moi, de ce petit ânon qui est insignifiant. N’est-ce pas un argument solide et porteur pour notre vie ? Le Seigneur vient me chercher, moi, vient te chercher, toi, parce qu’il a besoin de toi pour le porter dans ce monde.
Et enfin, la troisième et dernière exhortation de Jésus arrive lorsque les grands de ce monde demandent que les disciples de Jésus se taisent :
« Si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront ». Je trouve cette phrase magnifique ! Quoique, bon, en même temps, j’avoue que j’ai eu un peu de mal à la comprendre, je l’ai retournée dans tous les sens pour savoir ce qu’elle voulait dire… Surtout que la notion de « pierre » peut être entendue sous différentes formes. L’invitation à être les pierres vivantes de Dieu dans la première épître de Pierre, ou encore lorsque l’on parle de déposer devant Dieu ces pierres lourdes pour nos vies, celles qui nous ralentissent et nous empêchent d'avancer. Je vous passe le fameux « Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise ». Donc de quelle pierre s’agit-il ?
Quand aujourd’hui, sous le sceau de la laïcité du 21ème siècle par exemple, des voix s’élèvent pour demander aux Eglises de se taire, ou plutôt aux croyants de se taire, de rester dans le cercle du privé, cette phrase résonne. « Si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront ». Quand aujourd’hui les religions veulent prendre la parole concernant des débats éthiques, on ne les prend pas au sérieux, voir même on leur demande de ne pas avoir de voix dans le débat. « Si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront ». Quand nous avons peur, quand notre raison nous dit d'être « prudent », on se tait, le silence se fait, et alors cette phrase résonne. « Si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront ».
C’est là la force de l’Evangile. Car même à la mort du Messie, l’Evangile se répand sur toute la terre. On ne peut pas museler, éteindre, faire taire l’Evangile. Même si nous nous taisons, les pierres, crieront ! Alors oui, nous sommes appelés à devenir ces pierres vivantes, c’est-à-dire d'être solide face à la tempête, de ne pas nous envoler au moindre coup de vent.
Mais il nous est aussi assuré que les pierres lourdes de nos vies, comme les regrets, les échecs, la colère, la culpabilité, la fatigue… Jésus vient lui-même les transformer pour en faire des forces de vies pour ce monde ! Quand nos échecs sont transformés en expérience, quand notre colère est transformée en compassion, quand notre culpabilité est transformée en sérénité, et quand notre fatigue est transformée en repos, alors oui, nous sommes des pierres puissantes pour crier dans ce monde !
Cette foule dans le texte, après les Rameaux, se taira et reniera Jésus. Si la foule se tait, la pierre crie. Lorsque la foule parle, nous avons l’espérance d'un roi. Lorsque la foule se tait, on a sa mort. Mais une pierre criera plus fort que toutes les autres : La pierre du tombeau qui ouvrira à une espérance bien plus grande.
C’est donc là que se trouve l’exhortation de Jésus ! Nous, petit ânon insignifiant, sans expériences, sommes appelés à crier au monde ce qui a été transformé en nous pour que le monde sache ce que la Vie est !
Donc finalement, même dans ce malentendu de départ qu’est cette arrivée à Jérusalem, ce malentendu qui voit cette arrivée soi-disant triomphante avec enthousiasme et qui finalement n’est que le présage de la mort de Jésus, ce malentendu qui montre que finalement, la foule n’a rien compris à ce que Jésus a voulu transmettre en 3 ans, ce malentendu qui nous arrive encore à nous de ne pas toujours bien comprendre ce qu’il attend de nous, Jésus trouve encore la force de nous exhorter.
Et voilà les trois phrases que j’aimerais que l’on garde pour ce dimanche des Rameaux :
Dieu vient nous chercher, même le plus petit d'entre nous.
Dieu a besoin de nous pour la construction de ce monde plus juste, un monde plus vrai, plus humain.
Et pour cela, soyons ce que Dieu a fait de nous : des passeurs de Lumière en transformant le silence en crie d'amour pour ce monde !
Pour terminer ce temps de la Parole, je vous invite à prendre votre pierre, normalement vous avez tous reçu « une pierre » ce matin en entrant dans ce temple ! Prenez un feutre, un stylo, de quoi écrire, et inscrivez dessus ce que vous aimeriez crier au monde, un mot, un simple mot qui est porteur de Vie ! On va le faire maintenant !
Oui, nous sommes, chacun et chacune, les petits ânons dont Dieu a besoin pour le porter dans ce monde !
Et lorsque vous vous demanderez ce que vous pouvez dire au monde, revenez à cette pierre et rappelez-vous que Dieu appelle chacun et chacune de nous à nous lever et à crier au monde que la Vie est toujours plus forte que tout !
Amen