"Trouver sa juste place" - Texte - Culte du Dimanche 10 mai 2020
Trouver sa juste place
Pentemont-Luxembourg, 10 mai 2020. Culte vidéo.
Avec les pasteurs Christian Baccuet et Andreas Lof, et Lionel Thébaud, Cécile, Charlotte, Peter et Claire.
Accueil et salutation (Christian Baccuet)
Bienvenue etc…
La Bible nous dit qu’il y a un temps pour tout.
Un temps pour s’agiter et un temps pour s’arrêter.
Un temps pour s’inquiéter et un temps pour s’apaiser.
Un temps pour travailler et un temps pour écouter.
Aujourd’hui, nous voulons déposer notre agitation, nos inquiétudes et notre labeur
et prendre le temps de la halte, de la paix et de l’écoute.
Que le Seigneur nous fasse la grâce de nous asseoir tranquillement,
de rester en sa présence, et de nous mettre à l’écoute de la Parole de Jésus-Christ.[1]
Louange (Charlotte)
Notre Dieu, nous venons à toi avec nos inattentions.
Donne-nous de nous concentrer et de cesser de voltiger comme l’oiseau, qui se heurte et se blesse aux barreaux de sa cage.
Nous venons à toi avec nos soucis.
Donne-nous de nous alléger et de cesser de trotter, le cœur et le corps courbés sur les cailloux de la route.
Nous venons à toi avec nos envies.
Donne-nous de nous discipliner et de cesser de convoiter ce que les autres auraient et que nous n’aurions pas.
Nous venons à toi avec nos dégoûts.
Donne-nous d’apprendre à sourire et de cesser de promener nos visages fermés.
Nous venons à toi avec nos haines.
Donne-nous de réapprendre à aimer et de cesser de mettre du bois au foyer de nos rancœurs.
Nous venons aussi à toi avec nos bonheurs.
Donne-nous de moins craindre de les perdre, afin de les laisser venir à nous, quand ta grâce les dispose et les dispense.
Notre Dieu, nous venons à toi, tels que nous sommes,
et nous souhaitons que tu viennes à nous, tel que tu es.
Amen.[2]
Chant – AEC 151, 1-3-4 : Je louerai l’Eternel (Andreas Lof)
1. Je louerai l’Eternel de tout mon cœur,
Je raconterai toutes tes merveilles,
Je chanterai ton nom.
Je louerai l’Eternel de tout mon cœur,
Je ferai de toi le sujet de ma joie.
Alléluia !
3. Dieu voit les opprimés, il est leur abri,
Leur refuge au temps des grandes détresses,
Son nom est leur salut.
Dieu voit les opprimés, il est leur abri.
Il sauve les siens, car il est le Dieu saint.
Alléluia !
4. Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit,
Au commencement, aujourd’hui, toujours,
Et aux siècles des siècles.
Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit,
D’une éternité à l’autre éternité.
Alléluia !
Prière avant d’ouvrir la Bible (Lionel Thébaud)
Lecture de l’Evangile : Luc 10, 38-42 (Lionel Thébaud). Traduction « Nouvelle Français courant ».
38Tandis que Jésus et ses disciples étaient en chemin, il entra dans un village où une femme, appelée Marthe, le reçut chez elle. 39Elle avait une sœur, appelée Marie, qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. 40Marthe était très affairée à tout préparer pour le repas.
Elle survint et dit : « Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma sœur me laisse seule pour faire le service ? Dis-lui donc de m'aider. »
41Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses, 42mais une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas enlevée. »
Alléluia
Composé et interprété par Peter Vizard
Prédication : « Trouver sa juste place » (Lionel Thébaud)
J’ai choisi de vous parler de Marthe et de Marie ce matin. Dans le passage de la Bible que je vous ai lu, nous avons Marthe, celle qui fait les tâches ménagères, et Marie, celle qui écoute les paroles de Jésus, assise à ses pieds. Très tôt dans l’histoire de l’Église, ce récit a été interprété symboliquement. On a dit que Marthe était la figure de la synagogue, et Marie la figure de l’Église. Marthe représentait la vie active et Marie la vie contemplative. Marthe nous parlait de la vie présente et Marie la vie dans le Royaume. Plus tard, au XVIe siècle, Martin Luther voit en Marthe la justification par les œuvres, et en Marie la justification par la foi. Jean Calvin, lui, valorise l’énergie de Marthe, mais il critique son refus d’écouter la parole du maître. Cette scène, qui est très brève, se prête au jeu des contraires. Mais l’évangile selon Luc ici me parle d’autre chose ce matin : il me parle du rôle attribué aux femmes dans la société juive de l’époque de Jésus, et de la manière dont Jésus relativise la pression sociale afin de permettre à ces femmes de trouver leur juste place.
