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Une bénédiction à toute épreuve

Texte de la prédication de Charlotte Brosse-Barral et Christian Baccuet, dimanche 30 janvier 2022 matin.
Culte avec baptême.

Une bénédiction à toute épreuve

 

Genèse 14 et Colossiens 2, 11-12

 

Pentemont, 30 janvier 2022. Prédication à 2 voix du pasteur Christian Baccuet (CB) et Charlotte Brosse-Barral (CBB).

Culte avec baptême de Gwennaëlle, 3 mois.

 

 

CBB - Gwennaëlle a reçu aujourd’hui le baptême, et c’est un jour de joie pour sa famille : sa famille de sang, de cœur, et toute notre église. Pour Gwennaëlle, c’est le point de départ de sa vie de baptisée, même si nous croyons que Dieu accompagne déjà la vie de Gwennaëlle et qu'il sera le fidèle compagnon de sa route.

CB - Attends, Charlotte, la vie n’est pas toujours facile !

CBB - Oui, bien sûr, mais je crois que Dieu nous accompagne dans toutes les étapes de notre vie, heureuses ou malheureuses. Ça fait 3 semaines qu’on découvre la vie d’Abraham, et c’est cette idée que j’ai retenue : Dieu présent à chaque étape.

CB - Oui, on a déjà vu, au chapitre 12, qu’il y a, au départ, une parole qui est comme une reconnaissance (« Abram ! »), un appel (« Pars ! »), une promesse de bénédiction (« Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une bénédiction »). Puis, très vite, des épreuves : chapitre 12, famine et fuite en Egypte, mensonge d’Abram pour sauver sa peau ; chapitre 13, séparation d’avec son neveu Loth à cause d’une dispute entre leurs bergers.

CBB - On voit que malgré la promesse la vie d’Abraham est pour le moins mouvementée ! Et ça continue avec une nouvelle crise dans le passage qu’on vient d’entendre…

CB - Oui, maintenant c’est la guerre. Il y a de nombreux rois dans la région et c’est la guerre entre eux, avec des batailles, des morts, des vainqueurs et des vaincus. Parmi ces derniers figure le roi de Sodome.
Loth et Abram sont à l’écart de ces guerres, elles ne les concernent pas, ils n’ont pas de territoire à défendre puisqu’ils sont des nomades. Mais, comme cela arrive souvent, ils sont rattrapés par le conflit, plongés dedans malgré eux.

CBB - La guerre, c’est une crise particulièrement grave. Ce que je me demande, c’est comment Dieu reste présent dans nos vies en crise ?

CB - C’est peut-être ce que Loth s’est demandé. Habitant près de Sodome, il est emporté dans la défaite du roi de cette ville. Lui et tous ses biens sont fait prisonniers par les rois vainqueurs, ils deviennent butin, ils sont emportés. Victimes innocentes d’une guerre qui n’est pas la leur. Cet épisode nous dit la dure réalité de la vie et des conflits, des épreuves qui nous tombent dessus sans qu’on les ait choisies. Personne ne cherche à vivre des épreuves, mais parfois elles sont là, tragiques, dramatiques. Quand elles nous arrivent, comme à Loth, on peut se sentir seul et abandonné, même de Dieu.

CBB - Ce sentiment d’abandon, il peut nous arriver à tous de l’éprouver, et peut-être que cela arrivera parfois à Gwennaëlle. On sait que le baptême, la foi, la justice d’une personne ne la protègent pas des épreuves de la vie, vie physique ou vie spirituelle. Mais je crois aussi que la présence de Dieu à nos côtés nous appelle pourtant à la confiance. C’est ce que j’entends dans la lettre aux Colossiens (lecture que les parents de Gwennaëlle ont choisie pour aujourd’hui) : l’auteur s’adresse à une communauté soumise à l’épreuve : épreuve d’un courant religieux alternatif qui condamne leur foi en lui opposant des règles. L’auteur de la lettre aux Colossiens écrit à une communauté en crise, et lui parle du baptême. Et c’est une bonne idée, car le baptême nous dit que, paradoxalement, les épreuves que nous traversons sont déjà dépassées, puisqu’en Christ, nous avons déjà traversé la mort, l’ultime épreuve. C’est ce que j’entends dans ce verset de la lettre aux Colossiens : « Ensevelis avec lui dans le baptême, avec lui encore vous avez été ressuscités » (Col 2,11)

