Qui t'a dit que... ?
Qui t’a dit que… ?
Prédication du dimanche 16 juin 2024, par la Pasteure Sophie Ollier
Lectures bibliques :
- Genèse 3, versets 9 à 15
- Marc 3, versets 20 à 35
Pour commencer cette prédication, j’aimerais vous parler de comment on choisit un texte pour prêcher le dimanche : soit on choisit un sujet qui nous parle et on trouve un texte correspondant, soit on se laisse rejoindre dans la semaine par quelque chose, soit on regarde le texte du jour et on prêche dessus ! A Pentemont-Luxembourg, la majorité du temps, c’est cette dernière option ! Alors il y a quelques semaines j’ai regardé les textes du jour du dimanche… 9 juin ! Sans avoir mon agenda sous les yeux j’étais convaincue que c’étaient les textes du jour ! Et en les lisant j’ai écrit 3 pages de ce que ça m’inspirait… Mais il semblerait qu’on soit le 16 juin… Et alors ? Christian n’ayant pas prêché dessus la semaine dernière… Libre sommes-nous de nous attaquer à ces textes ! Sûrement que Dieu fait bien les choses, même des semaines à l’avance…
Deux questions m’ont sautées aux yeux lorsque j’ai lu ces textes de la Genèse et de Marc : Qui t’a dit que tu étais nu ? Qui est mon frère et qui est ma mère ? Et nombres d’autres questions arrivent car ces textes en sont remplis.
Déjà ça m’avait parlé il y a 3 semaines, mais d’autant plus depuis 7 jours !
Dans le texte de la Genèse nous sommes juste après qu’Eve et Adam ait mangé du fruit de l’arbre qui était au milieu du jardin que Dieu leur avait défendu de manger, poussés par le serpent qui a pris le contrepied de la Parole de Dieu !
Une situation, une tentation et ils ont succombé !
Ces questions que posent Dieu au début de la Genèse et du début de l’humanité sont essentielles !
Qui t’a dit que tu étais nu ?
Aurais-tu mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ?
Pourquoi as-tu fait cela ?
Ce sont là des questions qui habitent nos vies ! Qui t’a dit que ? Aurais-tu fait telle ou telle chose ? Pourquoi as-tu fait cela ?
Là se pose les questions de notre rapport à l’autre ! Qui m’influence ? Ce que cela produit en moi et enfin, mon action envers l’autre !
Dans notre époque, nous sommes sans cesse influencés, avec des paroles en continue qui nous disent tout et son contraire, des paroles qui engagent, des paroles qui tuent, des paroles qui révoltent, des paroles d’accusation, des paroles qui nous disent que… Et ces paroles ont un impact sur nos choix, nos actions, notre être au monde ! Qui t’a dit que tu étais en danger ? Qui t’a dit que tu n’avais rien ? Qui t’a dit que donner des droits aux autres t’enlevaient les tiens ? Qui t’a dit que telle ou telle personne était un danger à cause de sa couleur de peau, de sa religion, de sa sexualité, de sa manière de s’habiller ou que sais-je ? Qui t’a dit que… ?
Nous nous mettons à l’écoute des affirmations données dans le quotidien, mais nous mettons-nous à l’écoute des questions de Dieu, de cette Parole-là dont nous nous réclamons ? Ces questions, Dieu ne cessent pas de nous les poser à nous encore aujourd’hui ! Il y en a même d’autres qui arrivent à peine quelques versets après le chapitre 3 de la Genèse : Pourquoi es-tu fâché ? Pourquoi es-tu renfrogné ? Qu’as-tu fait de ton frère ? Ce sont les questions que Dieu pose à Caïn après qu’il a tué son frère Abel !
La peur, la colère, l’angoisse !! N’est-ce pas ce qui anime aujourd’hui nos débats, nos vies, notre quotidien ? La peur de la perte… de quoi ? La colère… contre qui ? Contre quoi ? L’angoisse face à quelle situation ? Mais aussi, qu’as-tu fait de ton frère dans cette situation ?
Il ne s’agit pas ici de nier les difficultés que peuvent rencontrer les uns et les autres dans leur quotidien, des difficultés émotionnelles, économiques, familiales, de repères… Il s’agit ici de questionner notre réaction à ces difficultés et bien sûr notre rapport à l’autre ! Qu’as-tu fait de ton frère ?
