M’envoyer moi ? Jamais !
M’envoyer moi ? Jamais !
Prédication du dimanche 20 octobre 2024, par la Pasteure Sophie Ollier.
Lecture biblique : Esaïe 6, versets 1 à 8 et Marc 1, versets 16 à 20
Ce matin nous avons eu la joie de célébrer le baptême d’Antoine, et pour débuter cette prédication, je souhaitais reprendre les mots du début de sa confession de foi : Seigneur Jésus-Christ, durant tant d’années, j’ai cherché des réponses en regardant autour de moi, sans pour autant avoir les sens en éveil pour entendre ton appel. Toujours présent à mes côtés, tu n’as jamais forcé ta présence. Tu as attendu patiemment que je sois enfin libéré de mon orgueil et mes préjugés pour te révéler à moi et me guider.
Aujourd’hui, je témoigne de la lumière que tu as fait briller pour attirer mon attention, de la clarté de ton appel, et de la chaleur de Dieu que j’ai ressentie profondément en moi.
J’avais choisi ce texte d’Esaïe et de Marc avant de lire sa confession de foi, et en la lisant je me suis dit que ces quelques mots de sa foi résumaient ces textes ! Son baptême est le témoignage de ce Dieu qui dit « Je suis là » et lui de répondre « Je sais et je te suis ».
Alors, peut-être qu’avec son exemple, c’est à nous tous d’entendre un appel et d’y répondre ! D’où ce texte d’appel des disciples de Jésus et ce texte d’appel d’Esaïe.
Pour résumer, Esaïe a eu une vision, il voit Dieu sur son trône, entouré de créatures célestes, et face à cette vision, Esaïe va avouer ses fautes et être purifié. Nous voilà au 8ème ou 7ème siècle avant Jésus Christ, et il faut dire qu’Esaïe est un peu dans la panade quand même, il se rend bien compte qu’autour de lui rien ne va, l’injustice pullule, l’alliance avec Dieu a été oubliée, la chute est proche. Le peuple vient même de laisser son roi, Ozias, mourir seul, dans un isolement total, exclut à cause de sa maladie, la lèpre.
Bien qu’Esaïe parle déjà au nom de Dieu, il sait bien que la suite ne va pas être évidente. Annoncer que le pays sera dévasté, qu’il ne restera rien de plus qu’une souche d’arbre mais qui donnera un nouveau commencement. Il parle du Christ à ce moment-là.
Sans se prendre pour le prophète Esaïe on peut se retrouver en lui et ce qu’il vit. Tout en essayant, du mieux que l’on peut, de prêcher cette Parole de vie, de faire rayonner Dieu par la compassion, la fraternité, l’espérance, on a bien l’impression quand même que c’est loin de s’arranger dans ce monde qui nous entoure. Le réchauffement climatique s’aggrave, les guerres se multiplient, les rejets et injures fusent, la confiance devient rare et l’individualisme devient le maître mot !
Alors qu’entendre ? Que faire ?
Le passage qui a retenu mon attention en particulier, c’est ce qu’Esaïe va dire au verset 8 que je relis : « J'entendis le Seigneur qui disait : Qui enverrai-je ? Qui ira pour nous ? Je répondis : Hinéni, me voici, envoie-moi ».
Cette petite phrase est peut-être l’un des plus grands actes de foi qui nous est raconté dans toute la Bible. Cela demande une sacrée dose de foi car Esaïe à ce moment-là n’a aucune idée d’où Dieu veut l’envoyer, ni pour quoi faire. Peut-être Dieu allait-t-il l’envoyer à des milliers de kilomètres de chez lui ? Peut-être allait-il l’envoyer affronter des dangers mortels et toutes sortes d’épreuves ? Esaïe n’en sait rien, et pourtant il se porte volontaire. On dit souvent, et à juste titre, qu’il faut toujours lire attentivement les petites lignes en bas d’un contrat avant de le signer pour savoir exactement ce à quoi on s’engage vraiment et ne pas avoir de mauvaises surprises. Ce que fait Esaïe, ici, c’est qu’il signe son contrat de travail sans même l’avoir lu, ni les gros, ni les petits caractères.
