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Y a d'la joie !

Texte de la prédication du dimanche 12 février 2025, par le pasteur Christian Baccuet.

 

Y a d’la joie !

Prédication du dimanche 12 février 2025, par le pasteur Christian Baccuet.

 

Lectures bibliques :

  • Jean 11, versets 14 à 44
  • 1 Thessaloniciens 5, versets 16 à 22

 

Matin : accueil d'Elisa, 2 ans, qui a été baptisée le 28 décembre 2022 à Salvador (Bahia), Brésil ; accueil de Nicolas et Emma et bénédiction de leur couple

 

 

"Y a d'la joie

Bonjour bonjour les hirondelles

Y a d'la joie

Dans le ciel par dessus le toit

Y a d'la joie

Et du soleil dans les ruelles

Y a d'la joie

Partout y a d'la joie !"

 

Partout y a d’la joie, chantait Charles Trenet. Joie aujourd’hui, dans ce temple, pour ce culte. Joie de la petite Elisa baptisée il y a deux ans au Brésil et accueillie parmi nous ce matin, et joie de ses parents, Mathieu et Priscila. Joie de Nicolas et Emma qui ont demandé la bénédiction de Dieu sur leur couple et leur accueil officiel dans notre Eglise, et joie de leur fille Lazarine. Y a d’la joie, partout y a d’la joie !

Partout ? Nous savons bien que non ! Charles Trenet aussi, puisque vers la fin de sa chanson il chantait :

"Mais soudain voilà je m'éveille dans mon lit

Donc j'avais rêvé, oui, car le ciel est gris"

Nos vies ne sont pas dans la joie perpétuelle. Il y a aussi de la tristesse. En nous et autour de nous. La joie est-elle un rêve ?

 

1. Le verset le plus court, ou la joie première

Nos vies sont des chemins où se croisent épreuves et joies. Ainsi en est-il du récit que nous venons d’entendre dans l’évangile de Jean. Il est traversé par la maladie et la mort de Lazare, un ami très cher de Jésus, et par la tristesse de ses sœurs Marthe et Marie, de ses amis et voisins, de Jésus lui-même. Un texte où résonne la tristesse. Il contient un verset magnifique, tout petit mais immense de résonnance : « Jésus pleura » (v. 35). Deux mots qui disent la force d’émotion qui s’empare de Jésus devant la mort de son ami Lazare. Jésus pleure, comme nous, et cela dit son incarnation, sa proximité avec nos souffrances, la plongée de Dieu dans notre humanité.

« Jésus pleura ». On dit souvent que c’est le verset le plus court de la Bible, deux mots seulement. Mais c’est faux ! Il y a un verset encore plus court ! Nous l’avons entendu dans le passage de la 1ère Lettre de Paul aux Thessaloniciens : « Soyez toujours joyeux » (v. 16). En français, il est plus long, mais en grec, la langue dans laquelle est écrite le Nouveau Testament, il est plus court.

Le verset de Jean est en trois mots car il y a un article devant Jésus, comme cela est fréquent dans le grec ancien : Edakrusen o Iesous (Ἐδάκρυσεν ὁ Ἰησοῦς). Littéralement : « Pleura le Jésus ». Trois mots, 16 lettres. Le verset de Paul est en deux mots : Pantote chairete (Πάντοτε χαίρετε), « Toujours réjouissez-vous ». Deux mots, 14 lettres.

La joie est plus incisive que les pleurs. Et elle est première, si l’on pense au fait que l’évangile de Jean a été écrit dans les années 90, tandis que la 1ère Lettre de Paul aux Thessaloniciens a été écrite vers 50-51 ; elle est la plus ancienne lettre de Paul que l’on connaisse et donc le plus ancien écrit chrétien connu ! Y a d’la joie, d’abord ! La joie première, fondamentale.

Paul n’est pourtant pas un naïf, il sait que la vie est rude, la sienne est emplie d’épreuves, et il écrit aux chrétiens de Thessalonique, ville dont il s’est fait expulser et où les chrétiens sont en bute à l’hostilité d’une partie de la population. Il ne les appelle ni à une fausse consolation, ni à un repli dans des sphères éthérées, ni à une méthode Coué, à une joie forcée et artificielle. Il est bien conscient des difficultés : dans les versets qui précèdent, il évoque ceux qui n’assument pas leurs responsabilités, ceux qui sont abattus et faibles, ceux qui sont tentés de rendre le mal pour le mal.