Et si ce n’était pas déjà assez, voilà que Dieu nous rajoute encore une question : qui est mon frère ? Qui est ma mère ? A travers la bouche de Jésus.
Dieu nous renvoie ici à notre humanité et aux conséquences de ce qu’on fait ! Ce n’est pas pour culpabiliser, c’est une réalité.
Ce que l’on fait
Pourquoi on le fait
A qui on le fait
Les conséquences
Ce que je fais a un impact pour les autres autour de moi et pour celles et ceux qui nous suivront. Nous le voyons dans le texte de la Genèse, l’action d’Adam et Eve a amené des conséquences pour leur descendance !
Alors pour nous cette question : qui est mon frère qui est ma mère ? Est-ce celui qui me ressemble ? Qui t’a dit ça ? Est-ce celui qui pense comme moi ? Qui t’a dit ça ? Est-ce celui qui croit comme moi ? Qui t’a dit ça ? Est-ce que Jésus n’était qu’avec des gens comme lui ? On n’en sait rien, une grande foule était là dans ce passage de l’Evangile où il désigne ceux qui sont autour de lui comme son frère, sa sœur ! Ceux qui font la volonté de son Père, nous y reviendrons.
Ce qu’on peut voir dans tous les Evangiles c’est la diversité des rencontres, des partages, et la même humanité et le même cœur avec lesquels il s’approche de chacun. Tout son ministère témoigne de ça !
En parlant de cœur justement, cette semaine j’ai regardé quelque chose qui m’a bien parlé ! Pas de jugements s’il vous plait, chacun se détend comme il peut dans des situations tendues comme celles d’aujourd’hui ! Bon, cette semaine j’ai regardé un Disney ! Vaiana, qui connaît ? Bref, pour la faire courte, dans ce dessin animé on a volé le cœur de Tefiti, la déesse de la nature et le but est de lui rendre, mais voilà, ils sont bloqués par un monstre de lave destructeur ! Jusqu’à ce qu’on se rende compte que celle à qui on a enlevé le cœur est devenue le monstre de lave, la source de destruction ! Quand on enlève le cœur on devient source de destruction.
Notre cœur, pour nous les chrétiens dans ce monde c’est Dieu, ce Dieu d’amour, d’accueil sans conditions, ce Dieu qui produit la vie et met ce monde entre nos mains.
Et je me suis demandé, si on enlève Dieu, son appel à l’amour de l’autre, à l’accueil, à la fraternité, à l’espérance, si on enlève ce Dieu là de nos vies, quelle destruction pourrions-nous provoquer ?
Pourquoi as-tu fait ça ? Est-ce parce que ton cœur n’est plus là ? Notre cœur ce n’est pas la religion, la tradition, l’identité, la couleur de peau, l’origine, c’est Dieu, c’est son amour, c’est l’espérance, cette conviction que la bonté que Dieu a mis dans sa création existe et continuera à exister par nous !
Qui t’a dit que… ?
Qu’as-tu fait de ton frère ?
Qui est ton frère, ta sœur, ta mère ?
Toutes ces questions qui nous sont posées par Dieu aujourd’hui nous semblent peut-être lointaines et en même temps on sent combien elles sont devenues essentielles aujourd’hui, combien elles sont bouleversantes pour ce monde, combien elles nous obligent à être dans ce monde et à parler, à oser poser ces questions, et à oser y répondre !
Parce que le pire face aux paroles qui tuent, face aux besoins de trouver un coupable, comme Adam et Eve dans la Genèse, face à la violence qui augmente, face à la légitimation de la haine et du rejet, le pire serait notre silence !
Si Dieu pose des questions c’est qu’il attend de notre part une réponse !
Notre silence ! Même si des voix s’élèvent, combien d’entre nous restent silencieux, détournent les yeux ?! Nous entendons les cris, mais le silence est bien plus assourdissant ! Il ne s’agit pas ici de prendre les armes et de répondre à la violence par la violence, Jésus le dit dans le texte de Marc « Comment Satan peut-il chasser Satan ? », mais il s’agit de désarmer la violence, déjà dans notre quotidien !