Avouez que cela demande une confiance absolue dans son employeur de s’engager comme cela, à l’aveugle. En même temps, avec les disciples dans l’Evangile de Marc que nous avons lue, c’est un peu la même chose ! Simon, André, Jacques et Jean sont appelés par Jésus et hop, ils y vont !
Mais au final, pourquoi est-ce que ça serait différent avec nous ? Qui que nous soyons, quel que soit l’endroit où nous nous trouvons, nous pouvons aussi nous placer devant Dieu et lui dire : « Me voici, envoie-moi ! » Nous n’avons pas besoin de vivre une expérience spirituelle aussi forte qu’Esaïe pour entendre la voix du Seigneur et répondre à son appel.
On peut voir dans la Bible que Dieu a appelé des personnes à le servir de moult manières. On lit qu’il peut arriver que Dieu s’adresse à des hommes et à des femmes en leur parlant, de manière très directe. Il peut aussi faire connaître sa volonté aux humains par des visions ou des rêves, qu’il s’agit ensuite de décrypter. Ou encore, la volonté de Dieu peut se manifester par l’intermédiaire d’autres personnes, comme vous et moi.
Une des grandes convictions que l’on peut tirer de la Bible, c’est que Dieu parle aux humains, il le fait constamment et de plein de façons différentes. Il se peut qu’aujourd’hui encore, Dieu nous parle de la manière dont il s’est adressé aux personnes que nous trouvons dans la Bible. Cela peut arriver en priant, en lisant la Bible, en écoutant de la musique ou la confession de foi personnelle de quelqu’un, ou bien au hasard d’une rencontre ou d’une conversation. Il se peut, même, qu’on entende son appel en allant au temple le dimanche ! Dieu peut utiliser toutes les manières possibles pour se faire connaître à nous.
Peut-être qu’en m’écoutant, vous vous dites que vous n’avez jamais vraiment ressenti un appel particulier à servir Dieu, que vous ne l’avez jamais entendu s’adresser à vous d’une manière ou d’une autre, que ce soit dans vos prières, vos lectures bibliques, vos pensées. Et bien sachez-le, votre cause est loin d’être perdue car l’exemple de la vocation d’Esaïe que nous avons lu peut vous être d’une grande aide. Et puis, ce n’est pas parce qu’on ne l’a pas entendu, qu’il n’a pas parlé !
L’exemple d’Esaïe a quelque-chose de tout à fait unique par rapport à tous les autres prophètes auxquels Dieu va s’adresser de manière directe ; Esaïe, lui, se porte volontaire. Il dit : Me voici, envoie-moi. Et si vous n’avez jamais pu discerner ce que Dieu attend de vous, c’est sûrement la meilleure des prières que vous pouvez faire. Peut-être que comme Esaïe vous faites l’expérience de la présence de Dieu dans votre quotidien ou dans la prière, peut-être que, comme Esaïe, vous avez déjà vécu l’expérience de vous repentir et de recevoir le pardon qui relève. Peut-être qu’une prochaine étape pourrait être, comme l’a fait Esaïe, de vous tourner vers Dieu et de lui dire : « Me voici, envoie-moi ». Au fond, la manière la plus sûre pour entendre ce qu’il a à nous dire, c’est d’être prêts à l’écouter nous parler et à se mettre en route.
Si Esaïe avait fait une prière du type : « Me voici, dis-moi ce que tu aimerais que je fasse, je pèserais le pour et le contre, et éventuellement je ferais ce que tu attends de moi », je pense qu’il y aurait eu de grandes chances qu’en retour il n’ait rien entendu du tout.
Je suis convaincu que, ce qu’a entendu Esaïe, c’est-à-dire la voix de Dieu qui se demande : « Qui pourrai-je envoyer ? Qui ira pour moi ? » nous pouvons l’entendre également, car cette question, Dieu ne cesse de se la poser depuis l’aube de l’humanité.
