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Esprit, es-tu là ?

Prédication du dimanche 7 avril 2024, par la Pasteure Sophie Ollier.

 

Esprit, es-tu là ?

Prédication du dimanche 7 avril 2024, par la Pasteure Sophie Ollier.

 

Lectures bibliques :

  • Jean 20, versets 19 à 31
  • Galates 5, versets 22 à 26

 

 

Nous voilà donc avec ce texte proposé pour aujourd’hui, découpé en 2 parties distinctes : nous avons en première partie un texte qui s’apparenterait facilement à un texte de Pentecôte avec la descente de l’Esprit sur les disciples, puis le texte où Thomas réalise en touchant sans toucher et en voyant sans voir que le Christ est ressuscité ! Je dois vous avouer que mon cœur a balancé pour cette prédication entre l’un et l’autre de ces passages. J’ai finalement choisi de m’attarder plutôt sur la première partie où Jésus apparait à ses disciples qui sont confinés dans un lieu, toutes portes closes, et qui reçoivent l’Esprit ! Parler de l’Esprit n’est pas réservé au seul jour de Pentecôte que nous célébrerons fin mai !

Allons voir d'un peu plus près avec ce récit chez Jean comment justement cet Esprit descend sur nous ! Et nous verrons plus loin avec un passage de l’épître aux Galates comment l’Esprit agit en nous, ce qu’il nous donne de vivre !

Nous avons donc Jésus qui vient rejoindre les disciples qui sont paralysés par la crainte, enfermés à double tour, des disciples qui presque mettent des verrous dans leur vie à la suite de la mort de leur maître, des disciples qui se confinent dans leurs peurs et leur chagrin. Des disciples qui viennent de vivre l’impensable : le décès prématuré de quelqu’un qui leur était proche, encore plus celui qu’ils reconnaissaient comme le Seigneur de leur vie.

Cette semaine dans la paroisse, il y a eu 4 cultes d’actions de grâce, des obsèques. Et ça nous posait la question : comment face à ce qui nous blesse, nous chagrine, le départ de quelqu’un, qu’est-ce qui nous remet en vie ? Comment, face à la mort, nous recevons une nouvelle force ?

 Jésus vient, dans ce texte, rejoindre les disciples à cet instant précis de vie où le sombre semble l’emporter sur la lumière, où l’avenir semble incertain, où les portes semblent rester fermées ! Jésus les rejoint au moment même où les disciples semblent baisser les bras ! Alors, vous me direz, ils sont en deuils, leur réaction de repli semble plutôt légitime ! Mais justement, ce n’est pas pour rien que Jésus les interpelle à ce moment précis ! Il arrive avec une Parole de Paix, d'envoi, de bénédiction même avec l’Esprit et l'assurance du pardon ! Il arrive comme un phare, une lumière, un chemin dans la vie des disciples, vie qui semble en pleine impasse ! Oui, il vient face à eux et leur dit : Sachez que la paix est présente, à vous de la diffuser, je vous envoie, mais avant toutes choses, recevez cette force qui vous guidera, L’Esprit. Maintenant, allez-y, et surtout, allez-y sans rancune, pardonnez !

Oui, là est l’Evangile, là se révèle l’entièreté de l’Evangile avec cet envoi et ce don du souffle !  

L’Esprit nous permet de passer de la fermeture à l’ouverture, de passer du statique au mouvement, de passer du silence à la Parole, de passer d'être humain à enfants de Dieu : il nous libère ! C’est cette Parole qui est donnée aux disciples, et c’est cette Parole qui nous est donnée à nous aujourd’hui !

Alors jusqu’ici je dirais, tout va bien ! Mais, c’est là que ça se corse un peu, pour être au bénéfice de cette libération, pour passer de la crainte à la joie, de la mort à la vie, de l’obscurité à la lumière, du préjugé à l’accueil, une fois le témoignage de cette Bonne Nouvelle reçu, il nous faut croire.

Croire que tout ce que nous vivons est placé sous le signe du pardon. Si les disciples reçoivent l'autorité de remettre les péchés, ce n'est pas pour en faire une compétence juridictionnelle, ce n'est pas pour s'ériger en juges : c'est d'abord et avant tout à eux-mêmes, et donc à l'ensemble des croyants que cela s'applique : par la foi, nous sommes porteurs d'une parole qui soigne, d'une parole de paix SHALOM : parole de pardon, et donc de liberté. Parole qui fait passer de la crainte à la paix, et de la paix à la joie de la rencontre.

Ce texte, c'est une invitation à ne pas se barricader, à ne pas s'emprisonner, à ne pas rejeter l'autre à l'écart. Ne pas rester prisonnier de nos certitudes, ne pas rester retenu par nos peurs. Car il n'y a qu'une chose qui empêche d'accéder au pardon : c’est de refuser de le proclamer et de pardonner.  

