En Christ, du rêve à la réalité — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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En Christ, du rêve à la réalité

Prédication du dimanche 17 décembre 2017, culte « Noël avec les enfants ». Prédication à deux voix des pasteurs Christian Baccuet (CB) et Andreas Lof (ALo)

Lectures :

  • Luc 2, 8-14
  • Marc 4, 30-32

 

Avant la prédication, les enfants de l’école biblique ont joué le « conte des trois arbres » ; le texte de ce conte figure ci-dessous, après le texte de la prédication.

 

 

CB – Andreas, tu en as pensé quoi de ce conte de Noël des 3 arbres ?

ALo - Moi j’ai trouvé ça très bien, voir dans le temple nos enfants heureux de partager ce qu’ils ont préparé pour la fête de Noël, quel bonheur ! Et toi, Christian, qu’est-ce que tu en as pensé ?

CB – J’ai trouvé que c’était émouvant. Et puis ce conte est beau, qui parle des rêves que les arbres faisaient quand ils étaient dans la forêt. Dis, quand tu étais petit, tu rêvais de quoi pour ta vie, tu avais envie de devenir quoi ?

ALo - Petit, je rêvais de devenir musicien ou professeur de lettres… pasteur aussi. Et toi ?

CB - Moi, je rêvais de devenir comédien, guitariste de rock ou instituteur… pasteur aussi ! C’est beau quand on est petit, de rêver sa vie à venir… Tu crois que les gens rêvent à quoi ?

ALo – Peut-être à l’argent, la beauté, des exploits, la célébrité…. On pourrait demander à chacune des personnes présentes dans ce temple. Chacun pourrait se rappeler quels étaient ses rêves d’enfant ou de jeune, et où il en est aujourd’hui. Bon, on ne peut pas maintenant parce que cela prendrait trop de temps.

CB - Et puis c’est une question difficile, de demander à quelqu’un de quoi il rêvait, parce qu’on peut être déçu des rêves que l’on n’a pas réalisés. Cela peut être douloureux. La vie est parfois si loin de ce que l’on en rêvait. Comme dans le conte, quand les arbres commencent par être déçus de ce qu’ils sont devenus. Celui qui voulait devenir le plus beau coffre à trésor du monde devient une mangeoire remplie de foin, celui qui voulait être le plus beau bateau du monde devient une petite barque de pêcheurs, celui qui voulait être le plus grand arbre du monde devient des poutres empilées au fond d’une cour…

ALo - C’est peut-être pour cela que l’on n’ose pas trop rêver. Par peur d’être déçu. Il y a eu une enquête il y a 3 ans pour savoir à quoi rêvaient les adultes, en France. Résultat : pas la célébrité, ni accomplir des exploits, ni changer le monde, ni être un exemple de courage ou de générosité (7 % seulement pour chacun de ces rêves), mais avoir une belle maison (62 %), être à l’abri du besoin (54 %), être entouré de ses proches (38 %).

CB - En pensant à ça, je me demande comment la réalité influe sur ce que nous nous autorisons à rêver. Les rêves de notre enfance ? Mais on risque tellement d’être déçus que nous préférons les oublier, on a peur du réveil brutal, du découragement, de la réalité trop loin de nos espoirs. Alors on préfère penser à quelque chose de plus simple, à portée de la main, avec prudence. C’est une forme de sagesse et de sobriété, cela peut aussi être une perte d’élan, l’oubli d’un horizon d’espérance. Dilemme : un rêve inaccessible ou un projet modeste ? Le risque de passer pour un doux rêveur de son existence, ou celui de devenir un simple planificateur de sa vie ?

ALo - D’où l’expression terrible : « on peut toujours rêver ! »

CB - Et pourtant c’est important de toujours rêver, de voir plus loin que son quotidien. Moi, par exemple, mon rêve fondamental, c’est de vivre heureux dans un monde en paix.

ALo - Moi c’est l’inverse, c’est de vivre en paix dans un monde heureux !