D’abord, dans cette société antique, une femme doit être une mère. Tout est fait pour que la femme se sente obligée d’avoir de nombreux enfants. Et lorsqu’un homme n’a pas d’enfants, on dit que c’est la femme qui est stérile. La pression est très forte. Ensuite, les femmes sont désignées pour effectuer les tâches ménagères. Vous voyez que certaines choses ne bougent pas facilement, même si la situation évolue un petit peu ces dernières années. Et bien sûr les femmes ne sont pas les bienvenues dans les lieux de décision, politiques ou religieuses. Nous avons quelques exceptions, quand-même, dans la Bible, il faut le rappeler. Nous y voyons des prophétesses, des guerrières, des sages, des juges, etc. Cependant, sauf exception, une femme doit rester dans le rôle qu’on lui a assigné.
Marthe fait les tâches ménagères. Il faut dire qu’elle reçoit Jésus dans sa maison. Elle veille à ce que Jésus, qui n’est pas seulement un personnage important, mais qui est aussi son ami, se sente bien accueilli. Mais savez-vous pourquoi Marthe fait tout ça ? Elle fait tout ça parce qu’elle aime Jésus. Elle veut l’honorer. Vous savez, si vous avez déjà reçu quelqu’un chez vous, que c’est important de bien accueillir notre invité·e. Il n’est pas toujours nécessaire de faire des chichis, mais il faut que la personne se sente à l’aise. Il faut lui montrer qu’on l’apprécie. C’est important. Donc on ne peut pas donner tort à Marthe. Et contrairement à ce qu’on dit souvent, Jésus ne lui donne pas tort. En tout cas, il ne critique pas son service. Il ne critique pas le fait qu’elle prépare tout ce qu’elle prépare. Il ne dit pas que ce qu’elle fait est inutile. Ce qu’il critique, à mon avis, c’est son attitude envers Marie. Parce que Marie, elle, ne fait rien. Mais vous savez pourquoi elle ne fait rien, Marie ? Parce qu’elle est occupée à écouter Jésus. Et Marie écoute Jésus parce qu’elle l’aime. Ce que fait Marie, c’est par amour. Elle a exactement la même motivation que Marthe. Et là nous voyons que quand nous aimons quelqu’un, nous l’aimons tel·le·s que nous sommes. Avec ce que nous sommes. Vous comprenez ? Marthe était sans doute un peu jalouse de sa sœur, elle a senti que Marie avait une place privilégiée auprès de Jésus, mais je crois surtout qu’elle voulait que sa sœur fasse comme elle fait. Ça m’arrive parfois, de vouloir que les autres fassent comme moi. Ça m’arrive d’essayer d’imposer aux autres ma manière de faire. Parce que des fois j’ai l’impression que tout seul, c’est trop dur à porter. Ou parce que j’estime que l’autre ne sait pas bien faire ce qu’il fait. Bref. Jésus ne critique pas Marthe. Il prend la défense de Marie. C’est pas pareil. Devant l’accusation, Jésus se place toujours du côté des accusés. Jésus ne condamne pas les tâches ménagères ! Mais il rappelle à Marthe que les tâches ménagères sont un choix. Pas un destin. Marthe est en train de comparer son service à celui de Marie. Dans la vie quotidienne, nous nous comparons aux autres. Et nous jugeons les autres. Sans cesse. Marthe critique sa sœur parce qu’elle n’est pas à sa place. Elle n’est pas dans le rôle qu’elle devrait tenir.