Refuser de pardonner, ou d'être pardonné, c'est rester dans la culpabilité, c'est se mettre à l'abri, que dis-je, en retrait de ce souffle qui nous est offert.

Refuser de pardonner ou d'être pardonné, ce n'est pas aux autres que ça coûte, c'est d'abord et surtout à soi-même.

Refuser le pardon, c'est rester dans une dynamique mortifère de haine, de violence, c'est risquer le rejet et l'isolement.

Quelque chose me marque tout particulièrement dans le découpage du texte tel qu’il nous est donné de le lire.

C’est assez étonnant je trouve cette parole du Ressuscité aux disciples après leur avoir donné le souffle de l’Esprit. Qu’est-ce que le pardon vient faire à la fin de cette histoire ?

Peut-être est-ce là la vérité de nos vies pour accueillir le souffle en vérité, pour accueillir l’Esprit dans notre être : ne pas être bloqué par le fait de refuser de pardonner, par Dieu nous sommes invités à dépasser ce refus. Ce pardon qu’il nous offre, il nous demande de le diffuser.

Nous acceptons volontiers dans nos vies de transmettre l’amour, la fraternité, l’entraide, car Jésus nous le demande, mais lorsqu’il s’agit de pardon, là tout de suite nous sommes bloqués, nous trouvons toujours une excuse pour ne pas pardonner ou pour ne pas recevoir le pardon. C’est bien l’une des choses les plus difficiles à faire, ne nous mentons pas. Et pourtant, c’est peut-être la chose qui est la plus accessible dans nos vies, car c’est ce qui se présente à nous tous les jours.

Et oui, combien d’entre nous avons des rancunes, des blessures, des phrases qui nous ont fait dire « ha non, cette personne, plus jamais ! » ? combien de fois, sur une seule phrase, nous braquons-nous ? combien de fois, sur une première impression, rejetons-nous ? Combien de fois, par manque de confiance, faisons-nous peser sur l’autre notre angoisse ? Sans chercher à communiquer ou à échanger ! Mais il y a aussi les blessures meurtrissantes, celles qui ont touché nos cœurs, nos corps et nos âmes ?!

Le pardon !!! Ce pardon là… qu’il est difficile… impossible ! Meurtres, viols, coups, inceste, pédophilie, abus de confiance, emprise… comment pardonner ? En tant que chrétiens il faudrait seulement pardonner, tout le temps et hop, on oublie ?!! Mais qu’est-ce que le pardon ? Simplement « ok je te pardonne et hop, ça n’a jamais existé !! » ?

Le pardon comme l’amour du prochain, n’oblige pas à devenir le meilleur ami et genre tout est oublié ! Non ! Mais le pardon est une dynamique d’humanité, un élan de vie pour celui ou celle qui pardonne et peut-être aussi pour celui ou celle qui reçoit le pardon.

Pardonner n’est pas oublier, ne plus souffrir, ça veut dire vouloir du bien à celui ou celle qui nous a fait mal. C’est terriblement difficile ! Mais nous ne sommes pas seuls dans tout cela ! Dieu, lui, nous montre la voie sur laquelle ça nous mène ! Cette voie-là est d’une difficulté incommensurable mais elle est porteuse d’une vie encore plus grande pour celui ou celle qui le vit ou le reçoit !

Et la foi, ce Dieu de vie, qui fait triompher la vie sur la mort à Pâques, cette force qui nous est donnée par l’Esprit, nous accompagne, nous porte, nous fait traverser le monde avec l’espérance !

Et d’autres sont là, que Dieu met sur nos routes autour de nous, qu’ils en soient conscients ou non ! Mais des personnes… là… présentes, par compassion, nous portent, et portent avec nous, pour nous, nos souffrances, nos fragilités.

Et là nous pouvons entendre le texte de Galates que nous avons lu, et la description de ce que l’Esprit nous amène à faire et à être : 22Quant au fruit de l'Esprit, c'est : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, 23douceur, maîtrise de soi ; aucune loi n'est contre de telles choses. 25Si nous vivons par l'Esprit, marchons aussi par l'Esprit. 

Ce texte de Galates nous parle de ce que produit l’Esprit, en nous et pour nous, ces « fruits de l’esprit ». Ce qu’ils sont, ce qui découle du fait de se laisser rejoindre par l’Esprit.

Si nous y regardons de plus près, tous ces mots sont assez vagues en fait, nous avons des mots qui ouvrent et qui peuvent se manifester sous des formes très diverses. Lorsque nous cherchons des définitions à l’amour, la joie ou encore la patience, nous trouvons des centaines de définitions, des centaines de manière de faire et de pratiquer. En fait, ces fruits-là sont très libérateurs, ils nous donnent un panel d'action immense.

