"Faire corps tous ensemble" par le Pasteur Andreas Lof — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg
Menu
Navigation

"Faire corps tous ensemble" par le Pasteur Andreas Lof

Prédication du dimanche 29 mars 2020

Lectures bibliques : 1 Corinthiens 12, 12 à 26

 

Chers frères et sœurs en Christ, chers amis,

Nous venons de lire et d'entendre ce texte de l'apôtre Paul. C'est un extrait de sa première lettre aux chrétiens de Corinthe en Grèce. Quelques années auparavant Paul avait fondé cette communauté chrétienne, au cours de son premier voyage missionnaire en Europe. Corinthe était à cette époque une grande ville très cosmopolite au sein de l'Empire Romain, port important entre l'Occident et l’Orient, où se vivait un métissage étonnant de peuples et de cultures. La vie économique et sociale y était très dense et intense avec des différences sociales importantes, riches et pauvres s'y côtoyaient, comme les différentes religions et dieux de l'époque. La communauté chrétienne qui venait de naître était traversée par toute cette diversité sociale, culturelle  et économique et même sa vie spirituelle, très fervente mais peu structurée, allait un peu dans tous les sens, ce qui était devenue source de tension entre ces chrétiens, tous des jeunes convertis. Paul y fait à plusieurs reprises des allusions dans sa lettre.

C'est dans ce contexte, en invitant les chrétiens de Corinthe à réfléchir sur leur vie commune et les liens qu'ils vivaient désormais par leur foi commune en Christ, que Paul va développer une de ses idées la plus originale et innovatrice: il va utiliser l'image du corps humain pour parler de leur vie commune et nouvelle dans le Christ.

 

Chers amis,

Je propose ce matin de méditer cette idée de l'apôtre Paul de voir le corps humain comme une métaphore pour parler de la vie collective des hommes. Je sais bien qu'il pense d'abord à la vie de l'église, du corps du Christ, en parlant ainsi, j'en parlerais un peu plus tard, mais il me semble que son idée s'applique aussi à toute vie en société, à toute société humaine. Et qu'elle a des choses à nous dire dans la crise sanitaire et sociétale que nous traversons tous ensemble dû au Coronavirus et sa propagation, si virulente et si rapide au sein de la population.

 Nous étions habitués à vivre, penser et agir d'abord comme des individus, dans le cadre d'une société qui favorise cette liberté et individualisme de mille façons.

 Et voilà   que la crise sanitaire que nous vivons nous invite à nous voir tout à coup aussi comme un corps où nous sommes tous profondément liés les uns aux autres, dépendants des autres, responsables vis-à-vis les autres, partageant un même combat, une même épreuve, les mêmes inquiétudes et  aussi les même espérances d'arriver au bout de ce tunnel, au bout du cauchemar.

Avec son image du corps humain pour parler de notre vie commune Paul nous rappelle que nous sommes bien plus que des individus chacun dans son coin et sur sa trajectoire de vie personnelle. Nous sommes liés les uns aux autres, dépendants les uns les autres dans tous les domaines de la vie. Comme dans le corps humain tous les éléments du corps sont liés les uns aux autres et tous utiles au fonctionnement de l'ensemble du corps.

Il y a dans cette idée quelque chose de tout à fait paradoxale!

Parce que rien n'est plus individuel que le corps. Un corps appartient toujours à quelqu'un et à personne d'autre. Il est plus que lié à ma personne: il est ma personne. C'est à travers mon corps que je vis, que je suis présent aux autres, que je ressens le monde autour de moi et en moi, que je ressens joie et souffrance, maladie et santé. C'est donc justement à travers mon corps que je vis comme un individu et que je vis mon individualité en rapport aux autres.

Et voilà que Paul applique cette notion du corps, si lié à notre individualité au 'nous ' de notre collectivité. Nous sommes ensemble comme un corps vivant. Parce que nous sommes liés les uns aux autres d'une manière vitale et organique comme dans un corps. Nous dépendons tous des autres pour le bon fonctionnement  de notre vie, jusque dans les moindres détails de notre vie quotidienne.

Ce sont bien les autres qui font du pain pour moi et ma famille! Ce sont bien d'autres qui ont façonné mes vêtements! Ce sont bien d'autres qui ont construit la maison où je vis où l'ordinateur sur lequel je travaille ou les lunettes sur mon nez! Chaque jour j'ai besoin des autres et de leur travail  pour vivre et travailler, pour me nourrir et me déplacer.

Et Paul d'écrire: "l'œil ne peut donc pas dire à la main je n'ai pas besoin de toi!" et la tête ne peut pas dire non plus  aux pieds Je n'ai pas besoin de vous" Bien au contraire les parties du corps qui semble  les plus faibles sont indispensables et nous devrons les honorer autant".

Dans la crise que nous vivons actuellement nous sommes  bien et bel renvoyés à cette réalité que nous formons, que nous sommes, un corps tous ensemble. Il y a ceux qui continuent de faire notre pain quotidien, qui travaillent à faire fonctionner nos supermarchés, qui transportent des marchandises dans leur camion. Il y a la ou le caissière du super marché et il y a  les éboueurs qui viennent vider nos poubelles. Et cela malgré les risques de contamination qu'ils peuvent courir sur leur lieu de travail.

Nous leur devons le bon fonctionnement de la société en temps normal, mais nous leur devons bien davantage encore dans ce temps de crise. Paul invite à honorer et entourer avec soins les éléments du corps les plus modestes et souvent négligés, mais aussi nécessaires pour le bon fonctionnement de l'ensemble du corps. Puisse notre société s'en rappeler une fois cette crise surmontés et mieux reconnaitre le travail et l'engagement de tant d'hommes et de femmes qui parfois par un travail ingrat et peu estimé font fonctionner la société!

