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Foi maison ou foi micro-ondes ?

Prédication du dimanche 10 novembre 2024, par la pasteure Sophie Ollier.

 

Foi maison ou foi micro-ondes ?

Prédication du dimanche 10 novembre 2024, par la pasteure Sophie Ollier.

 

Lecture biblique : Marc 8, versets 27 à 33

 

Quoi de mieux pour un baptême qu’un texte où Jésus demande à ses disciples : « Qui dites-vous que je suis ? » ?! Jackie Grace, ce matin, tu as répondu à cette question que pose le Christ par ta confession de foi.

Par ton baptême tu atteste qu’il a une place centrale pour toi et que tes engagements, ta vie, sont guidés par ce Dieu qui nous parle et nous envoie. Et plus encore, tu as posé tes mots à toi sur ta foi et ce que cela implique pour toi. Les mots que tu as utilisés sont sûrement les mots que d’autres dans cette assemblée utilisent pour parler de leur foi. Peut-être aussi que par ta voix tu as permis à certains de poser enfin des mots sur cette relation qu’ils vivent avec Dieu, et sûrement aussi que d’autres disent leur foi autrement.

Dans tous les cas, ce matin, tu as répondu à cette question que Jésus pose. Sache que ce que tu as fait ce matin n’est pas si simple ! Poser des mots personnels sur notre foi et à quoi elle nous engage n’est pas toujours évident. Cela nous questionne profondément.

Et justement, je crois que nous sommes dans un contexte où nous nous posons beaucoup de questions sur l’état de la société actuelle, sur la suite pour ce monde, et des questions sur Dieu, ou en tout cas sur notre manière de faire vivre Dieu et sa Parole dans un monde qui semble un peu chaotique ! Et quand on vient au culte le dimanche, ou dans nos lectures personnelles de la Bible, ou autre, revient cet appel à proclamer la Bonne Nouvelle au monde, mais laquelle, quoi ? Comment prêcher l’espérance ? Quelle espérance d'ailleurs ? En quoi ma foi a à voir avec ce qu’il se passe en ce moment ? Et si elle a un lien, que faire, que dire, comment le dire ? Et oui, si on dit « Je crois », qu’est-ce que ça implique ?  

Bon, c’est vrai qu’entre les questions que je pose là et le texte que nous avons lu, quel est le lien ? Et ben c’est parti, prenons un peu le texte qu’on vient de lire dans l’Evangile de Marc, et ce qui peut nous interpeler :

Un Pierre qui confesse sa foi et qui se fait engueuler
Une Jésus qui nous demande de ne rien dire à personne et qui annonce qu’il va souffrir et mourir
Et un Pierre qui engueule Jésus parce qu’il a dit ça et Jésus le traite de Satan.

En gros, un texte où les acteurs se disputent et où celui qui confesse sa foi se fait rabrouer. Et là, dit comme ça, on se demande pourquoi un tel texte pour un baptême ! Surtout à la suite de ta confession de foi Jackie Grace. Mais on va aller un peu plus loin.

S’ il y a une chose qu’on peut reconnaître à Marc, l’évangéliste, c’est qu’il ne s’encombre pas de détails, il va toujours droit à l’essentiel ! Cet Evangile est le plus court des 4 avec à peu près le même nombre d'événements relatés (presque) mais il n’y a que peu de détails. Il va toujours directement à ce qui est dit et/ou fait sans s’encombrer de surplus !

Alors au milieu du sans détails, lire entre les lignes devient soit plus compliqué soit plus simple. Si cet événement de la vie de Jésus est raconté ainsi c’est qu’il a quelque chose à nous dire tel quel !

Pourquoi est-ce que Jésus rabroue Pierre qui le déclare comme le Christ ? Pourquoi s’énerve-t-il contre lui alors qu’il confesse l’identité de Jésus ? Aujourd’hui on se répète souvent qu’il nous faut sortir de nos murs, annoncer à tous la Bonne Nouvelle, confesser notre foi en public, être témoin, et quand on lit ce texte, et ben Jésus engueule Pierre d'avoir confessé sa foi ! Un peu perturbant quand même !

Prenons un peu les choses dans l’ordre ! D'abord le temps de la confession de Pierre, puis le temps de l’annonce de Jésus puis ce qui ressort des deux temps ensemble.

