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Le sens de la vie

Texte de la prédication du dimanche 8 décembre 2024, par le pasteur Christian Baccuet

 

Le sens de la vie

Prédication du dimanche 8 décembre 2024, par le pasteur Christian Baccuet

 

Lectures bibliques : 

  • Jérémie 32, 38-41
  • Luc 3, 1-6
  • Actes 2, 38-39

Matin : baptême de Diane, 11 mois.

 

 

 

Quel est le sens de la vie ?

Quand nous avons préparé le baptême de Diane, elle n’a pas posé cette question… elle n’a que onze mois ! Mais elle se la posera un jour, elle la posera à ses parents, elle nous la posera.

 

1. Une question

Quel est le sens de la vie ? C’est une question fondamentale, et se la poser est sans doute une dimension liée à notre humanité. Elle est partagée par les philosophes, par les artistes, par toute personne qui se pose, tous les jours ou au moins une fois dans sa vie, des questions fondamentales : qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi ? A quoi ça sert, tout ça ? Cela a t-il du sens ?

Il y a depuis la nuit des temps une multitudes de réponses à ces questions, depuis celles qui penchant du côté du néant, du non-sens absolu, jusqu’à celles qui affirment des convictions absolues, la force du mystère ou le poids du destin, en passant par toutes les nuances éthiques, philosophiques, métaphysiques, doctrinales, scientifiques, expérientielles… Chacun, chacune croise ces questions dans son coin ou les confronte à d’autres, en dialogue de quête de sens.

Quel est le sens de la vie ? La question n’est pas qu’abstraite. Elle peut être douloureuse quand on est plongés dans le non-sens, dans l’absurde. Quand nous traversons des épreuves personnelles ou que nous côtoyons des personnes en souffrance. Quand nous songeons à l’actualité de notre monde, la crise politique dans notre pays, les paroles vides, l’illusion d’un sens de la vie qui se trouverait dans la consommation. Et puis les guerres, les massacres.

Quel est le sens de la vie ? La question n’est pas nouvelle, le contexte de crise non plus. On les trouve tout au long de la Bible. La Bible rapporte en effet des événements, des pensées, des questions qui surgissent dans des temps difficiles, vides de sens, vides de vie.

Par exemple l’exil au VIe siècle avant notre ère, quand Jérusalem est vaincue par le roi de Babylone, le Temple démoli et une partie de la population déportée loin de chez elle, de l’autre côté du désert d’Arabie, pour des dizaines d’années. Un temps où s’écroulent toutes les certitudes, tous les repères. Temps dont est contemporain le prophète Jérémie dont nous venons d’entendre un extrait, ainsi que le second Esaïe que Luc cite dans le deuxième passage que nous avons lu.

Luc situe le temps de Jean-Baptiste – et de Jésus son cousin – dans une autre période difficile, autour des années 30 de notre ère, sous l’occupation romaine et le pouvoir des grands-prêtres, ainsi que l’indique la liste des dirigeants de ce temps, l’empereur Tibère, Ponce-Pilate le gouverneur romain, Hérode, Philippe et Lysanias les rois régionaux, Hanne et Caïphe les grands-prêtres.

Quelques années plus tard, Hérode va faire mettre à mort Jean-Baptiste, Hanne et Caïphe vont demander la mort de Jésus et Ponce-Pilate va le faire exécuter. Temps d’épreuve pour les disciples de Jésus. La croix est l’écroulement de leur foi, la disparition humiliante de celui en qui ils avaient mis leur confiance, l’échec de leur espérance.

La Bible n’est pas hors sol. Elle a été écrite et elle se lit dans l’histoire humaine et ses drames.

Pourquoi le mal, pourquoi la mort, pourquoi la vie ? Dans la Bible, un livre aborde directement cette question. C’est le livre de Job. Le sujet de ce livre est : pourquoi le malheur peut-il tomber sur quelqu’un de juste ? Il semble raconter une histoire traditionnelle, que l’on trouve dans beaucoup de cultures : des épreuves terribles tombent sur Job, mais celui-ci garde la foi et il en est récompensé au-delà de ce qu’il a perdu. C’est une histoire où tout est bien qui finit bien. Le mal a un sens, il permet de vérifier la force de sa foi, et d’être récompensé pour sa fidélité. La souffrance et l’injustice aident à grandir.

Un conte traditionnel… mais au milieu, une bombe est placée, qui fait exploser cette logique rétributive. Job n’accepte pas que le mal ait un sens ! Job refuse les explications, les justifications, il se bat, longuement. Il se bat contre ses amis qui cherchent à le convaincre qu’il mérite ce qui lui arrive, qu’il y a un sens à tout cela. Il se bat contre lui-même, contre le désespoir, l’abandon. Il se bat contre Dieu : pourquoi permet-il le mal ? Job, c’est l’homme révolté qui refuse de trouver un sens à la souffrance, qui refuse la culpabilité, qui refuse de soumettre, qui veut rester debout. Cela dure trente-cinq chapitres, c’est long à lire. Elle est longue, la traversée du non-sens !

