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Qui est mon proche-un ?

Prédication du dimanche 9 février 2025, par la pasteure Sophie Ollier

 

Qui est mon proche-un ?

Prédication du dimanche 9 février 2025, par la pasteure Sophie Ollier

 

Lecture biblique : Luc 10, versets 25 à 37

 

 

Des questions me sont venues ces dernières semaines, en discutant avec des paroissiens, en écoutant les infos, en me baladant sur les réseaux sociaux. 

Je ne sais pas si c’est l’accumulation des informations ces derniers temps, ou s’il y a une véritable explosion de violence dans notre monde aujourd’hui. Une bonne question pour un dimanche ! Je ne sais pas si nous pointons particulièrement le curseur sur les faits de violence ou si ces actes explosent de toute part. Je ne sais pas si cette violence de plus en plus quotidienne voire ordinaire a toujours été, et qu’on s’en rend compte seulement avec l’information en continue sur nos télés, nos radios, nos smartphones et les divers réseaux sociaux. Et je ne parle pas des commentaires, des insultes faciles, de l’individualisme et des réactions à chaud. Alors je ne sais pas comment réagir.

Ce que je sais c’est que cela m’interroge.

Cela m’interpelle de regarder cette violence au quotidien, où on en vient à être habitués. On regarde et on passe à autre chose. Et parfois on justifie cette violence, en justifiant la haine de l’autre, le rejet et l’exclusion.

Alors ce texte du bon samaritain m’est venu en tête! Un texte qui, quand on le lit, on se dit « ha oui, cet homme est bien, et ceux qui sont passés sans agir sont nuls ! Moi je me serais arrêté ». Et pourtant, au quotidien, on ne s’arrête pas, ou peu.

Et j’aimerais aborder avec vous cette fameuse question que pose le spécialiste de la loi à Jésus : Qui est mon prochain ? Il semblerait que notre monde ai besoin de se reposer la question.

Dans cette parabole nous avons l’homme blessé, un prêtre et un lévite qui passent sans s’arrêter, et ce fameux samaritain, un voyageur comme on nous le dit, qui se laisse perturber dans son programme pour se pencher sur l’homme en détresse !

Le samaritain n’est pas un secouriste, il n’est pas en quête continuelle de blessés à soigner. Il n’est pas à la poursuite d’une bonne action possible à faire. C’est simplement un homme comme nous tous, qui vient de quelque part, qui avait des projets pour la suite, et qui s’est arrêté ! Il s’est fait proche d’un homme !

Souvent quand on parle du prochain, on se place au centre du monde et les autres gravitent autour de nous. Les prochains sont ces autres qu’on rencontrerait et qui auraient besoin de notre aide ! Nous pensons alors tout de suite à ce que nous devons faire pour notre prochain : l’aimer, l’aider, le consoler, l’accompagner… et que sais-je ?!  

Et cette question, encore et toujours : « qui, spécifiquement, est mon prochain ? ».

Ce prochain n’est jamais vraiment bien définit. Et tous nous avons une définition du prochain, peut-être différente. Le spécialiste de la loi attendait certainement de la part de Jésus une définition claire ! Et si par cette parabole que raconte Jésus, il nous montrait qu’en fait il n’y a aucune définition ?

Une définition cadre les choses, elle cloisonne. Une définition exclue toutes celles et ceux qui ne répondent pas à la bonne définition mais aussi enferme toutes celles et ceux qui croient correspondre à cette définition.

Attendre une définition du prochain est facile. Cela permet de ne pas se poser de question. D’aller là où l’on nous dit. Vers celles et ceux qui seraient « les bons prochains ».

Si je vous donnais aujourd’hui une définition de l’être humain… certains s’y retrouveraient, et d’autres non. Si je donnais une définition du bonheur, certains s’y retrouveraient et d’autres non. Si je donnais une définition de l’identité française, certains s’y retrouveraient et d’autres non.

C’est là où Jésus intervient pour décentrer notre regard. Il nous rappelle qu’il nous faut commencer par ne pas cloisonner.

Il est impossible de savoir par avance qui sera et qui ne sera pas mon prochain. Le prochain est toujours quelqu’un de précis et d’unique, ce n’est pas une globalité ! Le prochain c’est quand on se rend proche d’un être, proche d’un. Proche-un ! Et la relation qu’on aura avec lui sera toujours précise et unique, sera le temps d’un échange, d’une rencontre !

Il n’y aura jamais deux histoires identiques, deux prochains identiques, deux amours identiques. Il n’y a pas UNE façon de se rendre proche d’un ! Notre vie est tissée de multiples prochains dont on s’est rendu proche différemment !

Le prochain est donc quelqu’un de très précis tout en étant n’importe qui. Il va d’une certaine manière traverser notre chemin, notre histoire dans un temps précis.

Et c’est ce qui est difficile pour le spécialiste de la loi, qui ne laisse aucune place à cet inattendu. Pour qui tout est réglé d’avance. Il veut savoir qui exactement, quand, comment !

Pourtant, le prochain c’est souvent l’inattendu, l’imprévisible. Il va être celui qui nous dérange, celui qui bouleverse notre chemin, nos projets, notre histoire. Celui qu’on n’attendait pas sur le bord de la route et qui pourtant est là !