Dans un premier temps nous avons donc ce Jésus qui pose la question « Qui dit-on que je suis ? Et vous, qui dites-vous que je suis ? ». On pourrait entendre ces questions de deux manières différentes ! On pourrait les voir comme un enseignant qui poserait une question à ses élèves tout en connaissant la réponse mais dans l’attente de voir si les élèves savent. Vous savez le « combien font deux plus deux ? ». Ou on peut entendre ces questions comme un réel questionnement de Jésus qui cherche lui-même une réponse. Il sent sur lui beaucoup de regard, beaucoup d'attentes, les gens l’écoutent, le suivent, et lui se pose réellement une question d’identité ! Qui suis-je ?

Cette deuxième option, qui je le crois peut-être tout à fait légitime, n’enlève rien à la portée de Jésus, mais dans sa dimension humaine il a le droit au questionnement ! Cela fait aussi partie de notre humanité, le questionnement de qui nous sommes, pourquoi Jésus ne pourrait-il pas aussi se poser la question légitimement ?  

Donc si nous prenons cette deuxième option, nous pouvons comprendre pourquoi, d'une certaine manière, Pierre se fait rabrouer par Jésus. Par sa réponse « Tu es le Christ, le Messie », Pierre pose sur Jésus une identité, il pose sur ses épaules une mission, et pas des moindres. Et cela peut être source d'angoisse d'une certaine manière dans le sens où il sait ce qui suit cette déclaration de foi de Pierre.

Je suis tout à fait consciente qu’en vous disant cela nous pourrions poser derrière tout le débat théologique de l’identité de Jésus, est-elle depuis sa naissance, ou arrive-t-elle au début de son ministère ? Cela pose la question de l’humanité de Jésus face à sa divinité, dans quelle mesure les deux entrent en relation et dans quelle mesure a-t-il conscience de son identité divine ?! Et si nous prenons l’humanité de Jésus, cela nous ramène directement à nous-même. Qui aujourd’hui peut déclarer pleinement et entièrement son identité profonde ? Plus encore, si jamais les autres reconnaissent à travers nous une identité spécifique, dans quelle mesure l’acceptons-nous sans peur, sans crainte, sans angoisse ? Je suis pasteure, est-ce mon identité ? Et quand quelqu’un me reconnait comme pasteure, quelle mission repose sur mes épaules ? Et cela fonctionne pour beaucoup de facettes de nos vies ! Chacun de nous connait cette question, qui suis-je ? Quelle mission les autres font-ils reposer sur mes épaules ? Parent, enfant, enseignant, organisateur d'un événement, médecin, comptable, enfin, que sais-je ?!

En fait, je crois que tout est finalement très légitime dans ce texte, toutes les questions, les réponses et les réactions ! Ce qui semble être à la base une réaction incompréhensible de Jésus devient finalement un dialogue de vérité et d'humanité avec ses disciples.

Prenons la suite. Dans la seconde partie du texte, si on suit notre logique, on a comme l’impression que Jésus accepte cette identité annoncée sur lui, et qu’il l’annonce alors pleinement, en tout cas, il annonce ce que cela implique : le Fils de l’homme, donc lui, le Messie, doit souffrir, être rejeté, il doit mourir et ressusciter. C’est vrai que, vu comme cela on peut très bien imaginer pourquoi Jésus a rabroué Pierre lorsqu’il l’a proclamé comme Messie, vu ce que ça implique…

En tout cas, on se rend compte que Jésus accepte cette identité qui lui est donnée comme Parole de Dieu, finalement, cette parole prononcée par Pierre fait état de Parole de Dieu pour Jésus, et il en mesure toute la portée ! Il l’annonce donc. Et là, Pierre refuse, il le confesse comme Messie mais refuse que Jésus endosse pleinement ce rôle.

Toute la question qui se pose ici, je crois, et qui peut nous rejoindre nous aujourd’hui, c’est la portée de notre confession de foi.

Pierre confesse sa foi en appelant Jésus « Messie » mais finalement sans trop savoir ce que cela veut dire vu que, quand Jésus lui explique ce que ça signifie, Pierre est contre.

Et Jésus de lui rétorquer « Va-t’en derrière moi Satan ! Tu ne penses pas comme Dieu mais comme les hommes ». On pourrait le dire autrement : « attends, tu viens de me dire que pour toi j’étais le Messie et tu refuses que je le sois en actes ! Tu réfléchis comme un homme tout en m’annonçant une Parole de Dieu ».

C’est là la question que je nous pose aujourd’hui, nous rendre compte de ce que nous disons lorsque nous confessons notre foi, qu’est-ce que cela implique ?

Lorsque nous disons que nous croyons en Dieu. Quels sont les mots que nous utilisons ? Que veulent-ils dire ? Qu’engagent-ils de notre part ?