CB - J’espère qu’on pourra le vivre, ce rêve. Mais, au fond, c’est quoi, réaliser un rêve ? Aller au bout d’une ambition ou se laisser surprendre, déplacer, étonner ?

ALo - C’est ce que raconte le conte que les enfants nous ont présenté. L’arbre qui rêvait de devenir le plus beau coffre à trésor du monde devient la  mangeoire dans laquelle le bébé Jésus est déposé. L’arbre qui rêvait de devenir le plus beau bateau du monde devient la barque dans laquelle se trouvent les disciples de Jésus et Jésus qui apaise la tempête. L’arbre qui rêvait d’être le plus grand arbre du monde devient la croix, signe de la mort et de la résurrection de Jésus. Leur rêve d’ambition est déplacé. Dans un premier temps, il paraît même détruit. Mais il se réalise d’une manière toute nouvelle, merveilleuse.

CB - Ce qui me frappe, c’est que Jésus est au centre de la réalisation de leur rêve : le bébé dans la crèche, l’homme dans la barque, le crucifié. Jésus bébé, c’est Dieu qui nous rejoint dans notre humanité – l’incarnation. Jésus qui apaise la tempête, c’est Dieu qui donne paix à nos vies agitées – le sauveur. Jésus crucifié et ressuscité, c’est Dieu qui ouvre des horizons d’espérance – le Royaume. Si les arbres du conte sont participants de la révélation de Dieu, ce n’est pas parce qu’ils sont exceptionnels. C’est parce qu’ils sont disponibles à Dieu, qu’ils l’accueillent en eux.

ALo - Je crois que pour vraiment vivre en paix dans un monde heureux, il faut se laisser habiter par Dieu, lui faire de la place en nous.

CB - Je dirais même plus : pour vraiment vivre heureux dans un monde en paix, il faut laisser Dieu germer en nous, porter les fruits qu’il met en nous.

ALo - Etre disponible à Dieu, c’est parfois accepter que les rêves que l’on a eus ne se sont pas réalisés comme on l’aurait voulu mais que, si notre vie est habitée par l’Evangile, ce que nous vivons est lieu de foi, d’amour et d’espérance.

CB - Mieux encore, que nous pouvons déjà commencer à partager ce que l’Evangile nous donne de vivre. Devenir témoins de cette foi, de cet amour, de cette espérance, afin que d’autres que nous puissent partager la même joie.

ALo - A propos de rêve, je pense à quelqu’un. On a célébré en cette année 2017 les 500 ans de la réforme de Martin Luther. En 2018, nous allons faire mémoire de l’assassinat, il y a 50 ans, d’un pasteur américain qui portait comme prénom le nom du réformateur : de Martin Luther King.

CB - Dans un pays de ségrégation raciale, soumis à des lois qui séparaient les blancs et les noirs et ne donnaient pas à ces derniers les mêmes droits qu’aux autres, Martin Luther King a engagé sa vie dans une lutte pour les droits civiques, au nom de sa foi. Le 28 août 1963, à la fin d’une grande manifestation à Washington, il a prononcé son célèbre discours, « I have a dream », « je fais un rêve ».

ALo - Voici des extraits de ce qu’il a dit ce jour-là :

[…] Je rêve qu’un jour […] les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. […]

Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour […] les petits garçons noirs et les petites filles blanches pourront se donner la main, comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour toute vallée sera relevée, toute colline et toute montagne seront rabaissées, les endroits escarpés seront aplanis et les chemins tortueux redressés, la gloire du Seigneur sera révélée à tout être fait de chair.

CB - Martin Luther King partage son rêve, son espérance. Et il poursuit son discours en évoquant la foi, qui appelle à ne pas laisser l’espérance du côté d’un rêve inaccessible, mais à s’engager pour que ce rêve devienne réalité :

Telle est notre espérance. C’est la foi avec laquelle je retourne dans le Sud.