A la fin, Dieu intervient et sa parole dit trois choses essentielles. Il s’adresse à Job ; cela est fondamental, il ne l’a pas abandonné, il lui parle, il est en relation avec lui. Puis il le remet à sa place : qui es-tu pour savoir quelque chose de l’origine du mal ? Enfin, il dit qu’un seul a bien parlé, celui qui s’est révolté, Job.

Renoncer à savoir, ne pas enfermer la réalité dans un sens, une explication, un système. Nous voilà ramenés à la question sans fin du sens de la vie. Impasse ?

 

2. Une direction

Ce n’est pas une impasse, c’est une espérance. A la question du sens de la vie, la Bible ne donne pas une réponse théorique qui enferme, un sens dans le sens de « signification ». Elle indique un sens qui ouvre, dans le sens d’une « direction ». Le sens de la vie, c’est : que faire, vers où aller ? Déplacer le pourquoi en pour-quoi. C’est ce qui se trouve au cœur de la Bible, au cœur des textes que nous avons lus.

Au temps de Jérémie, au cœur de l’exil à Babylone, une promesse. Dieu n’a pas abandonné les siens, il veut leur bien, il va les faire revenir à lui, rentrer dans leur pays, mettre fin à l’exil et ouvrir une période de reconstruction. C’est ce qu’annonce aussi Esaïe, qui est cité par Jean-Baptiste : des chemins vont s’ouvrir dans le désert, les obstacles tomberont et la route va s’ouvrir.

Au début du 1er siècle, la promesse est reprise par Luc qui cite Esaïe pour dire l’espérance pour aujourd’hui, le temps du pardon pour la foule de ceux qui viennent le voir, le temps du salut qui s’ouvre avec la venue de Jésus.

Quelques années plus tard, sept semaines après la résurrection de Jésus, au jour de Pentecôte, au début de l’Eglise, la promesse se précise. Alors que les disciples étaient enfermés dans la peur, ils sont propulsés dehors par la force de Dieu, dans la foi et le témoignage, l’appel à la foule à vivre l’Evangile avec eux.

L’appel à prendre une direction, un sens, à ne pas rester recroquevillés mais à être ouverts par l’espérance. L’espérance. Ce mot peut paraître ambitieux en ce temps de crise, trop loin de nos réalités. Ou vide, car trop répété comme une formule magique sans effet dans un monde où Dieu semble bien loin, bien silencieux. Dans ce contexte, il nous faut être comme Job, rester en lutte. Comme l’écrivait Jacques Ellul : « Quand Dieu se tait, il faut le forcer à parler. Quand Dieu se détourne, il faut le forcer à revenir. Quand Dieu semble mort, il faut le forcer à être. […] L’espérance est l’attestation d’un inaccomplissement d’une promesse et la revendication que Dieu tienne sa parole. »[1]

Il faut demander à Dieu qu’il tienne sa promesse, celle qui a été dite par Jérémie, par Esaïe, par Jean-Baptiste, qui a été portée et ouverte par Jésus, qui a été vécue par les premiers chrétiens. « C’est l’espérance contestant le silence de Dieu qui ouvre le chemin de la Parole de Dieu », précisait Ellul[2].

L’espérance est mémoire d’une promesse qui nous porte. Elle ouvre à l’avenir quand tout est fermé. Elle n’est pas une parole vide mais une parole vive, notre mémoire des engagements de Dieu, notre rappel à Dieu de ses propres engagements.

Promesse reçue des générations qui nous précèdent et à transmettre à celles qui sont à suivre, dans tous les lieux où cette espérance est vive. Pour « eux et leurs descendants », écrit Jérémie. « Pour vous et pour vos enfants, ainsi que pour tous ceux qui vient au loin », affirme Pierre dans la livre des Actes.

Espérance qui se reçoit de Dieu et nous tourne vers demain. Vers l’à-venir. Vers ce qui va advenir. L’Avent est le temps d’une attente active qui, en rappelant à Dieu sa promesse, nous conduit à des engagements forts. Reliés à Dieu et engagés dans l’action en ce monde, nous pouvons vivre l’espérance véritable qui met en mouvement.

Pour Ellul, cette espérance s’exprime dans trois attitudes.