On pourrait parler de « déterminisme », j’étais destiné à rencontrer telle ou telle personne ! Peut-être… mais où serait alors notre liberté, ce libre-arbitre que Dieu a mis entre nos mains ? Si je n’avais pas cette liberté-là dans l’inattendu de la rencontre, je ne serai pas libre de choisir ou de refuser de rencontrer ce prochain, de l’aimer ou de passer outre !

Dans cet inattendu-là, c’est à nous d’ouvrir les yeux, de voir, de découvrir, d’avoir un regard assez ouvert et disponible pour l’autre !

L’autre, celui qui, en face de nous, est porteur d’un peu de ce Dieu qui se rend présent dans nos vies. Ce n’est pas un déterminisme magique où Dieu tend le doigt et dit « aide-le » et hop je l’aide, c’est un hasard humain où Dieu nous offre le prochain à chaque instant, il nous offre la possibilité d’être proche d’un être pour un temps et nous, nous faisons le pas vers !

Et la réponse du Christ à ceci revient à peu près à dire : « Si tu attends de savoir qui sera ton prochain, il est probable que tu n’en trouveras jamais. Alors au lieu de te poser tant de questions, mets-toi en route, deviens toi-même un prochain. » C’est ce que fait le Samaritain, c’est lui qui devient le prochain de l’homme blessé.

Parce que oui, si l’autre est mon prochain, je suis également le sien ! Si je me rends proche d’un, je suis aussi le un dont il se rend proche.

Et en disant cela nous pourrions rapidement tomber dans le travers de montrer le prêtre et le lévite du doigt, ce que l’autre n’a pas fait. Mais cette action découle simplement de leur obéissance à la loi. Selon la loi il est interdit de toucher un mort. La loi ordonne, et eux obéissent sans se poser de question. L’inattendu n’a plus sa place. Retrouver le sens de la loi par la foi, voilà ce que fait généralement Jésus. Sans montrer du doigt il replace la loi au bon endroit.

Cette loi, cette morale qui, en refusant l’exception, l’inattendu, la possibilité de la discussion, réduit l’humain à ne pas être un prochain.

C’est en ça qu’aujourd’hui Jésus nous interpelle à travers le personnage du Samaritain. Pour le Samaritain face à cette situation, il sait que maintenant, à cet instant T, la loi n’a plus la parole : il faut agir. A ce moment-là il y a plus (+) que la loi, il y a l’humain, le prochain ! Ca me fait penser au délit de solidarité. Quand la loi transforme l’humain en objet, à nous de replacer l’humain au centre.

Avec le Samaritain il y a une rencontre, un face à face ou toute frontière de classe, d’origine, d’hérétique ou d’orthodoxe, de couleur, toutes ces frontières sont abolies… mais où l’amour du prochain se joue. Un amour qui se libère du dogme pour se vivre, un amour qui n’analyse pas, ne présuppose pas ou ne juge pas avant d’entrer en relation.

Cependant, il ne suffit pas simplement de s’approcher pour qu’il y ait prochain.

C’est une rencontre, c’est un moment ! Ce moment où tu te dis « Ok j’y vais, je provoque le dialogue, j’ose. J’ose la rencontre avec celui ou celle qui me semble différent, j’ose la rencontre avec ce qu’on m’a dit qui était différent. J’ose briser la folie de la violence quotidienne par du lien, par de la non-peur, par de l’humain ».

Et cet amour a pour début bien souvent de casser sa route, ses projets, son avenir pour adopter, pour un temps, les pas et la route d’un autre.

Jésus ne nous invite pas à nous oublier tel que nous sommes en tant qu’être. Puisque c’est ce que nous sommes. Mais à dévier du chemin pendant un temps que nous nous étions fixés pour y revenir changé, décentré de nous-même, grandit.

Il y aura toujours des individus qui auront besoin d’autres individus.

Ce n’est pas toujours évident. Mais le Christ nous dit bien, avec ce Samaritain, qu’il y a quelque chose à vivre là, pas en surplombant ou en présupposant, mais en rencontrant.

Tout comme Jésus nous rappelle, encore et encore, l’esprit de ce qu’on a à vivre plutôt que de nous cantonner à ce qu’on nous dit, à nous de retrouver comment se rendre proche d’un pour se rendre proche de tous et proche de ce Dieu qui nous offre de lui à travers l’autre.

Car le prochain, ne s’explique pas, ne s’étudie pas, ne se dessine pas : il se vit, il s’ose.

Alors, ce dimanche et pour tous les jours, le Christ nous donne dans cette histoire une liberté gigantesque.

Une liberté où il laisse à chacun et chacune le soin de répondre à la question : « qui est mon prochain, de quel un je me rends proche et qui me décentre ? »

Nous sommes chacun et chacune invités à y répondre sans autre critère que l’inattendu de Dieu. C’est à dire l’absence totales de critères.

Il nous invite à comprendre qu’il y a des moments de vie où plus aucun texte n’est valable. Le moment où il faut oser dévier du tout tracé.

Pour qu’il y ait un proche-un, il en faut toujours deux. Je n’aurai de proche-un que si je deviens le sien. Je ne trouverai jamais de proche-un, si je n’accepte pas d’abord de devenir le sien.

Pour finir je ne peux que reprendre les paroles du Christ : « Va et toi aussi, fais de même ! »

Amen