Avec cette foi, nous serons capables de distinguer dans la montagne du désespoir une pierre d’espérance. Avec cette foi, nous serons capables de transformer les discordes criardes de notre nation en une superbe symphonie de fraternité.

Avec cette foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de défendre la cause de la liberté ensemble, en sachant qu’un jour, nous serons libres » […]

ALo - Cela me fait penser à la petite parabole que raconte Jésus (Marc 4, 30-32) : le Royaume de Dieu – c’est-à-dire sa présence parmi nous – est comme une graine de moutarde ; c’est une graine minuscule, presque une poussière. Et, quand elle est devenue grande, elle est un arbre dans lequel les oiseaux peuvent venir chanter. C’est une parabole de nos vies : de pas grand-chose, Dieu peut faire une merveille. Dans la confiance, l’espérance peut s’épanouir. Dans le partage, nos existences peuvent accueillir. C’est un rêve, c’est aussi une réalité. Et, en vrai, cela dépasse souvent le rêve !

CB - Cela me fait penser au chant des anges dans la nuit de Noël : « Gloire à Dieu dans les cieux très haut, et paix sur la terre parmi les hommes, qu’il aime » (Luc 2, 14). Si notre rêve est celui des anges : la relation à Dieu et la paix entre les hommes, alors notre foi nous dit que cela est possible de le réaliser. Pas de manière magique, mais concrètement, ici-bas, dès maintenant, en nous et autour de nous. Et notre foi nous dit que Jésus-Christ a ouvert le chemin et qu’il nous appelle à marcher à sa suite. Pour que l’on puisse être heureux dans un monde de paix – ou l’inverse ! – il nous faut commencer à en être signes, à louer le Seigneur et à s’engager concrètement pour davantage de justice et de solidarité, de partage et d’accueil.

ALo - Pour nous inviter à vivre ainsi nos rêves de fraternité, les enfants nous distribueront, à la fin de ce culte, des versets bibliques qui disent l’espérance de Noël, comme une invitation à la vivre au fond de nous-mêmes.

CB - Et les scouts nous transmettront la lumière de Béthléem, petite flamme de paix allumée dans la ville où est né Jésus et envoyée par toute la terre. Elle est arrivée ce matin à Paris et nous la recevrons pour en être porteurs à notre tour, autour de nous.

ALo - Un verset, une lumière… C’est comme le signe de notre espérance qui devient réalité, dès aujourd’hui.

CB - Alors continuez à faire de beaux rêves de paix et de lumière !

ALo - Et vivez déjà ces rêves, en Christ, en vous et autour de vous !

CB et ALo – Amen !

 

 

Conte des trois arbres

 

Il était une fois, en haut d’une montagne, trois petits arbres qui rêvaient à ce qu’ils voudraient devenir quand ils seraient grands.

Le premier arbre regarda les étoiles qui brillaient comme des diamants au-dessus de lui. « Je veux abriter un trésor, dit-il. Je veux être recouvert d’or et rempli de pierres précieuses pour devenir le plus beau coffre à trésor du monde ».

Le deuxième arbre regarda le petit ruisseau qui suivait sa route vers l’océan. « Je veux être un grand voilier, dit-il. Je veux naviguer sur de vastes océans et transporter des rois puissants. Je serai le bateau le plus beau du monde ».

Le troisième petit arbre regarda dans la vallée au-dessous de lui, il vit la ville où les hommes et des femmes s’affairaient. « Je ne veux pas quitter cette montagne, dit-il. Je veux pousser si haut que lorsque les gens s'arrêteront pour me regarder, ils lèveront les yeux au ciel et penseront à Dieu. Je serai le plus grand arbre du monde ».

 

Les années passèrent. Les pluies tombèrent, le soleil brilla, et les petits arbres devinrent plus grands. Un jour, trois bûcherons montèrent dans la montagne.