CB - Oui, et pour Lot, quelque-chose de l’ordre de la résurrection arrive par Abram. Quand les épreuves arrivent à d’autres, on peut être tenté de regarder ailleurs, de fuir, de se protéger en restant en dehors de tout cela ; Abram aurait pu être comme nous. Mais, prévenu du fait que son neveu est prisonnier, il ne reste pas indifférent. Ils se sont séparés mais la solidarité familiale demeure. Alors Abram mobilise des hommes de son clan pour aller chercher Loth. Il s’engage dans la guerre, attaque, poursuit les ennemis, en est vainqueur, s’empare de tous leurs biens, revient avec Loth. Loth n’est pas abandonné, il est remis en liberté, par le geste de solidarité d’Abram qui, pour lui, a quitté sa tranquillité et a plongé dans la lutte.

CBB - C’est une bonne nouvelle pour Gwennaëlle, car nous savons qu’elle aussi aura, dans sa vie, des gens sur qui compter : ses parents, son parrain et sa marraine, et puis nous tous !

CB - Nous nous sommes tous engagés à cela tout à l’heure !

CBB - Oui, car le baptême de Gwennaëlle est le signe de l’amour de Dieu pour elle, mais aussi de sa place dans la communauté des baptisés. Cette place lui est à jamais acquise, sans conditions. Comme le lien qui subsiste entre Abram et Loth après leur séparation, le lien qui unit les baptisés à l’église universelle est un lien élastique, qui ne se rompt jamais.

CB - Et c’est une réponse à ta question : comment, dans un contexte de crise, Dieu est-il présent ? Je crois que sa présence se manifeste dans la solidarité que nous pouvons vivre en Eglise, dans la fraternité qui nous unit.

CBB - Attention, je crois qu’il n’y pas qu’en église qu’on peut vivre une solidarité, pas que dans l’Eglise que l’on peut vivre la présence de Dieu dans nos vies. La bénédiction de Dieu peut nous venir par d’autres croyants, et même par des non croyants.