Soyez toujours joyeux. Mais il n’est pas évident d’être toujours joyeux. L’appel de Paul n’est pas une injonction, une obligation impossible à tenir, un artifice écrasant. C’est une invitation ! Ce n’est pas un devoir à faire mais une force à recevoir. A vivre comme une grâce. Etre toujours joyeux, c’est être empli d’une autre réalité que celle du mal, c’est être portés par Dieu, la source de toute paix. C’est ce que nous nommons la « grâce », l’amour inconditionnel de Dieu qui se donne à nous comme un cadeau. Sa présence en nous qui nous fait vivre dans la foi, la confiance.

« Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous » : c’est par ces mots que, quelques versets plus loin, Paul conclut sa lettre.

 

2. La joyeuse grâce de Dieu

La « grâce », en grec c’est charis (χάρις), qui vient du verbe chairo (χαίρω), « se réjouir ». C’est le verbe utilisé dans le verset 16, « réjouissez-vous toujours » ! Charis, la grâce, la joie. « Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous » ; on pourrait traduire : « Que la joie de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous » ! La joie comme une grâce, un don de Dieu. La grâce de Dieu comme une joie à vivre, la joie de Dieu.

La grâce, c’est, même dans les épreuves, recevoir de Dieu force et paix. La joie, c’est se savoir accompagné par Dieu. Joie de se savoir aimé de Dieu. Joie de se savoir sauvé par Dieu, c’est-à-dire d’être mis par lui en juste relation avec lui.

Sauvé par Dieu. C’est le sens du prénom « Jésus » : Iesous (Ἰησοῦς) est la transcription de l’hébreu Yehowshuwa` (יְהוֹשׁוַּע), qui vient de Yehovah (יְהוֹוָה), « Yahvé », le Seigneur, l’Eternel, et de yasha` (יָשַׁע), « sauver ». Jésus signifie « Le Seigneur sauve », ou « Le Seigneur est salut ».

On trouve écho de cela dans deux prénoms importants aujourd’hui ! Le prénom Elisa vient de l’hébreu ’Eliysha` (אֱלִישָׁע), composé de ’El (אֵל), « Dieu » et de shuwa` (שׁוַּע), « appeler au secours ». Elisa signifie « Dieu est sauveur ». Et Lazare (et Lazarine) vient aussi de l’hébreu, ’El`azar (אֶלעָזָר), composé de ’El (אֵל), « Dieu » et de `azar (עָזַר), « aide, secours ». Lazare signifie « Dieu a secouru !

Jésus, Elisa, Lazare. Le Seigneur sauve, Dieu est sauveur, Dieu a secouru… Ces noms sont tout un programme ! C’est le programme de l’Evangile. Notre salut. Notre vie. Notre joie. Une force qui nous porte et nous entraîne.

 

3. Un parcours de vie

La grâce est première. La joie est première et nous permet de lire le récit de Lazare ramené à la vie comme récit de la joie du salut. C’est un texte qui pose problème à notre rationalité et la tentation est forte de le renvoyer à un récit archaïque qui ne parle plus à nos mentalités scientifiques, ou de le symboliser comme s’il n’était qu’une image. Nous n’étions pas là pour savoir ce qui s’est réellement passé. Mais nous sommes là aujourd’hui pour qu’il se passe vraiment quelque chose dans nos vies. Pour que ce récit soit le nôtre.

Au cœur de la douleur de la mort, dans les pleurs et la colère, c’est la joie qui se fraye un chemin. Au moment de se mettre en route, Jésus y parle d’ailleurs de joie, au verset 15 : « Je me réjouis pour vous ».  « Je me réjouis », chairo (χαίρω), toujours ce même verbe ! « Je me réjouis pour vous parce qu’ainsi vous croirez en moi », dit Jésus. Il annonce clairement que ce récit est destiné à nous permettre de croire. De croire, de faire confiance, de vivre comme Lazare ce jour-là, comme ses sœurs, comme les amis et voisins présents, comme les disciples. A notre tour de revenir à la vie. De passer des pleurs à la joie. Ce n’est pas facile, immédiat. C’est un chemin. Un chemin de résurrection.