Le premier bûcheron regarda le premier arbre et dit : « C’est un bel arbre. Il est parfait.» En un éclair, abattu d’un coup de hache, le premier arbre tomba. « Maintenant, je vais être un coffre magnifique, pensa le premier arbre. J’abriterai un merveilleux trésor ! ».

Le deuxième bûcheron regarda le deuxième arbre et dit : « Cet arbre est vigoureux. Voilà ce qu’il me faut ». En un éclair, abattu d’un coup de hache, le deuxième arbre tomba. « Désormais, je vais naviguer sur de vastes océans, pensa le deuxième arbre. Je serai un grand navire digne des rois ».

Le troisième arbre sentit son cœur flancher quand le bûcheron le regarda. « N’importe quel arbre me conviendra », pensa le bûcheron. En un éclair, abattu d’un coup de hache, le troisième arbre tomba.

 

Le premier arbre se réjouit lorsque le bûcheron l’apporta chez le charpentier, mais le charpentier était bien trop occupé pour penser à fabriquer des coffres. De ses mains calleuses, il transforma l'arbre en mangeoire pour animaux. L’arbre qui avait été autrefois très beau n’était pas recouvert d’or ni rempli de trésors. Il était couvert de sciure et rempli de foin pour nourrir les animaux affamés de la ferme.

Le deuxième arbre sourit quand le bûcheron le transporta vers le chantier naval, mais ce jour-là, nul ne songeait à construire un voilier. A grand coups de marteau et de scie, l’arbre fut transformé en simple bateau de pêche. Trop petit, trop fragile pour naviguer sur l’océan ou même sur une rivière, il fut emmené sur un petit lac. Tous les jours, il transportait des cargaisons de poissons morts qui sentaient affreusement fort.

Le troisième arbre devint très triste quand le bûcheron le coupa pour le transformer en grosses poutres qu’il empila dans la cour. « Que s’est-il passé ? Se demanda l’arbre qui avait été autrefois très grand. Tout ce que je désirais, c’était rester sur la montagne en pensant à Dieu ».

 

Beaucoup de jours et de nuits passèrent. Les trois arbres oublièrent presque leurs rêves. Mais une nuit, la lumière d’une étoile dorée éclaira le premier arbre au moment où une jeune femme plaçait son nouveau-né dans la mangeoire. « J’aurais aimé pouvoir lui faire un berceau », murmura le mari. La mère serra la main du père et sourit tandis que la lumière de l’étoile brillait sur le bois poli. « Cette mangeoire est magnifique », dit-elle. Et soudain, le premier arbre sut qu’il renfermait le trésor le plus précieux du monde.

D’autres jours et d’autres nuits passèrent, mais un soir, un voyageur fatigué et ses amis s'entassèrent dans la vieille barque de pêcheur. Tandis que le deuxième arbre voguait tranquillement sur le lac, le voyageur s’endormit. Soudain, l’orage éclata et la tempête se leva. Le petit arbre trembla. Il savait qu’il n’avait pas la force de transporter tant de monde en sécurité dans le vent et la pluie. Le voyageur s’éveilla. Il se leva, écarta les bras et dit : « Paix ». La tempête se calma aussi vite qu’elle était apparue. Et soudain le deuxième arbre sut qu’il transportait le roi des cieux et de la terre.

A quelque temps de là, un vendredi matin, le troisième arbre fut fort surpris lorsque ses poutres furent arrachées de la pile de bois oubliée. Transporté au milieu des cris d’une foule en colère et railleuse, il frissonna quand les soldats clouèrent sur lui les mains d’un homme. Il se sentit horrible et cruel. Mais le dimanche matin, quand le soleil se leva et que la terre tout entière vibra d’une joie immense, le troisième arbre sut que l’amour de Dieu avait tout transformé. Il avait rendu le premier arbre beau. Il avait rendu le second arbre fort. Et à chaque fois que les gens penseraient au troisième arbre, ils penseraient à Dieu. Cela était beaucoup mieux que d’être le plus grand arbre du monde !

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