CB - Oui. A ce moment du récit, après qu’Abram a libéré Loth, un autre roi surgit, venu on ne sait d’où et qui disparaitra 3 versets plus loin ; on ne le retrouve pas ailleurs dans l’Ancien Testament, à part une mention dans le Psaume 110. Ce roi s’appelle Melkisédek. Dans un contexte de guerre, de domination, de mort, son nom est tout un programme, il signifie littéralement « roi de justice ». Il est roi de Salem, qui signifie « paix », comme Shalom. Il est prêtre d’El Elyou, « Dieu très-haut » ; c’est un Dieu bien connu des Araméens et des Phéniciens, qui n’est pas le dieu d’Abram ; le dieu d’Abram s’appelle « Yahvé » dans le texte biblique, nom prononcé « Adonaï » par les Juifs et traduit par « le Seigneur » dans notre traduction. Ce roi qui surgit aurait pu être encore un roi qui fait la guerre – mais il est roi de paix. Il aurait pu venir s’emparer des biens qu’Abram vient de récupérer – mais il est roi de justice. Il aurait pu… mais ce n’est pas ce qu’il fait. Il apporte du pain et du vin, geste de convivialité, signes de paix, occasion de relation. Et il bénit Abram. Abram, porteur de la promesse de bénédiction du Seigneur, la reçoit ce jour-là. Le « je te bénirai » promis par Dieu au chapitre 12 devient « je te bénis » prononcé par Melkisédek. Abram reçoit cette bénédiction, et elle lui et donnée par le prêtre d’un autre dieu, elle lui est dite au nom de ce « Dieu très haut qui a créé les cieux et la terre ». Et Abram accepte cette bénédiction comme venant de Dieu, puisqu’il donne à Melkisédek un dixième de ce qui lui appartient, la dîme, offrande religieuse. Je trouve cela fort intéressant ! Ce passage nous dit la rencontre d’Abram avec quelqu’un qui croit en un autre Dieu, Abram accepte de lui, au cœur d’un moment de guerre, un geste de fraternité et même une bénédiction. Plus fort encore, un peu après, Abram va évoquer son Dieu, Yahvé, en l’appelant « Yahvé, le Dieu très-haut qui a créé les cieux et la terre ». Il va ajouter à sa confession de foi (« Yahvé ») celle de Melkisédek (« le Dieu très-haut qui a créé les cieux et la terre »). Non seulement il ne rejette pas la foi de Melkisédek, non seulement il accepte d’en bénéficier, mais plus encore il s’en enrichit. Il élargit sa compréhension de Dieu : celui qui l’a mis en route par la promesse de sa bénédiction est aussi celui qui est le créateur du ciel et de la terre, aussi celui de Melkisédek. Il s’ouvre à une universalité, et il reçoit la bénédiction. Grâce à un autre croyant, dont la foi est proche et différente de la sienne. Magnifique épisode qui nous dit que la rencontre avec les autres n’est pas nécessairement conflictuelle, que la foi d’autres croyants peut enrichir la nôtre, que d’autres religions peuvent nous apporter ouverture à notre propre foi. Pas tout le temps, pas n’importe comment, mais vraiment quand cela est vécu dans la relation de fraternité, de pain et de vin partagés, de bénédiction échangée.

CBB - Et de même, Gwennaëlle recevra au cours de sa vie de nombreuses bénédictions, c’est-à-dire de regards et de paroles positives sur sa vie. Gwennaëlle est déjà bénie par tout plein de gens qui disent du bien d’elle, se réjouissent de ce petit bout de vie. Ses parents, ses frères et sœur, son parrain, sa marraine, sa famille, ses proches, notre communauté. Gwennaëlle est bénie au nom de Dieu, au nom de l’amour, et au nom de la vie. Ses parents ont choisi pour Gwennaëlle un parrain et une marraine qui ne partagent pas leur tradition religieuse. Ce sera pour Gwennaëlle une ouverture, autant de chances supplémentaires de comprendre ce que la bénédiction de Dieu sur sa vie signifie pour elle. Ainsi, de bénédiction en bénédiction, Gwennaëlle pourra vivre sa vie de baptisée et avancer sur le chemin de sa liberté. Cette diversité de cultures, de langues, de croyances, peut en effet être une chance, c’est ce que nous dit la bénédiction d’Abram par Melkisédek. La diversité des personnes qui entourent Gwennaëlle en ce jour particulier en est une belle illustration. Gwennaëlle n’a que quelques mois et pourtant elle est unique. C’est le constat de ses parents, et de ses frères et sœurs, Nine, Côme et Armel, qui découvrent jour après jour sa personnalité, ses traits de caractère. Gwennaëlle est unique. Elle n’est identique à personne d’autre. Pourtant, nombreux sont ces autres qui l’aiment déjà, et d’un amour inconditionnel, sans se demander qui elle sera - même si personne ne doute qu’elle sera quelqu’un de chouette ! (Ce sont les mots de son parrain). Finalement, si nous n’aimions que nos semblables, si nous n’aimions que ceux qui nous sont identiques, il n’y aurait pas d’amour. L’amour a besoin d’un espace pour naître et grandir.