Je dis que je crois en un Dieu d'amour pour tous ! Alors qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que l’amour et « pour tous » c’est qui ? C’est tous ou y’a des bémols ? Quand certains revendiquent les racines chrétiennes de la France, donc logiquement un message d’amour, et qu’en même temps on refuse d’accueillir des personnes dans le besoin, quel genre de confession de foi c’est ? Quand on proclame que Dieu aime le monde et que nous devons en prendre soin, et qu’en même temps nous continuons à défigurer ses paysages, à polluer et à ne pas faire attention, quelle confession de foi est-ce ? Quand je dis que tous nous sommes enfants de Dieu, qu’est-ce que cela implique pour ma vie, dans ma relation aux autres ?

On a de nombreuses manières d'entendre un texte biblique, et aujourd’hui c’est cette question je crois qu’il nous pose : lorsque je confesse ma foi, qu’est-ce que je dis ? Et qu’est-ce que cela implique réellement et concrètement ? C’est ce à quoi, Jackie Grace, tu as réfléchi depuis des mois.

Dans l’épître de Jacques, au chapitre 2, on nous parle de la foi et des œuvres, de la foi avec ou sans les œuvres. Un mot qu’on n’aime pas tellement dans le protestantisme.

Mais si on prend les versets 15 et 16 par exemple, Jacques nous dit : Si un frère ou une sœur n'avaient pas de quoi se vêtir et manquaient de la nourriture de chaque jour, et que l'un de vous leur dise : « Allez en paix, tenez-vous au chaud et mangez à votre faim ! » sans leur donner ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela servirait-il ?

Si nous mettons ces deux versets en relation avec ce texte chez Marc, avec ce récit de Pierre et Jésus, peut-être comprenons-nous un peu mieux tout ce que cela implique. En fait, tout est la question de la portée de notre parole ! Quelle était la portée de la parole de Pierre lorsqu’il a dit à Jésus qu’il était le Messie ? Quelle est la portée de notre parole lorsque nous disons que nous croyons en un Dieu d'amour ? Quelle est la portée de notre parole lorsque l’on dit à quelqu’un qui manque de nourriture d'aller manger à sa faim sans lui donner de notre pain ?

C’est souvent la plus grande difficulté que nous rencontrons dans notre témoignage de foi, quels mots utiliser pour qu’ils fassent sens pour nous ? Et plus encore, quels mots utiliser pour que l’autre entende ma foi, en paroles et en actes ? Je pense par exemple au fait d'aller voter, qu’est-ce que cet acte dit de ma foi en fonction de mon choix ?

C’est un défi de tous les jours d'arriver à faire cohabiter nos mots, nos actes et notre foi. Ce n’est pas simple de trouver le mot juste pour faire état de ce en quoi je crois ! Pierre lui-même en a fait l’expérience, il a confessé sa foi sans prendre en compte toute la portée de ses mots !

Et si on prenait un exemple, culinaire ! Si vous invitez des personnes à manger chez vous, vous préparez le repas mais au lieu de cuisiner vous achetez un plat déjà tout prêt que vous mettez au micro-onde et vous le présentez à vos invités comme fait maison, et lorsqu’ils vous demandent ce qu’il y a dedans, vous êtes incapable de répondre car vous n’en savez rien !

Pour notre confession de foi, notre témoignage au monde, c’est la même chose, si nous présentons à d'autres notre foi comme faite maison mais qu’au final on est incapable de dire ce qu’elle contient, alors nous sommes comme un surgelé !  

C’est le travail de toute une vie je vous rassure. Petit à petit nous apprenons à oser la vérité de notre cœur, oser poser des mots et des actes qui témoignent profondément de ce Dieu qui nous porte.

Aujourd’hui, c’est un défi auquel nous invite Jésus, le défi de notre foi, que notre foi fasse sens pour nous et qu’elle ne soit pas creuse, que nous soyons conscients de ce que nos paroles veulent dire et de ce que nos actes témoignent de notre foi et de Dieu ! N’ayons pas peur de poser des mots qui nous appartiennent ! Tu veux parler de ta foi ? Tu veux l’appeler, espérance, puissance de vie, souffle de Dieu, Messie, élan au monde, morale… Peu importe ! Mais poses les mots qui t’appartiennent et qui font sens pour toi et qui ont un impact dans ta vie !

Cela prend du temps, c’est certain, mais rien de telle qu’une foi cuisinée avec amour que réchauffée au micro-onde, sinon, nous serons comme Pierre, à proclamer sans se soucier de la portée !

Amen !

Sophie Ollier