Je suis aussi convaincu que, tout comme Dieu a appelé Samuel par son prénom, il y a des milliers d’années, comme vous l’avez vu dimanche dernier avec les enfants pour celles et ceux qui étaient présents au culte le matin, si nous tendons l’oreille nous pouvons aussi entendre cette même voix qui nous appelle par notre prénom, sans relâche, Marc, Véronique, AUTRES PRENOMS et Dieu attend que nous lui répondions : « Me voici, envoie-moi »
Comme nous l’avons vu, cette parole qu’Esaïe adresse à Dieu et que nous pouvons dire à notre tour, est une prière qui demande une certaine dose de confiance car elle peut changer notre vie à jamais. Peut-être que Dieu nous demandera de tout quitter et de partir à l’autre bout du monde, peut-être qu’il nous demandera d’arrêter de faire quelque-chose que l’on fait depuis des années, peut-être que ce qu’il attend de nous c’est d’aller vers les personnes vers lesquelles nous aurions le moins envie d’aller. Ca peut changer une vie ! J’ai un jour dit à Dieu « bon, j’en ai marre, fais ce que tu veux de moi », aujourd’hui je suis pasteure ! Bon ! Oui, ça peut changer nos vies ! Et pourtant, cela en vaut la peine ! Cela en vaut vraiment la peine pour au moins trois raisons :
La première raison, c’est que les projets que Dieu a pour les gens qu’il appelle, sont bons. Dieu est bon, il est amour, c’est ce que le Christ nous dit, c’est ce que nous prêchons tous les dimanches, et les projets qu’il a pour chacun et chacune de nous sont nécessairement de bonnes choses, pour les autres, pour notre entourage, pour notre société, mais aussi pour nous-mêmes.
La deuxième raison, c’est que si Dieu nous demande de faire quelque-chose, c’est que nous en sommes capables, c’est que nous en avons les moyens. Il ne nous demandera jamais de faire quelque chose que nous ne puissions pas faire. Par exemple, il y a peu de chance que Dieu vous appelle à peindre une fresque dans un temple si vous êtes nulles en dessin, quoique. Dieu nous connait parfaitement, totalement, il sait quelles sont nos ressources, nos qualités, nos faiblesses aussi.
Si Dieu nous demande de faire quelque chose, nous pouvons lui faire confiance car il sait bien mieux que nous-mêmes si nous en sommes capables. Très souvent, c’est ce sentiment qui nous empêche de réaliser ce que Dieu attend de nous. Et nous avons des tas d’exemples dans la Bible de personnes qui ont eu la réaction de dire : « je ne suis pas la bonne personne, je n’en suis pas capable » lorsque Dieu les a appelées. Je pense qu’on s’est tous un jour empêché d'agir pour ce genre de raisons. « Je suis trop vieux, je suis trop jeune, je n’ai pas le temps, je n’ai pas assez de connaissances, pas assez de charisme, pas assez de patience, je ne suis pas assez fort, etc. etc. ». Un exemple très fort dans la Bible, c’est lorsque Dieu demande à Moïse d’aller parler au pharaon en Egypte, et Moïse va lui répondre : « Pardon mais je ne suis pas un homme à la parole facile, j’ai la bouche et la langue lourdes […] je t’en prie, envoie quelqu’un d’autre, qui tu voudras ! » Cette attitude ça ne vous rappelle pas quelqu’un ? Ça ne vous rappelle pas… nous tous ?
Alors attention, je ne dis pas que ce genre de pensée soit totalement illégitime, il faut comprendre ce pauvre Moïse ! Avoir des problèmes d’élocution quand Dieu lui demande d’aller parler aux Egyptiens, on peut comprendre qu’il sente qu’il y a une erreur de casting ! Et pourtant, si Dieu le lui demande, à lui, c’est bien qu’il en est capable, d’ailleurs on dira de lui plus tard qu’« il était puissant en paroles et en actes ».