Le Talmud, livre très important pour les juifs, dit : « que ta maison soit une maison pour les sages, agrippe-toi à la poussière de leurs pieds et bois leurs paroles dans la soif ». Il est recommandé ici de ne pas avoir d’autre activité que d’écouter le sage parler. Et c’est ce que fait Marie : elle s’assoit aux pieds de Jésus et elle reste là, à ne rien faire d’autre qu’à l’écouter. Elle fait ce que dit le Talmud. Elle est dans une position de disciple. Elle étudie aux pieds du maître. Mais le Talmud dit aussi : « apprendre la Torah à sa fille est comme lui apprendre la débauche ». Qu’une femme soit disciple, ça ne se fait pas. Si un rabbin enseigne à des femmes, c’est que le rabbin n’est pas très sérieux. Il chamboule l’ordre des sociétés traditionnelles. Mais vous savez, Jésus se fiche pas mal de l’ordre social. Jésus, lui, accepte des femmes dans son entourage proche. Il leur donne accès au savoir sur Dieu, qui est – dans cette société – le privilège des mâles. Ça ne le dérange pas de bousculer les conventions. Ce qui compte, pour Jésus, c’est la personne. C’est le cœur. Et Jésus aime Marthe comme il aime Marie.
Quand Marthe vient se plaindre de sa sœur auprès de Jésus, il lui répond : « Une seule chose est nécessaire ». Quelle est donc cette chose qui est nécessaire ? Ce que j’entends, c’est que Jésus dit à Marthe : « laisse Marie me servir à sa manière. Elle a la bonne part, ou la bonne place, elle ne lui sera pas enlevée ». Ce n’est pas un problème que Marie soit sa disciple. Ce n’est pas inconvenant. Ce qui est nécessaire, c’est que Marthe se concentre sur le service qui est le sien. C’est que Marie se concentre sur le service qui est le sien. Ce qui est nécessaire, c’est que nous fassions ce que nous avons à faire avec amour, et alors là seulement nous choisissons la meilleure part, la meilleure place, parce que nous choisissons de donner le meilleur de nous-même dans ce que nous faisons. Si tu aimes, cela suffit. Cela ne te sera pas enlevé. Que ce soit dans l’action, ou que ce soit dans la contemplation, la seule chose à faire, c’est d’aimer. Et de ne pas comparer.
Ce qui semble compter ici pour Jésus, c’est l’adéquation entre le cœur de ces femmes et leurs actions. Marthe n’avait pas les mêmes aspirations que Marie. Ces considérations peuvent paraître incroyablement actuelles. C’était il y a 2000 ans, et nous avons encore des efforts à faire pour intégrer les droits des femmes. Après tout, « en Jésus-Christ, il n’y a plus ni hommes, ni femmes », dit l’apôtre Paul, c’est-à-dire qu’une femme n’a pas plus de compétences qu’un homme pour tenir un balai. Nous sommes tous et toutes des enfants de Dieu. A égalité devant Dieu. Héritiers et héritières de sa promesse.
Le déconfinement approche. Beaucoup de voix appellent à ne pas reprendre notre vie d’avant comme si rien ne s’était passé. Nous voulons que quelque chose de profond change. Nous voulons que l’être humain soit au centre de nos décisions. Et tout cela, je l’appelle moi aussi de mes vœux. Je voudrais que les structures de nos sociétés changent de manière à nous rendre la vie meilleure, de manière à ce qu’il y ait plus de justice sociale et que les logiques économiques ne soient pas maîtresses de nos vies. Je souhaite que l’on fasse systématiquement attention aux personnes les plus fragiles, au nom de l’amour. Les difficultés des personnes les plus fragiles étaient perceptibles avant la crise sanitaire que nous traversons, mais le confinement a rendu ces difficultés beaucoup plus vives. Je pense aux personnes seules, aux personnes malades, aux personnes sans abri, mais je pense aussi aux femmes seules, avec ou sans enfants, et aux femmes qui subissent des violences dans leur foyer. Je me demande si ces choses peuvent vraiment changer, si nous ne changeons pas le regard que nous avons sur les autres. Nous agissons comme si nous savions mieux que les autres ce qui est bon pour eux. Comme si nous savions ce qu’ils devraient faire. Nous les regardons comme si nous étions un dieu-juge. Un peu comme ces experts qui en savent tellement qu’ils sont incapables de reconnaître quand quelque chose leur échappe. Jésus, lui, n’agit pas comme ça. Je me demande si notre société peut évoluer dans l’amour si les femmes ne sont pas à égalité avec les hommes. Je vois que Jésus ne fait pas une place à Marie. Il ne l’autorise pas à être disciple. Il n’a pas ce côté condescendant, de celui qui a le pouvoir et qui fait une œuvre charitable. Non, elle vient, il l’accueille, considérant qu’elle est disciple au même titre que les Douze. Il n’y a plus ni homme, ni femme. Il n’y a pas de discrimination dans cet épisode. Pouvons-nous percevoir l’autre comme étant vraiment notre égal·e ? L’homme comme la femme ? La personne riche comme la personne pauvre ? Que dire des personnes étrangères, non-chrétiennes, de l’autre bord politique ou théologique ? Pour moi, cette question de Marthe et Marie s’étend jusque-là ! Si nous voulons former un monde nouveau, il faut s’en prendre à la racine de nos cœurs et nous soumettre à l’action de l’amour de Dieu en nous. La place des femmes est un chantier très important dans la construction du monde qui s’ouvre à nous. Puissions-nous avancer ensemble sur le chemin que Dieu nous ouvre pour que chacun, chacune, trouve sa juste place.