CB - Dans un contexte de crise, la présence de Dieu se donne dans des signes d’amour et des paroles de bénédiction. Et ça change tout ! Porté par cet amour, Abram est parti délivrer son neveu. Il a réussi au-delà de tout puisque non seulement il ramène Loth, mais encore il a battu à plate couture les rois ennemis, les a chassés très loin et s’est emparé de leurs biens. Il est vainqueur sur toute la ligne. Normalement, à ce stade d’une histoire humaine, il devrait faire une fête, exécuter les rois ennemis et se réjouir du butin ramené, de sa puissance, de sa domination. Il devrait s’installer comme roi de tout le territoire. Il devrait être fier d’avoir réalisé tout seul la promesse de Dieu : une terre. Mais ce n’est pas ce qu’il fait. Après le conflit et la solidarité, après la bénédiction qui élargit la foi d’Abram, voilà le temps pour Abram d’être porteur de bénédiction pour les autres. Il le fait en étant libre par rapport aux coutumes de son temps. Abram vainqueur devrait être le nouveau chef de sa région, il devrait être encore plus riche avec le butin amassé, il devrait devenir le roi de Sodome. Le roi de Sodome vient d’ailleurs le trouver, pour demander un peu de pitié : dans le butin, garde les biens matériels mais rends-moi mes gens. Abram alors, porté par la bénédiction de Melkisédek, s’affranchit de l’habitude : il refuse de prendre quelque butin que ce soit, il n’abuse pas de sa position, il reste libre par rapport au pouvoir et à la richesse. Il ne garde rien pour lui, il se garde tout entier pour la promesse de Dieu. Et par ce geste libre, il permet que l’histoire reprenne son cours. Pas comme avant la guerre, puisque les rois guerriers ont été vaincus, chassés au loin. Mais, sortis de l’épreuve, chacun à la place qui est la sienne : le roi de Sodome à Sodome, Loth près de cette ville, Abram dans sa marche avec le Seigneur, le Dieu très-haut, créateur des cieux et de la terre. Ils ont tous retrouvé leur liberté. La présence de Dieu se vit dans cette liberté intérieure qui permet aux autres d’être libres.

CBB - Oui, et aujourd’hui, le baptême de Gwennaëlle est pour nous le signe de cette liberté.

CB - Abram lui aussi recevra un signe, quelques chapitres plus loin : la circoncision.

CBB - Quel heureux hasard ! Dans la lettre aux Colossiens, il est aussi fait référence à une circoncision : « une circoncision où la main de l’homme n’est pour rien » (Col 2,11). Il s’agit en d’autres termes, d’une « circoncision spirituelle ». C’est ce que dit le baptême, en marquant chaque baptisé d’un sceau invisible et en même temps ineffaçable. Puisqu’il est invisible, il ne nous contraint pas. Gwennaëlle sera libre de dire le sens que prendra pour elle son baptême, tout au long de sa vie. Elle aura le droit de changer d’avis, changer d’église, de religion, d’appeler Dieu autrement ou même de ne pas l’appeler du tout. Quels que soient les choix de Gwennaëlle, ses détours sur son chemin de baptisée, sa vie restera pourtant marquée par le sceau de son baptême, qui est, je l’ai dit, ineffaçable – de la même manière que l’est la circoncision. Et c’est une bonne nouvelle pour Gwennaëlle, car ce sceau ne l’assigne pas à une vie décidée d’avance, mais est au contraire, le gage de sa liberté. Gwennaëlle n’aura pas à gagner sa place dans notre communauté, puisque celle-ci lui est réservée. Cette affirmation lui donne comme à tout baptisé la liberté d’aller et de venir, de chercher, de se tromper, de s’éloigner, de revenir, et de réclamer le droit de se présenter devant Dieu et devant les hommes telle qu’elle est, puisque sa dignité est, d’avance, reconnue. Cette liberté que Christ nous a acquise nous affranchit de toute autre doctrine de salut, comme cela est rappelé aux Colossiens. Plus personne n’est habilité à dicter les critères de dignité de nos vies. En Christ, tous les hommes sont rendus dignes et libres de devenir eux-mêmes, devant Dieu. Cette bonne nouvelle est pour Gwennaëlle, et pour chacune et chacun d’entre nous. Amen.