L’attente combattive et brûlante : « Si vous n’êtes pas écorché vif par la déréliction de Dieu, si vous n’êtes pas lacéré jusqu’au plus profond de vous-même par les délais de son retour, alors, inutile de jouer à l’attente et de parler d’espérance. Continuez à construire des autoroutes et à lutter contre les bidonvilles, à faire la révolution et de la théologie, ceci est très bien. Mais il vaudrait mieux ne plus parler de Jésus-Christ et de toute la suite. Ce serait plus honnête. »[3]

La prière : « La prière est la seule “raison” de l’espérance, en même temps qu’elle en est le moyen, l’expression. […] La prière est la certitude de la possibilité de l’intervention de Dieu, sans laquelle il n’y a pas d’espérance. »[4]

Le réalisme : « C’est seulement à partir de cette espérance que nous pouvons prendre une décision. Mais cette décision (politique, scientifique, technique, économique…) n’a de sens que si elle se réfère à une vue claire et rigoureuse du réel. Sans ce réalisme, l’espérance ne peut que tomber dans un idéalisme. Et je crois que l’idéalisme, à quelque niveau qu’il se situe, est le pire de tous les pièges, le plus grand danger pour l’homme. »[5]

Attente active, prière, réalisme, comme en écho aux paroles de Jean-Baptiste citant Esaïe : « Préparez le chemin du Seigneur » !

 

3. A vivre

Si cela a du sens pour nous, si cela ouvre un sens pour nos engagements, alors nous pouvons vivre dans la confiance. Dans cette troisième dimension du « sens » : ce que l’on ressent, ce que l’on éprouve, ce que l’on vit.

Etre en relation. Dieu dit, dans le livre de Jérémie : « Ils seront mon peuple et je serai leur Dieu », « afin qu’ils soient heureux », « je prendrai plaisir à leur faire du bien ». Alliance renouvelée.

Et se convertir. Jean-Baptiste interpelle les foules qui viennent à lui : « Changez de vie », « Dieu pardonnera vos péchés » (c’est-à-dire : Dieu vous remettra en lien avec lui). Et Pierre le jour de Pentecôte, à tous ceux et celles qui écoutent l’Evangile : « Changez de vie », « vos péchés seront pardonnés ». Conversion, changement de vie. Irruption du sens qui ouvre à ressentir la force d’une vie nouvelle, d’une vie renouvelée.

Jean-Baptiste et Pierre, tous deux appellent au baptême comme signe de ce sens, cette présence de Dieu qui se donne à nous. Le baptême de Jean, c’est celui de la conversion, du choix d’une vie juste. Le baptême « au nom de Jésus-Christ », c’est celui du salut, de la juste relation à Dieu, la suivance du crucifié qui, ressuscité, est source de toute espérance.

Le baptême est le signe de l’entrée dans cette alliance d’amour, dans la grâce de Dieu, signifiée sur la personne baptisée, pour elle, appel à l’engagement d’une vie, aujourd’hui ou plus tard. Diane qui vient d’être baptisée a onze mois. Elle est trop petite pour trouver du sens à la vie, trop petite pour décider de l’orientation de sa vie. Mais elle peut déjà ressentir l’amour autour d’elle, pour elle, qui lui permettra de grandir. L’amour des siens, l’amour de Dieu, précieux cadeaux !

Nous sommes dans le temps de l’Avent, ce temps où l’espérance vit en nous, car au fond de notre foi se tient un Dieu qui a fait, un jour, irruption dans ce monde, dans l’histoire humaine, dans nos vies, comme un petit bébé. Beauté et fragilité de l’espérance qui ne demande qu’à grandir en nous et par nous. A donner sens à notre vie.

 

4. L’essence de la vie

Alors, quel est le sens de la vie ? La « signification », la « direction », le « ressenti » de notre vie… Chercher, se questionner, remettre en question ; s’orienter, se convertir, s’engager ; éprouver, recevoir le don d’amour : ces trois dimensions du « sens » sont toutes importantes, elle se croisent, se nourrissent. Il importe de ne pas en oublier une mais de les tenir les 3 ensemble. C’est ce que nous essayons de faire, en Eglise : prier, réfléchir, s’engager.

Vivre, penser, lutter, voilà les sens de la vie. Les sens.

Et si on met un peu d’écart, un petit guillemet entre le « l » et le « e », la question devient : c’est quoi « l’essence » de la vie ? Quel est le carburant qui permet de faire vivre l’espérance ? Quelle est la base du parfum de l’espérance, la source de sa saveur ?

Le jour de Pentecôte, si les disciples sont poussés à comprendre, à faire confiance, à vivre et à partager l’Evangile, ce n’est pas par leurs propres forces mais par le souffle de Dieu : « Vous recevrez le don de l’Esprit saint », leur dit Pierre. L’Esprit saint, l’Esprit de Dieu, son souffle, sa respiration, sa présence avec nous, en nous, par nous.

L’Esprit saint est l’essence de notre foi, pour que notre vie ait du sens !

Amen.

 

[1] Jacques Ellul, L’espérance oubliée (1972), Paris, La Table Ronde, 2023, p. 223-224.

[2] Ibid., p. 238.

[3] Ibid., p. 328.

[4] Ibid., p. 339.

[5] Ibid., p. 344.