Martin Luther King définit la non-violence comme une arme faite d'amour, une épée qui guérit. Facile de parler d'amour, mais nous ne sommes pas dans un monde de bisounours alors que veut-il dire ? Nous parlons bien-là de l’Agapé, l’amour que Jésus place au-dessus de tous les autres, cette bonté envers l’autre qui englobe le fait que celui qui est en face de moi est comme moi pour la SEULE raison qu’il est un être humain, pour la très bonne raison qu’il est mon frère, ma sœur ! Il ira même plus loin dans un autre passage, il dira que ce que nous avons fait ou ce que nous n’avons pas fait au plus petit, à celui qui souffre, qui est en détresse, c’est à lui que nous l’avons fait ou que nous ne l’avons pas fait !
Comment ne pas aimer ce que je suis par essence ?
Pourquoi, aujourd’hui, sommes-nous incapables d'aimer celui qui est en face de nous, de reconnaitre simplement qu’il est un être humain ? Pourquoi, aujourd’hui, l’amour de l’autre passe-t-il par un bout de papier qui le définit ou non comme être humain ? Tout aujourd’hui est sujet de rejet : religion, sexualité, parti politique, niveau social, couleur de peau ! Pourquoi continuons-nous, encore et toujours, à définir notre prochain par la seule identité que nous voulons lui donner ?
Finalement, la violence apparait lorsque je ne reconnais pas l’autre pour ce qu’il est mais que je ne le vois qu’à travers la lentille que je veux ! Nous ne le reconnaissons pas comme un frère ou une sœur qui aurait un lien avec moi, d’une manière ou d’une autre, mais on reconnait l’autre à travers la seule identité que nous voulons lui donner !
Nous ne pouvons pas répondre à la violence par le silence ! Dieu nous questionne, à nous de répondre, de répondre par ce que Dieu nous invite à vivre !
Répondre à la violence par la non-violence, répondre à l’intolérance par l’amour, répondre à l’exclusion par l’accueil, répondre au non-droit par l’ouverture universelle, répondre à la peur par l’espérance. Voilà la volonté du Père que le Christ nous a transmise !
En vérité, c’est simplement tourner son regard vers l’autre comme je souhaiterais que l’on me regarde. Dans un de ses combats pour les éboueurs de Memphis, Martin Luther King questionne :
La question n’est pas : si je m’arrête pour aider ces hommes dans le besoin, que va-t-il m’arriver ? Elle est plutôt : si je ne m’arrête pas pour aider les éboueurs, que va-t-il leur arriver ?
N’est-elle pas brulante de vérité cette question pour nous aujourd’hui, en ce mois de juin 2024 où nous cherchons des réponses à la violence en nous fermant à l’entraide : ce n’est pas ce qu’il va m’arriver mais bien ce qui peut leur arriver.
Emmanuelle Seyboldt, la présidente de l’Eglise Protestante Unie de France a transmis un communiqué de presse, je laisserai à chacun et ceux qui le souhaitent le lire, il est sur internet, mais je souhaite vous citer quelques passages : « Dans la fidélité à l’Évangile du Christ crucifié et ressuscité, nous redisons que chaque personne humaine est reconnue digne… C’est de reconnaissance que l’être humain a besoin, d’estime et d’attention, et non de mépris, de rejet et d’humiliation… Toujours nous confessons que Dieu aime le monde. Cet amour nous conduit à résister à tout ce qui défigure l’être humain. Nous résisterons aujourd’hui et demain, pour la vie, pour la joie, par l’espérance. En Christ est notre assurance. »
A nous aujourd’hui de nous lever, de sortir de nos silences et d’entendre ces questions que Dieu nous pose : qui t’a dit que ? Qu’as-tu fait de ton frère ? Qui est ton frère, ta sœur et ta mère ?
En nous mettant d’abord à l’écoute de Dieu, reconnaissant que notre cœur c’est Lui, si demain on nous demande ce qu’on a fait de notre frère, de notre sœur, de notre mère, on pourra répondre que nous l’avons aimé, sans condition ! Et quand on nous demandera : Qui t’a dit que tu pouvais aimer sans condition ? On répondra : Le Dieu de l’espérance !
Amen !
Sophie Ollier