A nous aussi de faire confiance aux appels de Dieu, qu’on ressent ou que d’autres nous transmettent.
La troisième bonne raison de nous tourner vers Dieu et de lui dire : « Me voici, envoie-moi », c’est que lorsque Dieu nous demande de faire quelque chose, d’aller quelque part pour lui, de nous engager à sa suite, il nous promet son aide. C’est la promesse qu’il a faite à toutes les personnes qu’il a envoyées, et il a toujours tenu cette promesse. Un peu plus tard, dans le récit d’Esaïe, Dieu lui dira : « Ne crains rien, car je suis avec toi ; Ne sois pas inquiet, car je suis ton Dieu ; Je te fortifie, je viens à ton secours, Je te soutiens » ; et en effet, il lui est toujours venu en aide.
Alors oui, ce n’est pas évident, ça peut faire peur, ça peut même être un peu vertigineux ! Et c’est en même temps toute la beauté de l’appel de Dieu, laisser surgir l’inconnu, nous déplacer, avancer, aller vers et ne pas rester sur place ! « Envoie-moi ! ».
Ca veut parfois dire laisser derrière nous des acquis, des choses qu’on pensait avoir comprise. Mais si nous, chrétiens, nous ne sommes pas capables de cette confiance dont nous nous réclamons, si nous ne pratiquons pas cette confiance que nous mettons en Dieu, qui le fera ?
Cette confiance que l’espérance existe et qu’elle existera encore, que la Résurrection du Christ est une réalité pour la résurrection de nos vies et de ce monde, même dans ce qu’il a de plus sombre ! Cette confiance que nous sommes Lumière du monde et sel de la terre !
Et en même temps, c’est moins vertigineux pour nous que pour Esaïe ! Par le Christ nous connaissons les notes de bas de page : devenir des pêcheurs d’humains comme les disciples, aimer, prier, aider, pratiquer la compassion, reconnaître l’autre, mon prochain, comme étant moi-même, entendre, écouter la souffrance et par nos mots et nos gestes être des témoins de vie !
Et vous savez ce qui est génial ? Nous ne sommes pas seuls, car en plus de Dieu, il y a les autres, et c’est bien à cela que servent les Eglises, à être entouré de frères et de sœurs pour nous soutenir, comme lorsque l’assemblée s’est levée pour le baptême d’Antoine ! Si vous pensez avoir reçu un appel de la part de Dieu, vous avez des personnes, une famille à qui confier ce que vous avez reçu, pour vous aider à discerner dans la prière et avec les Ecritures si c’est une parole qui vient bel et bien de Dieu, pour vous aider à répondre à votre appel, et pour prier pour vous.
S’il y a des chances qu’en vous mettant au service de Dieu, vous receviez l’appel à le servir à l’autre bout du monde, il y a tout de même beaucoup plus de chance qu’il vous appelle près de chez vous. Il y a finalement beaucoup plus de chance qu’il vous appelle à le servir là ou vous êtes, à votre travail, dans votre famille, dans votre groupe d’amis, dans votre quartier, dans votre Eglise.
Dieu ne cesse de se demander qui il pourra envoyer, il ne cesse de nous appeler, qui que nous soyons, quelles que soient nos ressources. Il a ce matin appelé Antoine qui a répondu ! C’est tous les jours que nous pouvons nous mettre devant lui et lui dire « Parle-moi Seigneur, ton serviteur écoute », et d’une manière ou d’une autre il nous répondra. Il nous donnera peut-être de toutes petites choses à faire ou bien de grandes choses qui changeront notre vie pour toujours. Mais cela en vaudra la peine, parce qu’il sait ce dont nous sommes capables, et qu’il sera avec nous pour nous donner son aide.
Alors, osons nous tourner vers lui et disons-lui avec confiance : Seigneur, « Me voici, envoie-moi »
Amen.