Une évidence s'est imposée ces dernières semaines, face au coronavirus nous devons 'faire corps ensemble ' comme dit l'expression commune. Expression un peu paradoxale au moment où nos corps sont invités à créer une distance les uns aux autres, à appliquer des gestes barrière entre nous! Mais ce n'est pas tant les corps mais nos esprits qui doivent faire corps: dans une même volonté, une même détermination, pour finir au bout de ce virus.

 'Faire corps ensemble' c'est ce que vivent actuellement jour et nuit toutes ces équipes mobilisés dans nos hôpitaux, qui se battent jour en nuit jusqu'aux limites de leurs forces pour sauver des vies. Les applaudissements de soutien et de reconnaissance à 20h partout dans le pays c'est bien une manière spontanée, belle et collective pour dire que 'nous faisons corps' avec eux et tous les autres sur le terrain, qui sont en première ligne de ce combat contre le virus.

En tant qu'église à notre niveau nous avons créé une chaine téléphonique pour contacter des personnes âgées ou isolées, des personnes seules, éprouvés plus que d'autres dans ce temps de confinement. Un peu partout en France se sont mis en place des actions de solidarités concrètes avec une créativité qui est étonnante et belle! Et les églises ne sont pas en retrait. Elles sont des lieux où la vision de Paul a toujours cherché à se réaliser, à se concrétiser, tant bien que mal avec nos forces et nos faiblesses: être ensemble un corps vivant, fraternel et solidaire, animée par un même esprit celui du Christ et non pas seulement un ensemble d'individualités.

Je reviens une dernière fois à Paul. Nous ne voulons pas oublier que le propos de Paul sur le corps que nous formons ensemble s'adresse d'abord à l'église, à la communauté chrétienne. Il dit aux chrétiens de Corinthe : vous formez un même corps parce que vous avez tous été unis au Christ par le baptême. Et par ce baptême vous avez reçu un même esprit, l'Esprit du Christ.

Les chrétiens sont tous unis par le Christ. Mais cela veut dire aussi que le Christ est uni à chacun de nous, là où nous sommes, confiné chez nous, séparé les uns les autres dans ce dimanche matin où normalement nous nous retrouvons dans nos églises et nos temples. Voilà ce qui est aussi à méditer dans notre situation si singulière et inédite.

Une chose très simple, mais en même temps si profonde: nous ne sommes pas église par notre présence physique au culte ou les uns auprès des autres: c'est le Christ  qui se rend présent à chacun de nous, là où nous vivons, et qui créé notre communion les uns avec les autres. Et par cette communion avec le Christ nous formons un seul corps, le corps du Christ. Notre séparation physique  de frères et sœurs chrétiens, liée au confinement actuel, nous renvoie à ce qui est le fondement et l'essence même de la vie d'église: le Christ qui nous lie les uns aux autres et qui est auprès de chacun de nous.

Cela nous renvoie au cœur de notre foi chrétienne: la foi que le Christ est celui qui est vivant, auprès de Dieu et auprès de chacun de nous. Lui, le ressuscité, parce qu'il est ressuscité,  est capable de se rendre présent auprès de chacun de nous, là où nous sommes.

Non, Le Christ, lui, il n'est pas confiné! Il est celui qui est sorti du tombeau le jour de Pâques et depuis il se rend présent aux hommes, là où ils sont et dans ce qu'ils traversent. Hier comme aujourd'hui et demain encore. Pour vous, pour moi, pour les autres. Parce que à travers lui, en lui,  Dieu nous tend la main, Dieu lui-même nous rejoint, nous sauve et nous garde dans son amour et nous donne la force de Son esprit bien plus grande et profonde que nos forces humaines! Comme dit Paul dans son épître aux Romains : "rien peut nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, aucun pouvoir de ce monde,  et même pas la mort"

C'est lui le Ressuscité  qui nous rejoint tous pour être avec chacun de nous aujourd'hui là où vous êtes, confiné, seul ou à plusieurs, tranquille ou angoissés, inquiet ou confiant, en bonne santé ou avec des symptômes: vous n'êtes pas abandonné de Dieu, ni de son Christ, ni de son corps qui est l'église , la communauté chrétienne avec laquelle vous êtes en communion maintenant et demain aussi par l'Esprit et la Parole de Dieu et par la prière qui nous unit, ou encore les coups de téléphone…..

 Le Christ vivant rejoint chacun de nous comme il a rejoint jadis  les hommes et femmes et enfants juifs de Galilée. Il est réceptif et attentif à tout ce que nous vivons,  aussi dans notre corps, à nos épreuves physiques ou psychiques. Nous savons tous comment le Christ a mené le combat contre ce qui menaçait l'intégrité du corps de l'homme, en guérissant les malades, en accueillant les fatigués, en remettant débout les boiteux, en relevant les découragés. C'est bien le même Christ, qui est à côté de chacun pour nous offrir sa présence et communion réconfortante et bienfaisante et fidèle dans ce que nous traversons personnellement et collectivement.

Oui "rien peut nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ".

Que nous trouvons chacun et chacune la force et la paix dans cette certitude

Dans les jours et semaines à venir,

Liés les uns aux autres dans le Christ, dans un même corps, malgré notre séparation physique,

Notre communion est entière en Lui

Et notre communion avec Dieu aussi!

AMEN