Un chemin qui prend du temps. Jésus parle de la joie avant de se mettre en chemin avec ses disciples. Ce chemin qui est devant lui va le faire passer de la distance à la proximité, de l’absence à la présence, du silence à la parole, de la solitude à la relation, de la théorie à la vie. La joie première qui fait passer de la tristesse à la joie vécue est un chemin qui prend du temps, parfois toute une vie.

Un chemin jalonné de rencontres : les disciples, Marthe, Marie, les amis et les voisins qui sont là, Lazare même. Et puis il y a celui qui a écrit l’évangile, et puis nous qui le lisons aujourd’hui.  Il y a de nombreuses personnes dans ce récit. Chaque rencontre fait progresser la joie, jusqu’à ce que Lazare sorte de la tombe.

Un chemin qui traverse des émotions diverses. On y voit Marthe dire sa tristesse à Jésus : « Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ». Reproches qui sont signes de confiance, elle qui va passer d’une confession de foi doctrinale – « Je sais qu’il ressuscitera lors de la résurrection des morts, au dernier jour » – à la foi personnelle – « Je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde ». On y voit Marie pleurer. On y voit Jésus pleurer, lui aussi, mais aussi être pris de colère, deux fois. Emotions humaines essentielles devant le mal et la souffrance !

Un chemin jalonné de paroles fortes. Paroles échangées entre Jésus et ses disciples, entre Jésus et Marthe, entre Jésus et Marie. Paroles échangées entre Jésus et son Père, dans la prière. Et puis trois paroles fortes qu’il adresse à nous aujourd’hui. Trois paroles de Dieu pour nous.

« Enlevez la pierre », dit-il à ceux qui sont près du tombeau fermé. Enlevez la pierre qui retient vos frères et sœurs humains enfermés dans l’obscurité des tombeaux de larmes, pour que la lumière y pénètre.

« Sors de là ! », dit-il d’une voix forte à Lazare, permettant au mort de sortir du tombeau. « Sors de là ! », nous dit-il au creux de nos enfermements, de nos morts, de nos larmes. Sors de là et reviens dans la vie !

« Déliez-le et laissez-le aller », dit-il à ceux qui voient Lazare sortir du tombeau encore enveloppé dans son linceul. « Déliez-le et laissez-le aller », nous dit-il, appel à délier les liens qui tiennent encore des êtres humains dans la souffrance, l’injustice, la violence. Appel à laisser aller dans la vie ceux qui, par la force de l’Evangile, quittent la mort, non pas pour être enfermés dans des doctrines, des rites, des institutions, mais pour vivre pleinement la liberté de l’Evangile.

Enlevez la pierre, sors de là, déliez-le et laissez-le aller… Ce récit dépasse notre rationalité parce qu’il parle de la vie. Il ne nous demande pas de chercher ce qui a pu se passer ce jour-là. Il nous appelle à vivre ce qui se passe aujourd’hui, quand la présence du Christ se donne à nous, quand la parole du Christ s’adresse à nous, pour nous et pour d’autres que nous.

Voilà la véritable joie. Savoir que dans la réalité de la vie, ses larmes et ses épreuves, ses bonheurs et ses espérances, une présence nous porte et nous ouvre au présent de la rencontre avec Dieu. Car au fond de l’histoire de la résurrection de Lazare, c’est bien de la présence de Dieu dont il s’agit.  C’est de cette présence dont il s’agit dans la lettre de Paul aux Thessaloniciens. Présence de Dieu comme source de la paix, présence de Dieu dans la prière, action de l’Esprit saint en nous. Joie de Dieu sur nous, en nous, par nous.

Joie de l’Eglise, cette communauté d’hommes et de femmes en chemin, traversant pleurs et joie, épreuves et rencontres, doute et confiance, se portant les uns les autres dans la prière, la parole et la présence. Communauté dans laquelle vous avez toute votre place, Mathieu, Priscila et Elisa, Nicolas, Emma et Lazarine, et chacun et chacune de nous. Communauté de personnes se sachant sauvées et, portées par cela, s’engageant pour plus de justice et de paix dans le monde, vivant et partageant la joie de Dieu.

Frères et sœurs, que la joie de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous ! Pour que, partout, y ait d’la joie !

Amen.