Amen.
Violon : Psaume de la création (Musique : Patrick Richard. Au violon : Claire Oberkampf)
Prière (Charlotte)
Seigneur, donne-nous de voir les choses à faire sans oublier les personnes à aimer,
et de voir les personnes à aimer sans oublier les choses à faire.
Donne-nous de voir les vrais besoins des autres.
C’est si difficile de ne pas vouloir la place des autres,
de ne pas répondre à la place des autres,
de ne pas décider à la place des autres.
C’est si difficile, Seigneur,
de ne pas prendre ses désirs pour les désirs des autres,
et de comprendre les désirs des autres quand ils sont si différents des nôtres.
Seigneur, donne-nous de voir ce que tu attends de nous parmi les autres.
Enracine au plus profond de nous cette certitude
qu’on ne fait pas le bonheur des autres sans eux…
Seigneur, apprends-nous à faire les choses en aimant les personnes.
Apprends-nous à aimer les personnes pour ne trouver notre joie
qu’en faisant quelque chose pour elles,
et pour qu’un jour elles sachent que Toi seul, Seigneur, es l’Amour.[3]
Notre Père (Christian Baccuet)
Unis en Christ, nous prions ensemble avec les mots qu’il nous a enseignés :
Notre Père, qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation
mais délivre-nous du Mal.
Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire,
pour les siècles de siècles.
Amen
Informations (Christian Baccuet)
Chant – AEC 174, 1-2 : Magnifique est le Seigneur (Andreas Lof)
1. Magnifique est le Seigneur.
Tout mon cœur pour chanter Dieu.
Magnifique est le Seigneur.
Alléluia, Alléluia !
2. Que puissance, honneur et gloire
Reviennent au Dieu trois fois saint,
Aujourd’hui et à jamais.
Alléluia, Alléluia !
Envoi (Andreas Lof)
Le Seigneur nous a donné, pendant ce temps de culte,
de cesser pour un temps de nous affairer comme Marthe ;
il nous a donné de nous asseoir comme Marie.
Qu’il nous donne,
de continuer à contempler sa grâce
dans notre vie de tous les jours.
Qu’il nous donne de toujours choisir la meilleure part,
celle qui permet de s'ouvrir à la présence des autres
et de reconnaître la sienne.
Dans l’action ou dans la contemplation,
qu’il nous donne d’aimer
et qu’ainsi chacun, chacune, trouve sa juste place !
Bénédiction (Christian Baccuet)
Que la paix de Dieu soit sur nous.
Que la paix de Dieu soit en nous.
Que la paix de Dieu soit par nous.
Que nous soyons aux pieds du Seigneur ou affairés pour l’accueillir,
que nous soyons dans l’action ou dans la contemplation,
que Dieu nous bénisse et nous garde en Jésus-Christ !
Amen.
[1] Antoine Nouis, La galette et la cruche.
[2] André Dumas, Cent prières possibles.
[3] Prière du Défap, service protestant de mission.