C’est là que se trouve l’action de l’Esprit : nous ne pouvons pas toujours tout définir à travers des définitions bien cadrées, nous avons besoin de cette ouverture qui nous libère de dogmes et pratiques précises !

Le fruit que l'Esprit permet à l’humain de porter, c'est l'amour ;

joie et paix sont ce qu’on ressent du règne de l'amour ;

patience, bonté et bienveillance sont les manifestations de cet amour ;

foi, douceur et maîtrise de soi sont les conditions nécessaires à sa naissance et à son épanouissement.

 

Donc lorsque Jésus fait descendre sur les disciples l’Esprit, voilà également ce qu’il fait descendre sur eux, et sur nous par la même occasion ! Dieu nous donne par son Esprit la force d'être des puissances de vie, face à tout ce qui a été ou est source de mort et de souffrance dans notre monde. Il nous donne, il met entre nos mains et dans nos cœurs, quelque chose de bien plus grand que ce qui nous enferme dans nos vies humaines.

 

Personnellement ça me requinque de me dire que je ne suis pas toute seule et que quelque chose m’aide à avancer pour du mieux, pas seulement le fait « d'avoir la foi » mais d'être conscient que quelque chose en moi, le Saint Esprit, m’envoie et me transporte, qu’il me donne de porter du fruit dans ce monde, par lui ! Que ce ne sont pas que mes propres forces ! Et que d’autres sont mis en mouvement par le même Esprit pour les porter et me porter.

 

Alors, vous savez, parfois, lorsqu’on rédige une prédication, des références ou exemples étranges qui nous viennent comme ça, et il ne faut pas se demander pourquoi ! Et c’est ce qui m’est arrivé hier soir, lorsque je rédigeais, une tirade m’est venue, une tirade qui n’est pas de moi.

Vous connaissez tous Astérix et Obélix mission Cléopâtre, le film ? A un moment, il y a le scribe, Otis, qui fait une tirade, voilà ce qu’il dit :

 

« Je ne crois pas qu’il y ait de bonnes ou de mauvaises situations, moi si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d'abord des rencontres, des gens qui m’ont tendues la main peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres, forgent une destinée. Parce que quand on a le gout de la chose, le gout de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l’interlocuteur en face, je dirais, le miroir, qui vous aide à avancer. Alors, ce n’est pas mon cas comme je disais là, parce que moi au contraire j’ai pu, et je dis merci à la vie, je chante la vie, je danse la vie, je ne suis qu’amour. Et finalement quand beaucoup de gens aujourd’hui me disent « mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ? », et ben je leur réponds très simplement, je leur dis, c’est ce gout de l’amour, ce gout donc qui m’a poussé aujourd’hui à entreprendre une construction mécanique, mais demain qui sait, à me mettre simplement au service de la communauté, à faire le don de, de, de, le don de soi ».

Voilà donc cette tirade, mais que, finalement, je n’ai pas trouvé si éloignée que ça de nos textes aujourd’hui : le gout de l’amour, la main tendue, qui nous aide à avancer et à entreprendre. C’est d'abord des rencontres, avoir l’autre en face, l’autre, vous, moi, mais l’autre aussi Dieu qui est notre interlocuteur privilégié à chacun et chacune de nous, l’autre en face qui me permet d'être une puissance de vie pour le monde qui nous entoure si nous acceptons de laisser l’Esprit agir en nous, si nous lui laissons la place.

Le Christ nous invite aujourd'hui à prendre le pari de la paix, à oser s'exposer, à risquer la confiance pour pouvoir entrer dans la joie de la vie ! Il nous invite à sortir de ces lieux de confinement intérieurs pour nous exposer, pour transmettre la vie, pour oser la paix… et le pardon !

L’Esprit donc qui nous est offert de recevoir, est pleinement ce souffle de vie que donne Dieu au tout début de la Bible, au début de la Création, ce souffle qui créé et surtout qui recréé en nous et pour nous ! C’est un souffle qui amène des changements, des mouvements, des élans dans nos vies ! C’est un souffle qui renouvelle, qui ouvre des perspectives, un souffle qui vient dire ici aux disciples que tout ne s’arrête pas à la peine, à la crainte et au confinement, mais un souffle qui envoie plus loin, qui nous aide à pardonner, un souffle qui requinque même. C’est aussi ce souffle qui nous réunit par-delà nos distances et nos différences.

Alors oui, pour aujourd’hui nous pouvons la recevoir cette Paix ! Cette Paix qui nous envoie, qui nous envoie par la Parole, annoncer que tout ne s’arrête pas aux lieux sombres et fermés de ce monde, parce que l’Esprit produit des fruits qui se diffusent largement pour nous libérer de la peur et nous ouvrir à la puissance d'un pardon qui donne la vie !   

Amen !

Sophie Ollier